2. Résultats

Nous avons effectué plusieurs analyses de la variance à mesures répétées sur les temps de réponse (TR) pour les décisions exactes et sur les pourcentages d’erreurs. Dans tous les cas nous avons exclu de l’analyse les temps déviants s’écartant de plus de deux écart-types de la moyenne de la condition pour le participant concerné.

Une première analyse générale compare directement les performances des deux groupes d’enfants dyslexiques, les uns présentant un trouble phonologique important, les autres pas. Cette analyse est conduite avec 4 facteurs intra-individuels à savoir, le niveau (global, local), le champ visuel (CVD-HG, CVG-HD), la catégorie (lettre, dessin) et le nombre de répétitions d’un même traitement avant un changement de niveau (2, 4 répétitions) et le groupe comme facteur inter-individuel.

Étant donné nos hypothèses selon le type de dyslexie, et compte tenu de la participation du facteur groupe à certaines interactions, nous avons approfondi l’exploration des données au moyen d’analyses portant séparément sur l’un et l’autre groupes de jeunes patients. Il s’agit également d’analyses de variance à mesures répétées, conduites avec les mêmes facteurs intra-individuels.

Enfin, l’ensemble est complété par des analyses comparant l’effet de nos facteurs intra-individuels sur les enfants dyslexiques et sur des groupes d’enfants contrôles : et il est de même pour l’exactitude des réponses. Dans deux de ces analyses (une sur les latences, l’autre sur les pourcentages d’erreurs), les trois groupes manipulés en facteur inter-individuel sont celui des dyslexiques avec trouble phonologique, celui des dyslexiques sans trouble phonologique et celui d’enfants de niveau de lecture normal et appariés en âge chronologique à chaque couple de dyslexiques. Dans deux autres analyses (l’une sur les latences, l’autre sur les pourcentages d’erreurs), les performances des deux groupes d’enfants dyslexiques sont comparées à celles d’un groupe d’enfants de niveau de lecture normal et appariés en âge lexique à chaque couple de dyslexiques.

L’analyse globale des données des enfants des deux groupes de dyslexiques montre tout d’abord que la vitesse de réponse et l’exactitude des décisions ne varient pas dans cette épreuve entre les deux groupes. Nous ne relevons pas non plus d’effet principal de ces facteurs niveau et champ. En revanche, le facteur répétition exerce une influence significative, F (1, 26) = 28.41, p = .000 1, avec des latences plus longues lorsqu’un changement de niveau se produit après 4 répétitions (1339 ms) plutôt qu’après 2 répétitions (1222 ms). Par ailleurs, plus directement en lien avec nos hypothèses, l’interaction Catégorie X Niveau X Champ n’est que marginale, F(1, 26) = 3.37, p = .078, mais se manifeste de manière différente selon le type de dyslexie, comme l’indique l’interaction Catégorie X Niveau X Champ X Groupe, F(1, 26) = 4.26, p = .049 sur les TR, illustrée en Figure 63.

Figure 63. Temps de réponses et erreurs standard selon le champ, la catégorie et le niveau pour les deux groupes d’enfants dyslexiques.
Figure 64. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le champ, la catégorie et le niveau pour les deux groupes d’enfants dyslexiques.

Les analyses réalisées séparément sur chaque groupe de jeunes patients permettent de décrire plus précisément en quoi l’asymétrie hémisphérique selon le niveau d’analyse est modulée par la catégorie de manière différente pour chaque type de dyslexie.

Tout d’abord, chez les enfants présentant une dyslexie sans trouble phonologique, le profil des performances est, à cet égard, conforme à celui des adultes normo-lecteurs. On observe en effet sur leurs latences une interaction Catégorie X Niveau X Champ, F(1, 13) = 6.22, p = .027. Elle s’explique tout d’abord par le fait que le traitement local fait l’objet d’une dominance de l’HG dans le cas des lettres, F(1, 13) = 13.58, p = .003, mais pas dans celui des dessins, F(1, 13) < 1 : au niveau local, la dominance hémisphérique semble donc essentiellement guidée par la catégorie des stimuli. Le contenu de l’information située au niveau local s’avère déterminant pour les performances. Comme le montre la Figure 63 pour ce niveau local, les réponses tendent très fortement à être plus rapides pour les dessins que pour les lettres lorsque le stimulus est plus directement adressé à l’HD, alors que ce sont les lettres qui tendent à être mieux traitées que les dessins dans le cas où le stimulus est plus directement adressé à l’HG, F(1, 13) = 4.27, p = .16. Pour ce qui est du niveau global, les comparaisons de moyennes ne font pas ressortir d’effets significatifs, mais la configuration des résultats est compatible avec les effets de dominance hémisphérique observés par Fink et ses collègues (1996, 1997b) selon les catégories. Ainsi, la description de la Figure 63 fait ressortir que le niveau global est traité légèrement plus rapidement en CVG-HD qu’en CVD-HG pour les lettres hiérarchisées, mais plus rapidement en CVD-HG qu’en CVG-HD pour les dessins hiérarchisés. Cette dernière remarque ne s’appuie pas sur des comparaisons de moyennes significatives, mais contribue à expliquer l’interaction Catégorie X Niveau X Champ observée chez ces enfants. L’ensemble de ces effets chez les enfants dyslexiques sans trouble phonologique n’est pas contredit par les données sur les pourcentages d’erreurs. L’interaction Catégorie X Niveau X Champ n’est pas significative, mais l’observation de la

