4.2. L’hypothèse cérébelleuse

Grâce à l’imagerie cérébrale, il est aujourd’hui reconnu que le cervelet est impliqué de manière plus forte qu’il ne l’était supposé dans les diverses activités cognitives et notamment la lecture (Thach, 1996). Un rapprochement effectué entre les déficits observés chez les personnes atteintes de lésions du cervelet et ceux souvent observés chez des enfants dyslexiques (dans 80% des cas selon Nicolson, Fawcett, & Dean, 2001), constitue la base de l’hypothèse cérébelleuse de la dyslexie. Dans les deux cas, des troubles de l’estimation du temps, de la coordination motrice, du tonus musculaire, de l’équilibre et un déficit de l’automatisation sont relevés (Fawcett, Nicolson, & Dean, 1996). Au-delà de cette analogie, cette théorie tente de justifier par quels mécanismes un déficit cérébelleux pourrait entraîner des difficultés d’apprentissage de la lecture. Rae et ses collègues (2002), avec une étude morphologique précise à partir de l’IRM, ont détecté une symétrie plus prononcée du cervelet chez des personnes dyslexiques depuis l’enfance, ils ont aussi montré une corrélation entre cette anomalie et la sévérité des déficits phonologiques. Une déficience du contrôle moteur fin est aussi mis en avant, et des activations cérébelleuses plus faibles chez les dyslexiques que chez les sujets contrôles dans des tâches d’apprentissage moteur ont été relevées en TEP (Nicolson & Fawcett, 1999) : ce déficit pourrait entraîner des difficultés de réalisation articulatoire (attestées par l’analyse fine des productions d’enfants dyslexiques, Lalain, Joly-Pottuz, & Habib, 2003 ; Fawcett, 2002) défavorisant l’élaboration de représentations phonologiques suffisamment précises, déficit très répandu chez les enfants dyslexiques (Nicolson, Fawcett & Dean, 2001). Le rôle central du cervelet dans l’automatisation de procédure pourrait aussi justifier le lien entre un hypothétique trouble cérébelleux et les difficultés à apprendre à lire de manière experte (Nicolson & Fawcett, 1999). Par exemple, dans un groupe de six enfants dyslexiques, les activations enregistrées au niveau du cervelet droit sont moindres par rapport à celles d’un groupe contrôle, dans une tâche d’exécution de séquences motrices apprises précédemment, suggérant qu’il n’y avait pas eu chez eux d’automatisation de ces séquences motrices (Nicolson, Fawcett, Berry, Jenkins, Dean & Brooks, 1999). Dans le domaine de la lecture, une faible capacité d’automatisation pourrait affecter le processus de conversion graphème-phonème.

Une faible automatisation des procédures reliant vision et langage pourrait être particulièrement à l’origine de la dyslexie, les troubles du maintien de l’équilibre, relevés chez certains dyslexiques, seraient quant à eux davantage reliés au syndrome d’hyperactivité souvent associé à la dyslexie (Raberger & Wimmer, 2003) et il en serait de même pour  les déficits de la coordination motrice (Ramus, Pidgeon, & Frith, 2003).