2. Résultats

Nous avons réalisé tout d’abord une analyse de variance à mesures répétées générale sur les latences pour les réponses exactes, d’une part, et sur les pourcentages d’erreurs d’autre part, avec deux facteurs inter-individuels, catégorie (lettre, dessin) et groupe (CP, CE2, CM2) et trois facteurs intra-individuels : le champ visuel de présentation (CVD-HG, CVG-HD), le niveau (global, local), et l’interférence (piège, contrôle). Nous avons exclu de l’analyse, les temps supérieurs à la moyenne plus deux écarts-types et inférieurs à la moyenne moins deux écarts-types. Pour décrire les résultats plus précisément, des analyses complémentaires ont été réalisées pour chacun des groupes d’enfants.

L’analyse générale des TR révèle un effet du groupe, F (2, 138) = 51.52, p = .0001, avec une accélération des vitesses moyennes de réponse entre le CP et le CE2, t (1, 47) = 5.41, p = .0001, et entre le CE2 et le CM2, t (1, 47) = 4.38, p = .0001. Un effet significatif du niveau apparaît avec un avantage du niveau global (882 ms) sur le niveau local (1034 ms), F (1, 138) = 216.64, p = .0001, et bien que l’interaction Niveau X Groupe soit significative, F (2, 138) = 3.95, p = .0214, les analyses conduites par groupe confirment cet avantage du niveau global sur chaque groupe, en CP, F (1, 46) = 86.12, p = .0001, en CE2, F (1, 46) = 92.05, p = .0001 et en CM2, F (1, 46) = 52 .46, p = .0001, l’effet étant toutefois plus marqué en CP (différence = 189 ms) qu’en CE2 (différence = 148 ms) ou en CM2 (différence = 120 ms) (voir Figure 54). Un test de Student montre que l’avantage du niveau global (différence de TR entre ces deux conditions) est plus par ailleurs marqué en CE2 qu’en CM2, t (1, 47) = 4.176, p = .0001.

Figure 54. Temps de réponses et erreurs standard selon le niveau et le groupe dans l’Expérience 6.

L’interférence a également un effet puisque les réponses sont plus lentes en condition piège (993 ms) qu’en condition contrôle (922 ms), F (1, 138) = 293.11, = .0001, mais l’interaction Interférence X Niveau révèle surtout l’asymétrie de cette interférence, F (1, 138) = 15.89, p = .0001 : l’effet négatif du piège est plus fort quand il vient du niveau global (89 ms) que du niveau local (52 ms), comme l’illustre la Figure 55. En outre, comme chez les adultes, le retard dû au piège est plus marqué en CVD-HG (différence = 82 ms) qu’en CVG-HD (différence = 59 ms) et la comparaison de ces différences est significative, t (1, 71) = 3.13, p = .0013 (voir Figure 56).

Figure 55. Temps de réponses et erreurs standard selon l’interférence et le niveau dans l’Expérience 6.
Figure 56. Temps de réponses et erreurs standard selon l’interférence et le champ visuel de présentation dans l’Expérience 6.

Par ailleurs, l’effet principal du champ, F (1, 138) = 12.67, p = .001, traduit un avantage en CVD-HG (950 ms) par rapport au CVG-HD (965 ms), mais l’interaction Champ X Catégorie, F (1, 138) = 6.86, p = .009, nous apprend que cet avantage en CVD-HG repose uniquement sur les lettres hiérarchisées, t (1, 71) = 4.34, p = .0001, et ne concerne pas les dessins, t (1, 71) = 0.66, p = .25. Cet avantage en CVD-HG pour les lettres (et jamais pour les dessins) est visible sur la Figure 57, et il est présent pour chaque groupe d’âge, et elle atteint le seuil de significativité en CE2, t (1, 23) = 1.89, p = .036.

Figure 57. Temps de réponses et erreurs standard selon la catégorie et le champ visuel de présentation dans l’Expérience 6.

Contrairement aux résultats obtenus pour les adultes, il n’y a pas d’interaction Catégorie X Niveau, F (1, 138) = 1.49, p = .2245, et nous ne retrouvons pas, sur l’ensemble des enfants (voir Figure 58), l’avantage des petites lettres sur les petits dessins, sauf dans une faible mesure dans le groupe de CM2 où cette tendance n’est cependant pas encore significative, t (1, 24) = 1.19, p = .1231.

Figure 58. Temps de réponses et erreurs standard selon la catégorie le niveau et le groupe dans l’Expérience 6.

