2. Résultats

Deux analyses de la variance à mesures répétées ont été effectuées, l’une sur les latences pour les réponses exactes et l’autre sur les pourcentages d’erreurs, avec le facteur inter-individuel groupe : (CP, CE2 et CM2) et 4 facteurs intra-individuels : la catégorie (lettre, dessin), le champ visuel de présentation (CVG-HD, CVD-HG), le niveau d’apparition de la cible (global, local) et le nombre de répétitions avant le changement de niveau (2 répétitions versus 4 répétitions). Les temps déviants (supérieurs à la moyenne de la condition considérée plus deux écarts-types ou inférieurs à cette moyenne moins deux écarts-types) ont été exclus de l’analyse. Nous avons ensuite effectué des analyses séparées pour chaque groupe afin de mieux apprécier pour chaque tranche d’âge l’effet des facteurs intra-indivuels.

L’analyse globale sur les TR montre un effet du groupe, F (2, 69) = 9.80, p = .0002. Nous constatons que la vitesse moyenne de réponse s’accélère avec l’âge, particulièrement, entre le CP (1628 ms) et le CE2 (1406 ms), F (2, 69) = 9.012, p = .004, mais de manière non significative entre le CE2 et le CM2 (1313 ms), F (2, 69) = 2.53, p = .1161 (Figure 44).

Figure 44. Temps de réponses et erreurs standard selon le groupe dans l’Expérience 5.

Nous notons aussi un effet du niveau, F (1, 69) = 7.11, p = .009, reflétant un avantage du niveau local (1419 ms) sur le niveau global (1479 ms) alors que la difficulté des niveaux semblait bien équilibrée chez les adultes. La catégorie n’exerce pas d’effet principal et l’interaction Niveau X Catégorie n’atteint pas non plus le seuil de significativité, F (1, 69) = 2.13, p = .1493. Nous proposons cependant l’examen de laFigure 45représentant cette interaction car elle éclaire en partie l’origine du surprenant avantage du niveau local sur le niveau global : cet avantage est essentiellement dû aux lettres hiérarchisées, F (1, 69) = 8.08, p = .006 et il est très faible sur les dessins hiérarchisés, F (1,69) < 1.

Figure 45. Temps de réponses et erreurs standard selon la catégorie et le niveau dans l’Expérience 5.

Le nombre de répétitions avant un changement de niveau affecte les TR, plus rapides lorsque ce changement survient après 2 répétitions (1406 ms) plutôt qu’après 4 répétitions (1493 ms), F (2, 69) = 20.95, p = .0001 et ce facteur n’interagit avec aucun autre. L’interaction Niveau X Champ n’atteint pas le seuil de significativité, F (1, 69) = 1.48, p = .228 sur l’ensemble des enfants, et ne varie pas significativement non plus selon la catégorie ni l’âge des enfants. La Figure 46présente cependant son évolution avec l’âge, de manière à permettre la comparaison ultérieure de la configuration des résultats avec des effets plus nets relevés sur les taux d’erreurs (Figure 48).

Figure 46. Temps de réponses et erreurs standard selon le champ visuel et le niveau d’apparition de la cible pour chaque groupe d’enfants dans l’Expérience 5.

L’analyse globale des taux d’erreurs montre elle aussi un effet du groupe, F (2, 69) = 5.09, p = .008. Comme l’illustre la Figure 47, le pourcentage d’erreurs diminue progressivement, de manière faible et non significative entre le CP (13.76%) et le CE2 (11.50%), (F < 1), puis de manière plus marquée entre le CE2 et le CM2 (6.64%), F (2, 69) = 4.59, p = .035.

Figure 47. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le groupe dans l’Expérience 5.

Nous relevons un effet de la catégorie, F (1, 69) = 6.64, p =.013, avec moins d’erreurs pour les lettres (9%) que pour les dessins (12.97%). L’effet du champ est aussi significatif, F (1, 69) = 6.27, p = .014, avec davantage d’erreurs pour les stimuli présentés dans le CVG-HD (11.95%) que dans le CVD-HG (9.32%), mais le champ visuel et la catégorie n’interagissent pas. Enfin, l’interaction Niveau X Champ n’est pas significative (F < 1), mais l’interaction Niveau X Champ X Groupe l’est, F (1, 69) = 3.93, p = .024. Comme l’illustre la Figure 48, la dominance de l’HG sur l’HD pour le traitement du niveau local est présente chez les enfants les plus jeunes, ce qui confirme la tendance observée sur les CP et CE2 pour la moyenne des TR (Figure 46). Cette dominance de l’HG au niveau local perd ensuite progressivement son impact, l’effet disparaissant pour l’exactitude dès le CE2 et à la fois pour l’exactitude et la vitesse des réponses en CM2.

