2.2.4.2. Vers notre hypothèse sur un rythme de développement différencié des mécanismes d’inhibition pour les niveaux global/local

Les situations demandant de sélectionner un seul niveau d’information dans un stimulus hiérarchisé sont un autre moyen d’étudier le filtrage. Une certaine forme d’inhibition de l’information non pertinente est également nécessaire dans les paradigmes d’attention divisée entre les niveaux, peut-être encore plus particulièrement lorsque la cible à traiter dans un certain item se trouve à un niveau différent de celui qui vient d’être sélectionné dans l’item précédent. Il paraît donc possible de s’intéresser au processus de filtrage et aux mécanismes d’inhibition dans le traitement de stimuli hiérarchisés. Etant donné que le développement des compétences pour traiter l’un et l’autre niveaux suivent des trajectoires développementales différentes, nous pouvons supposer que les mécanismes attentions associés à ces deux niveaux d’analyse se développent, eux aussi, à des rythmes distincts. C’est pourquoi nous nous orientons vers l’hypothèse selon laquelle les opérations inhibition de l’information sur l’un et l’autre niveaux se développent de façon décalée.

La proposition de cette hypothèse sera plus précise, puisqu’il s’agira de proposer que le mécanisme d’inhibition de l’information sur les détails se développe sur une plus longue période que le mécanisme d’inhibition de l’information issue du niveau global qui, quant à lui, n’atteindrait jamais la perfection et ne s’améliorerait plus dès une étape assez précoce de l’enfance.

Le sens de cette hypothèse est motivé par l’examen des résultats obtenus par Porporino et ses collègues (2004). Rappelons qu’ils proposent de prendre une décision à propos du contenu de l’un des niveaux d’un stimulus hiérarchisé, en présence de deux autres stimuli hiérarchisés situés de part et d’autre. Nous avons expliqué qu’ils montrent que la seule présence de ces distracteurs réduit les performances : le traitement des niveaux global/local n’est donc pas insensible à l’augmentation des demandes attentionnelles de la tâche. De plus, les données montrent que la présence des distracteurs augmente davantage le temps de réponse pour les cibles globales que pour les cibles locales chez les enfants de 6 et 8 ans. Il semble donc que, chez les jeunes enfants, les mécanismes attentionnels associés au traitement du niveau global soient particulièrement vulnérables à la nécessité d’inhiber une information concurrente, et ceci même si cette concurrence ne relève pas de l’étape de sélection de la réponse, mais simplement d’une concurrence perceptive (le phénomène est en effet observé aussi avec des stimuli distracteurs neutres, ne contenant aucune des cibles). Par la suite, les enfants plus âgés et les adultes ne souffrent pas davantage de la présence des distracteurs pour le traitement de l’un ou l’autre niveau. Ainsi, le mécanisme d’inhibition engagé lorsque la cible à traiter est globale semble faire l’objet du développement le plus étendu pendant l’enfance. Cela pourrait en partie expliquer pourquoi plusieurs chercheurs ont observé que le traitement du niveau global fait l’objet d’un développement particulièrement prolongé (Burack, & al., 2000 ; Dukette, & Stiles, 1996, Dukette, & Stiles, 2001 ; Enns, & al., 2000).