1.3. Typologie des patients dyslexiques 

Généralement, dans la littérature, la typologie des enfants dyslexiques (surface versus phonologique) est uniquement basée sur leurs performances en lecture de mots isolés, en comparant la lecture de mots irréguliers à celle de non-mots. D’après le modèle révisé de la double voie (Coltheart, & al., 2001), un échec à la lecture de non-mots traduit une défaillance de la voie phonologique, alors que des performances déficitaires en lecture de mots irréguliers traduit un dysfonctionnement de la voie d’adressage. Est alors qualifié de dyslexique phonologique un enfant qui échoue de façon spécifique la lecture de non-mots du fait d’une mauvaise stratégie analytique, mais qui réussit bien la lecture des mots irréguliers. Inversement, un enfant dyslexique de surface réussit l’épreuve de lecture de non-mots et échoue celle de mots irréguliers.

Dans cette étude, nous ne sélectionnons pas les enfants dyslexiques uniquement sur leurs performances de lecture de mots irréguliers et de non-mots. En effet, si la prise en compte de ces seuls critères est classique, elle s’appuie toutefois sur le modèle à double voie, issu de la pathologie neurologique adulte acquise, et ne rend pas compte de la perspective développementale et notamment des interactions développementales entre les deux voies, analytique et lexicale. Le modèle de Frith (1986) prédit un développement séquentiel des différents stades d’apprentissage de la lecture  : logographique, alphabétique et orthographique. Dans ce modèle, le stade alphabétique précède et est nécessaire au développement du stade orthographique, ce qui n’est pas anodin pour la mise en place des procédures de lecture. Par ailleurs, l’expérience clinique auprès d’enfants dyslexiques montre que l’atteinte précoce de la voie phonologique a une incidence sur le développement de la voie lexicale. Ainsi, l’atteinte précoce de la voie phonologique engendre une limitation secondaire du développement du lexique orthographique, sans que l’enfant ne présente de réel trouble spécifique à ce niveau. Un enfant avec un trouble phonologique va donc avoir des performances déficitaires en lecture de non-mots (traduisant un trouble de la voie phonologique), mais risque de présenter également de faibles performances en lecture de mots irréguliers (faiblesse fonctionnelle de la voie lexicale), et être ainsi qualifié de dyslexique mixte (atteinte des deux voies). Il apparaît donc que la seule comparaison entre les performances en lecture de mots irréguliers et de non-mots ne suffit pas pour avoir des indications sur le/les trouble(s) cognitif (s) à l’origine de la dyslexie d’un enfant.

Dans une conception unitaire, nous avons vu que la majorité des auteurs s’accordent actuellement à penser qu’un trouble cognitif de nature phonologique est à l’origine de la dyslexie développementale. Dans une conception pluraliste, au contraire, différents troubles cognitifs pourraient rendre compte des différents sous-types de dyslexie. En nous inscrivant dans cette conception, nous avons donc choisi de sélectionner les enfants dyslexiques sur la base de leurs performances dans des épreuves permettant d’évaluer s’ils présentent ou non un trouble phonologique majeur. La sélection des enfants porte donc essentiellement sur la présence ou l’absence de troubles phonologiques, évaluées à partir de plusieurs épreuves. Il s’agit ainsi de composer deux groupes d’enfants dyslexiques appariés en âge lexique deux à deux, l’un des groupes présentant une dyslexie avec trouble phonologique, et l’autre non.

Six épreuves de mesure des habiletés phonologiques et métaphonologiques sont proposées pour l’évaluation du langage oral, assorties d’épreuves de lecture et d’écriture pour évaluer le langage écrit (BALE, Bilan Analytique du Langage Ecrit, issu des travaux du Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages de l’IUFM de Grenoble, sous presse). Les épreuves de conscience phonologique ont permis d’étudier les capacités de l’enfant à identifier et manipuler les sons à l’intérieur des mots, afin d’apprécier la présence de troubles phonologiques. L’ordre de passation des épreuves était le même pour tous les enfants et conforme à l’ordre de leur présentation dans ce qui suit.