4.5. L’hypothèse du déficit visuo-attentionnel

4.5.1. Attention visuo-spatiale et lecture

La lecture est une activité complexe qui exige un encodage correct de l’identité et de l’emplacement de chaque lettre, ce qui implique des capacités visuo-attentionnelles. Vidyasagar (2004) explique que l’identification des lettres dans leur position exacte est possible grâce à un processus attentionnel sous-tendu par une aire pariétale postérieure, sélectionnant des groupes de lettres dans l’image du mot formée en région occipitale, pour qu’ils soient adressés progressivement aux régions temporales, alors capables de les identifier en prenant en compte, indirectement, leur position. Or, Casco, Tressoldi et Dellantonio (1998) observent une corrélation entre des performances en attention visuo-spatiale (recherche d’une lettre-cible parmi des distracteurs) et en lecture chez des enfants de 11-12 ans : ceux dont les performances sont les plus basses en barrage de cibles ont aussi un niveau de lecture significativement plus bas. De même, une étude longitudinale (Jacquier-Roux, Valdois, & Zorman, 2006) a montré que les capacités visuo-attentionnelles en grande section de maternelle étaient prédictives des performances en lecture en CP.

Ces observations peuvent enfin être rapprochées des déficits d’attention sélective visuelle de certains dyslexiques, notamment en cas de dyslexie de surface (Marendaz, Valdois, & Walch, 1996), certains enfants dyslexiques ne présentant pas de trouble phonologique majeur mais étant, par contre, déficients dans des épreuves visuo-attentionnelles connues pour dépendre du cortex pariétal (Jaskowski & Rusiak, 2005 ; Valdois, Bosse, & Tainturier, 2004 ; Valdois, Gérard, Vanault, & Dugas, 1995). Un nombre croissant de travaux montre en effet que les compétences dans les domaines phonologique et d’attention visuo-spatiale contribuent de manière indépendante à expliquer les compétences en lecture (Bosse, Tainturier, & Valdois, 2006). Les erreurs d’un enfant dyslexique ont par exemple été décrites comme ne pouvant s’expliquer que par un trouble d’attention visuo-spatiale : multiples erreurs visuelles, prise d’information partielle sur les mots et codage positionnel imparfait des lettres dans le mot (Valdois, Gérard, Vanault, Dugas, 1995 ; Valdois, 1996b). De plus, les progrès significatifs d’enfants dyslexiques en lecture et en orthographe après des rééducations ou programmes d’entraînement centrés sur divers traitements visuo-attentionnels (Valdois, & Launais, 1999), sur le maintien de la focalisation attentionnelle (Facoetti, Paganoni, Turatto, Marzola, & Mascetti, 2000) ou sur la réorientation du focus attentionnel (Facoetti & al., 2003a ; Facoetti, Lorusso, Paganoni, Umiltà, & Mascetti, 2003b) confortent l’intérêt de l’hypothèse visuo-attentionnelle.

Nous présenterons cette approche attentionnelle de la dyslexie en deux parties. Nous exposerons d’abord les limites du cadre théorique classique de la double voie concernant les aspects visuo-attentionnels et décrirons comment un modèle plus récent propose d’y remédier. Nous ferons ensuite état des différents mécanismes d’attention visuo-spatiale pour lesquels des déficits ont été évoqués, afin d’amener notre hypothèse concernant un mécanisme particulier, pouvant être étudié au moyen d’expériences avec des stimuli hiérarchisés.