4. Problématique

Le questionnement à l’origine de notre thèse porte sur les mécanismes cognitifs permettant de traiter des stimuli visuels complexes, contenant des informations situées à différents niveaux de hiérarchie. Selon les contraintes de la situation, il peut s’agir de sélectionner le niveau le plus pertinent pour une analyse efficace ou de passer souplement d’un niveau à l’autre. Dans la partie théorique, nous avons tenté de montrer que cette problématique a donné lieu à un vaste ensemble de recherches, souvent conduites avec des stimuli hiérarchisés construits sur le modèle de ceux qu’utilisait Navon dès son article princeps en 1977. Ces recherches sont généralement organisées autour de deux points, souvent eux-mêmes articulés : le premier concerne d’éventuels rapports de supériorité d’un niveau d’analyse sur l’autre et pose la question des priorités entre des mécanismes de ségrégation et d’intégration, étudiés à travers l’opposition entre niveaux d’analyse local et global ; le deuxième concerne la dominance hémisphérique pour ces traitements et rejoint la question de la complémentarité de mécanismes cognitifs sous-tendus par des aires cérébrales distinctes.

Pour évoluer de façon adaptée dans un environnement riche tel que le nôtre, la sélection de l’information est une nécessité. Celle-ci permet tour à tour d’échapper aux petits éléments d’information, pourtant parfois très attractifs, pour envisager le tout dans sa globalité, puis être à nouveau attentif aux détails, oubliant « la forêt derrière l’arbre ». Dans la partie théorique, nous avons essayé de montrer que la manière dont cette sélection s’effectue subit des limites imposées par divers facteurs environnementaux (stimulus-driven) ou internes (goal-driven). L’étude de telles contraintes et des mécanismes mentaux permettant de les dépasser est un objectif fondamental en psychologie cognitive.

Au fil des recherches sur le traitement des stimuli visuels complexes, la façon de poser les questions et d’étudier les hypothèses qui en découlent a profondément évolué. Elle est passée de la description d’étapes de traitement séquentielles, dont la réalisation ne dépendrait que de la qualité physique des stimuli et des caractéristiques du système visuel de bas niveau, à une description centrée sur la notion d’attention sélective. Il est alors question de mécanismes attentionnels associés au traitement de l’un ou l’autre niveau ; cette perspective intègre aussi d’emblée la possibilité de modulations de ces mécanismes par des influences de plus haut niveau.

Cette évolution permet par exemple de s’interroger sur une influence possible des connaissances relatives au contenu du stimulus, notamment la catégorie à laquelle il appartient, sur le traitement des informations situées aux niveaux global et local. Nous avons vu que peu de travaux portent sur ce point, et nous proposons de contribuer à mieux comprendre ce type d’influence de haut niveau. Au moyen de techniques d’imagerie cérébrale, Fink et ses collègues (1996, 1997b) ont observé un effet différent des catégories Lettre et Dessin d’objet sur la latéralisation des activations cérébrales pour le traitement de chaque niveau. L’idée originale est que les dominances hémisphériques associées au traitement d’un stimulus visuel complexe ne seraient pas seulement déterminées par les compétences de mécanismes latéralisés en fonction de leur spécialisation pour l’appréhension d’un certain niveau de l’objet organisé en hiérarchie. Elles le seraient aussi par les compétences de mécanismes, eux aussi latéralisés, mais selon leur spécialisation pour une certaine catégorie de matériel (des lettres, relevant d’une catégorie alphabétique et donc linguistique, impliqueraient des structures de l’HG ; des dessins d’objets impliqueraient plutôt des structures de l’HD).