Figure 64 confirme qu’il n’y a pas d’échange rapidité-exactitude : bien que les comparaisons de moyennes ne soient pas significatives sur cette variable dépendante, nous voyons notamment qu’au niveau local, une dominance de l’HG pour les lettres se dessine, alors qu’il n’y a pas de différence entre les champs visuels pour les dessins. De même, au niveau global, où aucune comparaison de moyenne n’atteint non plus le seuil de significativité, la configuration des performances est la même que celle obtenue avec les latences : les différences d’exactitude selon le champ visuel de présentation sont inverses pour l’une et l’autre catégories, avec des réponses plus exactes en CVG-HD qu’en CVD-HG pour les lettres globales et en CVD-HG qu’en CVG-HD pour les dessins au niveau global, inversion conforme à celle relatée par Fink et ses collègues (1996, 1997b).

La configuration n’est pas la même dans le groupe d’enfants dyslexiques avec trouble phonologique. Les latences de ces enfants présentent une interaction Catégorie X Niveau, F(1, 13) = 4.73, p = .049, traduisant leur plus grande vitesse de traitement des lettres que des dessins seulement au niveau global, F(1, 13) = 5.71, p = .033, et pas au niveau local, F( 1, 13) < 1. Contrairement aux enfants dyslexiques sans trouble phonologique, on n’observe pas chez eux d’interaction Catégorie X Niveau X Champs, sur les temps de réponse, F(1, 13) < 1, ni sur les taux d’erreurs, F(1, 13) < 1. Conformément à l’hypothèse sur ce groupe d’enfants, ces derniers traitent les stimuli hiérarchisés en mobilisant des mécanismes hémisphériques latéralisés (eux-mêmes aussi assez faiblement) selon leur compétence pour l’un ou l’autre niveau, de la même manière quel que soit le contenu du stimulus. En effet, contrairement aux enfants sans trouble phonologique, nous ne relevons pas chez eux d’indice d’une influence de la prise en compte des catégories au niveau local sur la vitesse de réponse : il n’y a chez eux aucune dominance hémisphérique pour le traitement du niveau local, avec un F(1, 13) < 1 quelle que soit la catégorie, alors qu’une dominance de l’HG est significative pour le traitement local des lettres chez les dyslexiques sans trouble phonologique. De plus, chez les enfants dyslexiques avec trouble phonologique, au niveau local, l’HG ne permet pas un traitement plus rapide des lettres que des dessins, F(1, 13) < 1, pas plus que l’HD ne permet de traiter plus rapidement les dessins que les lettres, F(1, 13) < 1. Toujours au niveau local, mais sur les taux d’erreurs, nous observons qu’une tendance (non significative) se dessine pour un avantage de l’HG, mais celle-ci ne diffère pas non plus selon la catégorie. Enfin, il n’y a aucun indice de prise en compte de la catégorie pour le traitement du niveau global non plus, chez ces enfants avec trouble phonologique.

Les deux groupes d’enfants se différencient sur un autre point, en partie lié au précédent. Les indices de ce phénomène sont statistiquement trop faibles pour permettre une interprétation, ils apportent seulement de premiers éléments de réponse à une hypothèse, qui sera de nouveau testée dans la dernière expérience. Certains aspects des données suggèrent que les groupes de dyslexiques ne présentent pas le même profil de dominances hémisphériques pour le traitement des catégories lettres et dessins d’objets. L’interaction Catégorie X Champ X Groupe n’est certes pas significative sur les temps de réponse, mais l’observation des Figure 65 et Figure 66 montre que, chez les dyslexiques avec trouble phonologique, aucun indice de dominance hémisphérique n’apparaît pour l’une ou l’autre catégorie. Par contre, chez les enfants dyslexiques sans trouble phonologique, nous notons un avantage significatif de l’HG sur l’HD dans le seul cas des lettres pour les temps de réponse, F(1, 13) = 5.44, = .036, effet pour lequel il n’y a pas d’échange rapidité-exactitude : il n’est en effet pas contredit par l’observation du graphique sur les taux d’erreurs (voir Figure 66).

Figure 65. Les temps de réponses et erreurs standard selon la catégorie et le champ visuel, pour les deux groupes de dyslexiques.
Figure 66. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon la catégorie et le champ visuel, pour les deux groupes de dyslexiques.

Pour ce qui est des analyses impliquant des groupes contrôles , nous présenterons d’abord les résultats concernant les temps de réponse, puis ceux relatifs aux taux d’erreurs. Cette présentation est orientée par la recherche d’une meilleure compréhension des particularités de la mise en place d’une modulation de l’asymétrie hémisphérique pour les traitements global/local par la catégorie des stimuli hiérarchisés.