Enfin, l’interaction Catégorie X Champ X Niveau est significative sur l’ensemble des enfants, F (1, 138) = 8.19, p = .0049, avec une configuration de résultats conforme à la modulation de l’asymétrie hémisphérique pour le traitement local en fonction de la catégorie observée dans les expériences avec paradigme d’attention divisée. Comme l’illustre la Figure 59, le niveau local des lettres est en effet traité plus vite en CVD-HG qu’en CVG-HD, (différence = 34 ms), t (1, 71) = 3.69 p = .0002, alors que le niveau local des dessins est traité plus vite en CVG-HD qu’en CVD-HG, (différence = 11 ms), t (1, 71) = 1.26, p = .049.

Figure 59. Temps de réponses et erreurs standard selon la catégorie, le champ visuel de présentation et le niveau dans l’Expérience 6.

L’analyse globale des pourcentages d’erreurs ne fait pas ressortir d’effet de groupe. Par contre, nous observons un effet du champ avec un avantage en CVD-HG (9.45% d’erreurs) par rapport au CVG-HD (10.38%), F (1, 138) = 5.38, p = 021. L’effet du niveau est plus massif, avec l’avantage du niveau global (8.31% d’erreurs) sur le niveau local (11.52%), F (1, 138) = 26.21, p = .0001, ce qui se vérifie d’ailleurs pour chaque groupe d’enfants, avec un avantage de 3.56% en CP, F (1, 46) = 9.30, p = .004, un avantage de 2.83% en CE2, F (1, 46) = 5.74, p = .0208, et un avantage de 3.26% en CM2, F (1, 46) = 13.41, p = .0006. L’interférence accroît aussi le nombre d’erreurs (12.10%) par rapport à la condition contrôle (7.73%), F (1, 138) = 103.46, p = .0001, mais l’interaction Interférence X Niveau révèle surtout l’asymétrie de l’interférence, F (1, 138) = 23.64, p = .0001, car celle issue d’un piège venant du niveau global (différence = 6.43%) est plus marquée que celle venant du niveau local (différence = 2.33%), t (1, 71) = 7.73, p = .006. Cette asymétrie de l’interférence évolue avec l’âge, comme l’atteste l’interaction Interférence X Niveau X Groupe, F (2, 138) = 4.35, p = .015, illustrée en Figure 60. L’interférence venant du niveau global est significative à chaque âge et s’affirme même progressivement : en CP (différence = 4.49%), F (1, 46) = 32.29, p = .0001, en CE2 (différence = 5.68%), F (1, 46) = 30.28, p = .0001, et en CM2 (différence = 8.29%), F(1, 46) = 77.49, p = .0001. Par contre, l’interférence issue du niveau local décroît peu à peu : en CP la différence est de 3.69%, F (1, 46) = 11.02, p = .0018, elle n’est plus que de 2.5% en CE2, F (1, 46) = 5.83, p = .0198) et est de 0.8% en CM2, F < 1. Entre le CP et le CM2, le test de Student montre que la taille de l’effet d’interférence venant du niveau local diminue significativement, t (1, 47) = 2.25, p = .004, ce qui n’est pas le cas pour l’interférence venant du niveau global.

Figure 60. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon l’interférence, le niveau de la cible et le groupe dans l’Expérience 6.

Par ailleurs, une interaction Catégorie X Niveau, F (1, 138) = 6.16, = .0142, permet de préciser que l’avantage du niveau global sur le niveau local n’est significatif que sur les dessins, t (1, 71) = 2.23, p = .0337, et pas sur les lettres, t (1, 71) = 1.24, p = .11. Enfin, bien que l’interaction Catégorie X Groupe n’atteigne pas le seuil de significativité, F (2, 138) = 1.66, p = .1939, la Figure 61 fait ressortir un point intéressant : alors que l’exactitude ne s’améliore pas avec l’âge pour les dessins hiérarchisés, elle s’accroît progressivement pour les lettres hiérarchisées, ce qui est significatif entre le CE2 et le CM2, t (1, 23) = 1.43, p = .0371. La Figure 62montre que cela se traduit, au niveau global, par le passage progressif d’un avantage des dessins sur les lettres en CP, t (1, 23) = 1.99, p = .0196, à la disparition de tout effet de catégorie en CM2 pour ce niveau, t (1, 23) = 0.61, p = .2748, et par le passage d’une absence d’effet de catégorie au niveau local en CP, t (1, 23) = 0.35, p = .3637, vers une forte tendance à l’avantage des lettres en CM2 à ce niveau, t (1, 23) = 1.32, p = .078.

Figure 61. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon la catégorie et le groupe dans l’Expérience 6.
Figure 62.Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le groupe, la catégorie et le niveau dans l’Expérience 6.
Figure 62.Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le groupe, la catégorie et le niveau dans l’Expérience 6.