Figure 48. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le champ visuel et le niveau d’apparition de la cible pour chaque groupe d’enfants dans l’Expérience 5.

Les analyses complémentaires, réalisées séparément sur chaque groupe, permettront de préciser comment évolue cette asymétrie de la dominance hémisphérique et surtout si sa disparition progressive pour le traitement du niveau local masque un autre phénomène : la modulation de la dominance hémisphérique pour les niveaux d’analyse, selon la catégorie du stimulus.

Chez les enfants de CP, l’analyse des temps de réponse et des taux d’erreurs ne fait pas ressortir d’effet principal du niveau, (F < 1), alors qu’il est significatif pour les TR sur l’ensemble des enfants. En CP, les degrés de difficultés pour les deux niveaux semblent donc plutôt bien équilibrés. Par contre, l’exactitude des réponses des enfants de CP est déjà affectée par le champ visuel de présentation, avec moins d’erreurs en CVD-HG (11.28%) qu’en CVG-HD (16.23%), F (1, 23) = 9.00, p = .006. Cet effet reflète la dominance générale de l’HG dans cette épreuve pour l’ensemble des enfants. La plus grande précision de réponses pour la discrimination des lettres que des dessins, relevée sur l’ensemble des enfants, se confirme elle aussi dès le CP, avec moins d’erreurs pour les lettres (11.98%) que pour les dessins (15.54%), F (1, 23) = 4.44, p = .046.

L’interaction Niveau X Champ est significative sur les pourcentages d’erreurs, F (1, 23) = 6.13, p = .021. L’analyse des contrastes montre qu’elle reflète deux phénomènes, illustrés en Figure 49. Tout d’abord, les cibles au niveau local sont mieux discriminées en CVD-HG qu’en CVG-HD, F (1, 23) = 15.75, p = .0006, ce qui n’est pas le cas pour les cibles au niveau global (F < 1). Par ailleurs, dans le CVG-HD, le niveau global est mieux traité que le niveau local, F (1, 23) = 5.82, p = .024, ce qui n’est pas le cas dans l’autre champ F (1, 23) = 1.19, p = .2873. L’interaction Niveau X Champ n’est pas significative sur les TR (F < 1), mais la comparaison entre lesFigure 49etFigure 50 montre qu’il n’y a pas, sur ce point, d’échange rapidité/exactitude, l’avantage de l’HG pour le traitement du niveau local étant apparent (bien que non significatif sur les TR) sur l’une et l’autre variables dépendantes. Signalons également que le facteur catégorie n’affecte pas l’interaction Niveau X Champ, quelle que soit la variable dépendante : (F < 1, sur les TR et les pourcentages d’erreurs, pour l’interaction Catégorie X Niveau X Champ).

Figure 49. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le champ visuel de présentation et le niveau dans l’Expérience 5, pour les enfants de CP.
Figure 50. Temps de réponses et erreurs standard selon le champ visuel de présentation et le niveau dans l’Expérience 5.

Concernant l’effet du nombre de répétitions avant un changement de niveau, les enfants de CP lui sont modérément sensibles : alors que ce facteur a un effet significatif sur les TR de l’ensemble des enfants, les latences sont plus courtes en condition 2 répétitions (1586 ms) qu’en condition 4 répétitions (1670 ms) sans atteindre le seuil de significativité, F (1, 23) = 3.42, p = .08. Enfin, l’interaction Répétition X Champ n’est pas significative non plus, F (1, 23) < 1.

Chez les enfants de CE2, les réponses s’illustrent surtout par une accélération massive par rapport à celles des enfants de CP. L’effet du champ visuel de présentation a disparu car l’avantage général de l’HG s’est beaucoup amenuisé. Le facteur niveau n’affecte toujours pas les performances de manière significative pour les TR, F (1, 23) = 2.60, p = .12 et l’avantage des lettres sur les dessins n’est plus présent sur les pourcentages d’erreurs (F < 1).

Toutefois, ces deux derniers facteurs, niveau et catégorie, tendent fortement à interagir, F (1, 23) = 3.77, p = .065 sur les TR ce qui n’est pas le cas en CP. Comme retracé en Figure 51, un avantage du niveau local sur le niveau global se manifeste exclusivement pour les lettres, F (1, 23) = 5.68, p = .026, et pas pour les dessins, (F < 1), alors que les dessins sont traités plus rapidement que les lettres au niveau global, F (1, 23) = 4.69, p = .041, mais pas au niveau local (F < 1). Cet avantage pour les petites lettres n’était pas présent en CP.