Notre objectif est de vérifier, au moyen d’une technique non invasive et en relevant des données comportementales, que nos attentes concernant la nature (et pas seulement le niveau) de l’information à venir peut modifier la dominance hémisphérique pour le traitement d’une information située à un certain niveau de l’objet visuel complexe, ceci en particulier pour le niveau local, généralement plus vulnérable. La difficulté potentielle de l’extraction d’information au niveau local pourrait particulièrement motiver la mise en place d’un processus de haut niveau, qui augmente pour ce niveau l’engagement de mécanismes spécialisés dans le traitement de la catégorie concernée, afin de compenser sa fragilité. Nous souhaitons aussi contribuer à augmenter la portée des résultats présentés par Fink et ses collègues (1996, 1997b) en les répliquant dans des conditions différentes : en dehors du fait que la technique dont nous disposons présente beaucoup de limites et soit sensible à de nombreux biais, la présentation unilatérale en champ visuel divisé est une méthode qui, nous l’avons vu, ne favorise pas l’émergence d’effets d’asymétrie hémisphérique. Aussi, répliquer les effets en question dans de telles conditions confirmerait leur robustesse. De même, nous utilisons des stimuli pour lesquels la difficulté d’identification est la plus équilibrée possible entre les niveaux, de manière à ne pas relier directement les effets de catégorie (attendus en particulier au niveau local) au seul fait que l’information soit plus difficile à extraire à ce niveau dans les stimuli concrètement présentés. Nous pensons en effet que l’interprétation proposée par Fink dépend moins de la difficulté effective d’extraction d’information au niveau local dans les stimuli présentés, que de la tentative de mécanismes de haut niveau de compenser la difficulté inhérente, a priori, au niveau local, étant donné que celui-ci pose généralement plus de difficultés et présente donc une certaine vulnérabilité. Nous proposons également de nous écarter du paradigme d’attention focalisée mis en œuvre dans les expériences de Fink et ses collègues, préférant pour les sept premières expériences (Expériences 1a, 1b, 1c, 2a, 2b, 2c et 3) le paradigme d’attention divisée. Nous avons vu que celui-ci augmente en effet les chances d’observer des effets d’asymétrie hémisphérique. Cela n’est pas négligeable dans cette recherche, étant données les conditions de présentation unilatérales utilisées et qui, quant à elles, ne favorisent pas l’observation d’indices d’asymétrie hémisphérique. Dans une dernière expérience réalisée auprès de jeunes adultes (Expérience 4), nous proposons tout de même de mettre en œuvre le paradigme d’attention focalisée, comme Fink et ses collègues. Enfin, à partir de l’ensemble des sept premières expériences, nous testerons si la modulation exercée par la catégorie sur la dominance hémisphérique pour le traitement des niveaux dépend d’un mécanisme de haut niveau, mis en place pour l’ensemble de l’expérience, à partir de la certitude du sujet concernant la catégorie du stimulus à venir. Il s’agira donc de montrer que cette modulation n’est pas déterminée par l’identification de la catégorie du stimulus présenté, mais qu’elle est issue d’un processus plus général, pré-disposant le système cognitif à engager les mécanismes sous-tendus soit par l’HD, soit par l’HG, en fonction non seulement de leurs compétences pour le traitement des niveaux, mais aussi pour certains contenus. Pour cela, nous testerons l’effet de la présentation de stimuli d’une même catégorie dans des blocs séparés, ne laissant aucun doute quant à la catégorie du stimulus à venir, par rapport à une présentation aléatoire de lettres hiérarchisées et de dessins d’objets hiérarchisés.

L’évolution de la façon de poser les problèmes dans le domaine des recherches sur les stimuli hiérarchisés va aussi de paire avec la découverte d’une multiplicité de mécanismes attentionnels impliqués dans l’analyse de tels objets visuels. Dans une théorie récente, Hübner & Volberg (2005) parlent par exemple d’une séparation entre un mécanisme d’identification des unités situées aux niveaux global et local, et un mécanisme attentionnel associant l’identité de chacune à son niveau respectif (binding). D’autres mécanismes cognitifs contribuent encore à l’analyse d’un stimulus hiérarchisé. Selon les demandes de la tâche, la sélection d’un niveau peut intervenir, de même que l’inhibition d’informations. Selon les biais imposés par les caractéristiques physiques du stimulus, par les contraintes de la tâche, par la variabilité des distracteurs ou encore par le contexte des traitements précédemment réalisés, certains mécanismes attentionnels peuvent devenir indispensables. C’est le cas du processus de switching, qui permet le passage d’un niveau d’analyse à l’autre. Ce dernier processus est souvent mobilisé dans les activités quotidiennes, pour passer de la prise en compte de l’ensemble d’une scène à la concentration sur un détail, pour bien souvent intégrer ensuite ce dernier, à nouveau, dans le contexte.

