3.1.3. Développement de l’asymétrie hémisphérique comme exemple de plasticité cérébrale

La plasticité cérébrale est souvent mentionnée en neurosciences pour parler des aspects dynamiques d’adaptation et d’interaction entre les structures cérébrales et l’environnement, chez l’enfant comme chez l’adulte. Elle est particulièrement évoquée lorsqu’il s’agit d’expliquer comment s’opère la récupération de certaines fonctions cognitives, après la détérioration des aires cérébrales qui sous-tendent leur réalisation, notamment en cas de lésion ou d’intervention en neurochirurgie. L’originalité de l’approche de Stiles et de ses collègues (2005) est de donner à ce principe de plasticité une place plus importante, en reconnaissant qu’il anime aussi bien la récupération fonctionnelle post-traumatique que le développement normal des fonctions cérébrales : un principe d’explication commun est alors évoqué pour parler à la fois de pathologie en neuropsychologie et de développement cognitif normal. La plasticité n’est plus alors conçue comme un processus indépendant, réactif et ancillaire au développement. Elle serait en œuvre dans la maturation cérébrale de chacun.

Le deuxième point important dans la perspective de Stiles est que la capacité d’adaptation cérébrale de l’enfant ne serait plus un processus suivant seulement des règles générales, mais serait essentiellement déterminée par les caractéristiques du développement cérébral de la fonction considérée. Le développement des mécanismes cognitifs ne peut plus être alors envisagé comme uniforme, ni pour le rythme, ni pour la mise en place de spécialisations hémisphériques. Cette approche nous intéresse particulièrement, car elle offre un cadre pour décrire l’évolution du traitement de stimuli hiérarchisés chez des enfants, la mise en place des spécialisations hémisphériques associées, et les éventuelles anomalies de développement de ces deux aspects chez des enfants dyslexiques. Dans une telle perspective, il devient en effet possible de rendre compte de la variabilité avec laquelle la récupération fonctionnelle, ou le développement, s’opèrent selon les aires cérébrales et aussi selon les mécanismes détériorés. En développant cette idée, Stiles sort du débat entre les deux théories précédentes et met en avant la variété des chemins que peut prendre le développement d’une fonction. Elle s’écarte aussi de deux idées classiques à propos de la récupération post-lésionnelle : la prétendue préférence pour la préservation du langage et le ‘crowding’.