Figure 51. Temps de réponses et erreurs standard selon la catégorie et le niveau dans l’Expérience 5 chez les enfants de CE2.

Enfin, contrairement aux données des enfants de CP, l’interaction Niveau X Champ sur les taux d’erreurs n’est plus significative. En CE2, l’avantage de l’HG pour la discrimination des cibles locales a disparu, comme le montre la Figure 52, et si elle est toujours apparente sur les TR (Voir Figure 46), c’est encore de manière non significative. Étant donné que, chez les adultes, l’asymétrie hémisphérique pour le traitement des niveaux est modulée par la catégorie, nous avons examiné les résultats afin de discerner une éventuelle émergence de ce phénomène.

Figure 52. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le champ visuel de présentation et le niveau dans l’Expérience 5 chez les enfants de CE2.

En CE2, l’interaction Niveau X Champ X Catégorie n’est significative sur aucune variable dépendante (temps de réponse et pourcentage d’erreurs), ce qui ne permet pas d’interpréter de manière fiable les comparaisons de moyennes issues de cette interaction. Nous observons toutefois que, parmi toutes ces comparaisons, une seule ressorte de manière significative sur les TR : l’avantage du niveau local sur le niveau global en CVD-HG dans le seul cas des lettres, F (1, 23) = 4.28, p = .050. Nous verrons si ce phénomène se stabilise chez les enfants plus âgés.

Concernant l’effet du nombre de répétitions avant un changement de niveau, les enfants de CE2 lui sont plus sensibles que les enfants de CP : les TR étant significativement affectés par ce facteur, F (1, 23) = 12.65, p = .002, avec des latences plus courtes en condition 2 répétitions (1354 ms) qu’en condition 4 répétitions (1458 ms). Mais il n’y a toujours pas d’interaction Contexte X Champ, F (1, 23) = 1.85, p = .19

Chez les enfants de CM2, les performances s’améliorent encore, mais surtout pas leur exactitude. Comme en CE2, il n’y a plus d’effet principal du champ visuel de présentation, mais l’effet de la catégorie est significative comme au CP, avec moins d’erreurs pour les lettres (4.95%) que pour les dessins (8.34%). L’effet du niveau devient significatif sur les TR, F (1, 23) = 6.38, p = .019, avec un avantage pour le niveau local (1277 ms) sur le niveau global (1349 ms), avantage qui n’est plus réservé aux lettres puisqu’il n’y a plus d’interaction Niveau X Catégorie. Comme en CE2, l’interaction Niveau X Champ n’est significative sur aucune variable dépendante. Cependant, l’interaction Catégorie X Niveau X Champ devient significative sur les taux d’erreurs, F (1, 23) = 5.34, p = .03. Comme cette interaction, représentée Figure 53, reflète l’émergence d’une inversion de l’asymétrie hémisphérique pour le traitement du niveau local selon la catégorie des stimuli. Alors que l’avantage de l’HG pour le niveau local est significatif pour les lettres, F (1, 23) = 4.41, p = .047, un avantage de l’HD pour ce même niveau local se profile pour les dessins, sans être toutefois significatif, F (1, 23) = 1.96, p = .175. De plus, bien que l’interaction Catégorie X Niveau X Champ ne soit pas significative sur les TR, nous observons que, comme en CE2, une seule comparaison de moyennes issue de cet ensemble de facteurs atteint le seuil de significativité : comme dans le groupe précédent, les réponses sont plus rapides au niveau local qu’au niveau global dans le seul CVD-HG, ceci exclusivement pour les lettres, F (1, 23) = 6.33, p = .019, et pas pour les dessins, F (1, 23) = 3.02, p = .095. Ce résultat est cohérent avec l’émergence d’une modulation du rôle particulier de l’HG dans le traitement du niveau local selon la catégorie des stimuli.

Figure 53. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon la catégorie, le champ visuel de présentation et le niveau dans l’Expérience 5, chez les enfants de CM2.

Enfin, comme chez les enfants du groupe de CE2, les réponses sont plus rapides si un changement de niveau intervient après 2 répétitions (1249 ms) plutôt que 4 répétitions (1429 ms), F (1, 23) = 15.19, p = .001, mais ce facteur n’interagit toujours pas avec le champ visuel de présentation.