Ce processus est intéressant, à double titre, dans une perspective choisissant d’étudier le traitement de stimuli visuels complexes en terme d’attention visuo-spatiale. En effet, par définition, le processus de switching est d’ordre attentionnel ; de plus, il peut lui-même faire l’objet d’une modulation imposée par des contraintes issues de haut niveau. Nous étudierons ainsi comment ce processus peut varier en fonction du contexte constitué par le mode d’analyse préalablement utilisé de façon répétitive. C’est ce que permet d’aborder l’effet du nombre de répétitions de traitements à un certain niveau, avant le changement de niveau nécessaire au traitement d’un stimulus cible.

Pour étudier ce processus de changement de niveau, nous proposons tout d’abord de l’appréhender comme un ensemble constitué de mécanismes variés. Il impliquerait non seulement un engagement préalable de l’attention, mais aussi une opération que nous appelons désélection, permettant d’inhiber les mécanismes associés au mode de traitement devenu inapproprié, avant d’effectuer l’opération de passage vers l’autre niveau. Notre objectif est de défendre la description du processus de changement de niveau par ces différentes composantes. Nous tenterons pour cela de montrer que ces dernières impliquent des supports neuro-anatomiques en partie distincts. Compte tenu des limites inhérentes à la technique de présentation en champ divisé, et en nous basant sur les résultats de quelques travaux ayant apporté des indices à ce sujet (notamment Wilkinson et al., 2001), nous posons simplement l’hypothèse que le processus de changement de niveau fait l’objet, dans son ensemble, d’une dominance de l’HG, mais que l’opération de désélection est, quant à elle, réalisée plus efficacement si l’information est plus directement adressée à l’HD qu’à l’HG. Cette hypothèse présente une certaine cohérence avec le rôle connu de l’HD dans divers mécanismes inhibiteurs. Si nous observions des effets conformes à cette hypothèse dans nos expériences, ils seraient compatibles avec l’hypothèse plus générale d’une certaine indépendance de l’opération de désélection dans le processus de changement de niveau.

Pour étudier cette opération de façon sélective, nous proposons de faire varier une caractéristique de la situation propre à rendre cette opération plus ou moins difficile à réaliser. Nous pensons que l’utilisation répétitive d’un mode d’analyse constant accroît l’engagement dans ce mode de traitement et rend ensuite son inhibition plus difficile, ce qui devrait affecter sélectivement l’opération de désélection. Notre hypothèse est donc tout d’abord que les performances pour traiter un stimulus nécessitant un changement de niveau peuvent être modulées par le contexte des modes de traitement préalablement utilisés. De plus, une compétence particulière de l’HD pour gérer ce type de difficulté pourrait témoigner de la latéralisation hémisphérique des supports neuro-anatomiques de l’opération de désélection, ce qui contribuerait à concevoir cette opération comme relativement spécifique au sein du processus de changement de niveau.

Au final, le Chapitre 1 de cette thèse est consacré à de jeunes adultes sans pathologie particulière, testés dans 8 expériences différentes, et il est guidé par les hypothèses principales suivantes.

Le processus de haut niveau responsable de cette modulation de l’asymétrie hémisphérique pour le traitement local selon la catégorie du matériel est une préparation attentionnelle qui prédispose le fonctionnement du système visuel à engager les mécanismes de tel hémisphère plutôt que de tel autre au niveau local. Autrement dit, il ne s’agit pas d’un processus intervenant lors d’une étape de traitement tardive du stimulus, une fois que sa catégorie a été identifiée. Il ne dépendrait donc pas de la catégorie effective du stimulus hiérarchisé lui-même, mais de la certitude que s’est forgé le sujet à propos de l’homogénéité de la catégorie de tous les objets à traiter dans l’ensemble d’une situation. L’établissement de cette préparation attentionnelle ne serait donc possible que si le sujet connaît à l’avance la catégorie du stimulus à traiter. C’est ce que proposent de tester les Expériences 1c et 2c, constituées d’une liste mêlant des lettres hiérarchisées et des dessins d’objets hiérarchisés, par opposition aux Expériences 1a, 1b, 2a et 2b, dont les listes présentent chacune des stimuli de catégorie homogène.

