Influence des catégories sur la dominance hémisphérique pour les traitements global/local

Les résultats des Expériences 1a et 1b confortent partiellement notre Hypothèse théorique 1, sur la modulation exercée par les catégories sur la dominance hémisphérique pour les niveaux global et local. Certains aspects des données apportent toutefois des éléments encourageants à ce propos. Sur les temps de réponse, l’interaction significative Champ X Niveau X Catégorie est ainsi tout à fait conforme à l’hypothèse.

L’examen attentif de ce qui se produit pour l’un et l’autre niveaux nous apprend en particulier que la dominance hémisphérique pour la discrimination de cibles locales n’est pas exclusivement déterminée par la spécialisation de mécanismes latéralisés en fonction de leur compétence pour le traitement d’un certain niveau d’analyse.

Au niveau local, l’interaction significative Champ X Catégorie nous apprend en particulier qu’il n’y a pas de dominance systématique de l’HG pour le traitement de ce niveau, mais que la dominance hémisphérique observée dépend aussi de la catégorie des stimuli. Plus précisément, nous observons un avantage significatif de l’HG pour le traitement local des lettres hiérarchisées, ce qui est classique, mais cet avantage disparaît et laisse place à une tendance inverse pour le traitement local des dessins hiérarchisés. Ces données confortent donc seulement partiellement notre Hypothèse 1a, puisque l’avantage de l’HD observé pour le traitement local des objets hiérarchisés n’atteint pas lui-même le seuil de significativité. Notons tout de même que le seul effet significatif issu de l’analyse des temps de réponse pour l’Expérience 1b (dessins d’objets), effectuée séparément, montre qu’en CVG-HD les latences sont plus courtes pour le niveau local que pour le niveau global : il semble donc que des structures de l’HD traitent particulièrement bien les objets au niveau local, ce qui n’est pas le cas pour les lettres (Expérience 1a). Les pourcentages d’erreurs, faibles, n’ont pas fait ressortir d’effet très net, mais le seul à atteindre le seuil de significativité est tout de même l’avantage de l’HG sur l’HD pour le traitement local dans le seul dans le cas des lettres hiérarchisées, ce qui va dans le même sens que les effets obtenus sur les latences. Il apparaît donc, globalement, que la spécialisation hémisphérique associée aux modes de traitement global et local n’est pas le déterminant exclusif de l’implication respective de chaque hémisphère pour la discrimination de cibles situées au niveau local. La configuration des résultats obtenus pour ce niveau d’analyse est en cela compatible avec l’hypothèse inspirée de Fink et ses collègues (1997b). En bref, dans les Expériences 1a-1b, et conformément à l’Hypothèse 1a, la catégorie du contenu du stimulus est un critère déterminant pour l’engagement de mécanismes latéralisés lorsqu’il s’agit de discriminer un élément au niveau local.

Pour ce qui est de la discrimination de stimuli au niveau global, les résultats sont moins nets qu’au niveau local, car l’interaction Champ X Catégorie n’atteint pas le seuil de significativité. Aussi, la modulation de l’asymétrie hémisphérique associée au traitement global par la catégorie des stimuli doit-elle être discutée avec prudence. Il n’en demeure pas moins que, dans les analyses conduites séparément sur les temps de réponse de l’une et l’autre expériences, l’avantage classique de l’HD est significatif pour les lettres globales, alors qu’aucune différence n’apparaît selon le champ visuel de présentation pour les dessins d’objet traités au niveau global. Cette configuration de résultats ne reproduit pas exactement le renversement de l’asymétrie hémisphérique observé pour les activations cérébrales par Fink et ses collègues (1996, 1997b) pour le niveau global, mais elle manifeste tout de même une atténuation de l’avantage de l’HD pour le traitement de ce niveau lorsque le stimulus est un dessin d’objet hiérarchisé plutôt qu’une lettre hiérarchisée, ce qui va dans le sens de notre Hypothèse 1e. Cette disparition de la dominance de l’HD pour le traitement global des dessins d’objets hiérarchisés, associée à la tendance vers un avantage de l’HD pour le traitement local de ces mêmes dessins d’objets, constituent une configuration compatible avec notre attente.

Les quelques indices observés et qui peuvent être interprétés comme des signes d’une modulation exercée par les catégories sur la dominance hémisphérique pour les traitements global et local sont aussi autant d’éléments en faveur des Hypothèses 1c et 1d. Ces dernières proposent en effet que des signes d’une telle modulation peuvent apparaître à travers la simple observation de données comportementales, et ceci dans une épreuve mobilisant pourtant l’attention de manière différente de celle employée par Fink et ses collègues (1996, 1997b), et avec des stimuli dont la difficulté réelle de traitement au niveau local ne peut être évoquée pour justifier la mise en œuvre d’un processus de haut niveau destiné à optimiser l’identification de l’information à ce niveau. Aussi, l’intérêt de ces quelques données est d’avoir répliqué, en partie, les effets présentés par Fink et ses collègues dans des conditions si différentes qu’elle peuvent accroître leur portée. Comme eux, nous sommes tenté de dire que de telles données suggèrent pour le moins que les fréquences spatiales ne sont pas le seul déterminant pour le traitement des niveaux d’analyse, sensible aussi à des influences de plus haut niveau cognitif.