1.4. Influence de fermeture pour percevoir une unité chez l’enfant

La loi de fermeture (closure, ou fermeture) postule qu’une forme fermée est plus facilement identifiée comme un objet unitaire qu'une forme ouverte. La fermeture jouerait un rôle très important dans la détermination des contours. Il est toutefois difficile de mettre en évidence sa prise en compte, de manière isolée chez les bébés, Gerhardstein, Kovacs, Ditre et Feher (2004) ont montré que des bébés sont sensibles à la bonne continuité dès 3 mois, mais qu’ils restent encore insensibles à la propriété de fermeture. De même, il n’est pas certain que la fermeture ait participé à la perception de forme dans l’expérience de Quinn et ses collègues. (1997) décrite plus haut chez des enfants de 3-4 mois, la bonne continuité a peut-être à elle seule permis cette perception. Des indices de sensibilité à la fermeture ont par contre été relevés pendant la période pré-scolaire. Enns et Girgus (1985, cités par Hadad & Kimchi, 2006) ont notamment montré une sensibilité des enfants à ce principe dès 2 ans, dans une tâche de reconnaissance de contours illusoires. Les données d’Abravanel (1982) nuancent toutefois l’intensité de cette sensibilité en montrant que seuls 60% des enfants de 3 ans parviennent à reconnaître une forme illusoire fermée à partir de contours partiels (figures inspirées de Kanisza), alors que 100% des enfants réussissent à 5 ans.

Plus récemment, Hadad et Kimchi (2006) se sont directement intéressés à l’influence de la fermeture dans des tâches de recherche visuelle chez des enfants de 5, 10 ans et de jeunes adultes. Comme illustré en Figure 42, la cible à rechercher dans l’Expérience 1 est une figure concave parmi des distracteurs convexes. La cible et les distracteurs sont soit des figures fermées, soit ouvertes. L’augmentation du temps de réponse avec le nombre de distracteurs est importante pour la recherche d’une cible ouverte parmi des distracteurs ouverts, ce qui témoigne d’une faible efficacité de la recherche qui s’améliore toutefois entre 5 ans et l’âge adulte. Par contre, si les figures sont fermées, l’augmentation des temps de réponse en fonction des distracteurs est faible, ce qui traduit une recherche efficace, aussi bien à 5 ans qu’à 10 ans et à l’âge adulte. Ces données suggèrent donc une influence majeure de la fermeture sur la perception des formes dès l’âge de 5 ans.

Figure 42. Exemples de stimuli utilisés dans l’Expérience 1 (Hadad & Kimchi, 2006)

La fermeture ne doit pas nécessairement être physiquement présente pour faciliter le traitement d’une forme comme une unité. La fragmentation des contours d’une figure fermée affecte son traitement mais n’empêche pas d’inférer la fermeture. Les expériences avec stimuli inspirés de Kanisza le suggèrent. En outre, l’Expérience 2 de Hadad et Kimchi (2006) précise les conditions de la perception d’une fermeture virtuelle chez l’enfant. Dans cette épreuve de recherche visuelle d’une forme concave parmi des distracteurs convexes, la fermeture n’est pas physiquement présente parce que les segments sont discontinus, mais elle peut être déduite de la disposition des fragments du contour (voir Figure 43). Ces chercheurs ont fait varier deux facteurs : la distance séparant les segments et l’emplacement des ruptures dans la continuité du tracé (elles préservent ou non la colinéarité). Les performances des enfants de 5 ans montrent que les indices de fermeture sont encore assez difficiles à partir de cet âge. À 5 ans, seule la proximité des segments influence vraiment les performances, que ces segments soient colinéaires ou non. Les performances s’améliorent fortement entre 5 et 10 ans et, les enfants tirent de mieux en mieux partie de la colinérité qui peut même, à 10 ans, compenser l’éloignement des segments et améliorer la perception des figures fermées. Ces données montrent en tout cas que le développement de la prise en compte de différentes propriétés de relation spatiale n’est pas uniforme.

Figure 43. Exemples de stimuli utilisés dans l’Expérience 2 (Hadad & Kimchi,. 2006)