Nous pensons par contre que cette préparation attentionnelle est possible non seulement dans les situations où le sujet focalise son attention sur un même niveau pendant toute une série de traitements, mais aussi lorsqu’il change fréquemment de niveau d’un item à l’autre. En effet, pour un niveau donné (essentiellement le niveau local), la préparation attentionnelle consisterait à prédisposer de manière générale le système cognitif visuel à mobiliser des mécanismes latéralisés dans l’HG pour une catégorie linguistique et dans l’HD pour des dessins d’objets, que la cible soit finalement située à ce niveau local ou à l’autre niveau. Cela témoignerait encore du fait qu’il s’agit bien d’une préparation attentionnelle et non d’un processus attentionnel tardif : il interviendrait non seulement avant l’identification de la catégorie du stimulus, mais aussi avant la découverte du niveau auquel se situe la cible.

De même, nous pensons que cette modulation attentionnelle exercée à partir d’un processus de haut niveau ne se fonde pas sur la difficulté effective de l’extraction d’information au niveau local des stimuli concrètement présentés. Autrement dit, nous pensons que, pour que cette modulation s’exerce, il n’est pas nécessaire d’avoir constaté qu’il est véritablement plus difficile, dans la situation, de traiter l’information au niveau local. Le système cognitif se baserait plutôt sur une règle ayant établi, à partir d’une certaine quantité d’expériences perceptives antérieures, que l’information située à ce niveau est potentiellement difficile à traiter.

Le processus de haut niveau consistant à prédisposer l’engagement de mécanismes latéralisés selon les catégories pour optimiser le traitement du niveau local, à cause de sa vulnérabilité, pourrait avoir des retentissements sur l’engagement de mécanismes pour le traitement au niveau global. Fink et ses collègues (1997b) ont évoqué cela pour expliquer l’inversion de dominance hémisphérique qu’ils observent pour le traitement du niveau global en cas de dessins plutôt que de lettres hiérarchisées. L’hémisphère dont les mécanismes ne sont pas engagés dans le traitement du niveau local resterait le plus disponible pour traiter le niveau global. Ainsi, dans le cas de lettres hiérarchisées, la forte implication de l’HG dans le traitement local laisserait l’HD disponible pour le traitement global, alors que dans le cas de dessins d’objets hiérarchisés, la mobilisation de l’HD pour des mécanismes de traitement appliqués au niveau local laisserait davantage l’HG disponible pour le traitement du niveau global. Etant donné que cette interprétation est plus indirecte que celle proposée pour la modulation de l’asymétrie hémisphérique pour le traitement du niveau local, et que cet effet sur le niveau global n’a pas été répliqué (Bedson & Turnbull, 2002), notre prédiction à ce sujet est plus prudente.

Enfin, les indices de dominance hémisphérique étant très vulnérables à de multiples biais, en particulier lorsque la technique de présentation unilatérale en champ visuel divisé est utilisée, nous tenterons d’améliorer la qualité de la première série d’épreuves (Expériences 1a, 1b et 1c) en supprimant l’un de ces biais. Les stimuli expérimentaux pour lesquels nous relevons les performances dans ces premières expériences nécessitent tous un changement de niveau, mais aussi un changement de réponse (la cible diffère entre l’item n et l’item n – 1). Cela pourrait accroître la difficulté de l’épreuve, mais aussi augmenter l’implication de mécanismes tardifs de sélection de la réponse et de programmation motrice, qui ne nous intéressent pas particulièrement dans cette recherche et dont les supports neuro-anatomiques sont latéralisés : ils pourraient donc masquer l’effet des autres mécanismes latéralisés (pour leur compétence dans le traitement de catégories ou de niveaux particuliers) qui sont l’objet de notre recherche. En supprimant cette caractéristique dans les Expériences 2a, 2b et 2c, nous espérons pe étudiés dans cette thèse.

Le choix d’utiliser le paradigme d’attention divisée pour les Expériences 1a, 1b, 1c, 2a, 2b, 2c et 3 était motivé par deux raisons. La première est le souhait de se placer dans des conditions qui favorisent l’observation d’indices de dominance hémisphérique, car nous avons montré dans la partie théorique que cette procédure est pour cela plus favorable que celle employée dans le paradigme d’attention focalisée. La deuxième était le souhait de répliquer les effets observés par Fink et ses collègues (1996, 1997b) dans une autre situation expérimentale, afin d’augmenter leur portée. Nous complétons cependant ce premier ensemble d’épreuves par l’Expérience 4 qui propose une tâche d’attention focalisée sur un même niveau pendant chacun des blocs de l’épreuve. Nous avons vu que la focalisation sur un niveau, induite par la consigne, réduit généralement les effets de dominance hémisphérique pour le traitement des stimuli hiérarchisés, car les mécanismes sous-tendus par l’un et l’autre hémisphères s’engageraient dans ce cas massivement dans le traitement du niveau pertinent, que cela relève de leur plus grande compétence ou pas. Malgré cela, nous espérons relever quand même dans ces conditions, mais sans doute de manière plus discrète, les indices d’une modulation exercée par la catégorie sur le traitement des niveaux global et local des stimuli hiérarchisés, la catégorie étant dans cette épreuve homogène à l’intérieur de chaque bloc. rmettre de faire émerger plus facilement les effets de dominance hémisphérique.

Les épreuves d’attention focalisée donnent en outre l’occasion d’étudier un autre aspect attentionnel des traitements impliqués dans l’analyse de stimuli visuels complexes : la capacité d’inhibition du niveau désigné comme non pertinent par la consigne. Sur ce point, nous avons montré dans la partie théorique qu’un effet d’asymétrie de l’interférence est classiquement observé : il est normalement plus difficile à un adulte d’inhiber l’information et/ou les mécanismes spécifiques au traitement du niveau global que l’information et/ou les mécanismes spécifiques au traitement du niveau local. Nous vérifierons ce point dans l’Expérience 4, pour montrer que ce phénomène se produit même si les niveaux de difficulté de traitement de l’information sont relativement bien équilibrés entre les niveaux.

En outre, dans l’Expérience 6, nous proposerons à des groupes d’enfants (mêmes tranches d’âge que ceux de l’Expérience 5) l’épreuve utilisée auprès d’adultes dans l’Expérience 4, avec la procédure d’attention focalisée à un niveau constant pendant chaque bloc. Elle permettra d’étudier si la capacité à inhiber une information non pertinente se développe à des rythmes distincts selon le niveau d’analyse visé par ce mécanisme d’inhibition. La partie théorique du Chapitre 2 montrera que les capacités de traitement de l’un et l’autre niveaux ne se développent apparemment pas au même rythme ; notre hypothèse propose que les mécanismes d’inhibition se développent eux aussi à des rythmes différents selon le niveau concerné.

Dans l’Expérience 8, nous testerons la présence d’un déficit que nous pensons spécifique aux enfants dyslexiques ne présentant pas de trouble phonologique, sans prétendre toutefois que ce déficit soit présent chez tous les enfants dyslexiques pour lesquels aucun trouble phonologique ne permet d’expliquer les difficultés. Il s’agit d’un déficit d’attention visuo-spatial précis, qui consisterait en une difficulté spécifique à inhiber l’information issue des détails dans un stimulus visuel complexe, compétence qui, nous le verrons dans nos expériences sur les enfants, se met en place lentement. En proposant 4 blocs, permettant de présenter des lettres hiérarchisées (l’un avec focalisation au niveau global, l’autre au niveau local) et des dessins d’objets hiérarchisés (l’un avec focalisation au niveau global, l’autre au niveau local), l’Expérience 8 permet de tester les hypothèses sur les deux catégories de matériel.

L’Expérience 8 propose de détecter et de différencier, grâce à une épreuve unique, le déficit que notre hypothèse 4a associe à la dyslexie avec trouble phonologique, d’une part, et le déficit dont l’hypothèse 4c prédit le lien avec la dyslexie sans trouble phonologique, d’autre part. L’élaboration de cette dernière épreuve est motivée non seulement par le souci de tester nos hypothèses théoriques, mais aussi de proposer un outil susceptible de contribuer à l’affinement du diagnostic du type de dyslexie, en termes de déficits cognitifs. Nous espérons ainsi contribuer à orienter la prise en charge de l’enfant et à ouvrir de nouvelles pistes de rééducation, encore particulièrement rares pour les enfants dyslexiques ne présentant pas de trouble phonologique majeur.