Lorsque l’analyse porte sur les deux groupes d’enfants dyslexiques et le groupe apparié en âge chronologique, il n’apparaît pas de différence significative de vitesse de traitement entre les groupes, F(2, 39) < 1. Dans cette analyse complète, le seul effet qui ressorte massivement est celui du nombre de répétitions avant un changement de niveau, F(1, 39) = 32.37, p = .0001. Il en est de même pour l’analyse portant sur les deux groupes de dyslexiques et le groupe apparié en âge lexique : malgré la différence d’âge réel, il n’apparaît pas de différence significative de vitesse de traitement entre les groupes, F(2, 39) = 1.20, p = .31 et l’effet de contexte demeure sur cet ensemble, F(1, 39) = 30.49, p = .0001, avec une significativité qui persiste pour toutes les analyses concernant ce facteur et portant sur les groupes deux à deux.

La comparaison entre les enfants dyslexiques avec trouble phonologique et les enfants appariés en âge lexique ne montre pas non plus de différence pour la vitesse de réponse, malgré la différence d’âge réel entre ces groupes, F(1, 26) < 1. L’absence d’interaction Catégorie X Champ X Groupe, F(1, 26) < 1, traduit le fait que les dyslexiques avec trouble phonologique, comme les enfants normo-lecteurs plus jeunes appariés en âge lexique, ne présentent aucune dominance hémisphérique pour aucune des catégories. L’absence d’interaction Catégorie X Champ X Niveau sur l’ensemble des deux groupes, F(1, 26) < 1, et le fait de ne pas observer de modification de cette interaction selon le groupe (Catégorie X Champ X Niveau X Groupe, F(1, 26) < 1) n’apporte pas d’information particulière. L’observation de la Figure 67 montre simplement que le groupe de dyslexiques avec trouble phonologique se caractérise par la faible dominance de l’HG pour les lettres traitées au niveau local, aspect qui les distinguait des dyslexiques sans trouble phonologique dans l’analyse comparant les deux groupes, et qui les distingue aussi du groupe contrôle pourtant plus jeune.

Lorsque les enfants dyslexiques avec trouble phonologique sont comparés aux enfants appariés en âge chronologique, nous observons qu’ils ne diffèrent pas non plus significativement pour la vitesse de réponse, F(1, 26) < 1. Ici encore, nous n’observons pas d’interaction Catégorie X Champ X Niveau sur les données de l’ensemble des deux groupes, F(1, 26) < 1, ni d’interaction Catégorie X Champ X Niveau X Groupe, F(1, 26) < 1. Cette analyse n’apporte donc pas d’indication majeure à propos d’une modulation particulière de la dominance hémisphérique par la catégorie sur le traitement des niveaux chez les enfants dyslexiques avec trouble phonologique, mais il se trouve que celle-ci n’est pas non plus très marquée dans le groupe d’enfants contrôles appariés en âge chronologique. Nous pouvons donc dire que cette épreuve ne permet pas de distinguer fortement ce groupe d’enfants dyslexiques des enfants contrôles, tout au moins en analysant seulement les temps de réponse. Nous allons voir que, dans le cas des enfants dyslexiques sans trouble phonologique, la cumulation des données avec les enfants contrôles appariés en âge réel (mais pas avec les enfants contrôles plus jeunes appariés en âge lexique) fera émerger un effet significatif de l’interaction Catégorie X Niveau X Groupe sur l’ensemble, témoignant d’une meilleure maturité de ce type d’enfants dyslexiques à l’égard de la modulation des dominances hémisphériques exercées par les catégories sur les niveaux de traitement.

Figure 67. Temps de réponses moyens et erreurs standard selon le champ, la catégorie et le niveau pour les deux groupes d’enfants dyslexiques et les enfants contrôles en âge lexique.
Figure 68. Temps de réponses et erreurs standard selon le champ, la catégorie et le niveau pour les deux groupes d’enfants dyslexiques et les enfants contrôles en âge chronologique.

L’analyse qui porte sur les enfants dyslexiques sans trouble phonologique et les enfants contrôles pour l’âge lexique ne fait pas ressortir de différence générale de vitesse de réponse entre les groupes, F(1, 26) = 2.57, p = .12. L’interaction Catégorie X Champ X Groupe n’est pas, là non plus, significative, F(1, 26) = 1.33, p = .26. Rappelons tout de même que, dans le cas des dyslexiques sans trouble phonologique, nous avons relevé un avantage de l’HG significatif pour le traitement des lettres (voir Figure 67), alors que chez les enfants normo-lecteurs plus jeunes appariés en niveau de lecture aucune dominance hémisphérique n’apparaît significativement pour aucune catégorie. Dans le cas des enfants dyslexiques sans trouble phonologique, cet avantage de l’HG pour les lettres est en fait assez complexe, puisque l’interaction Catégorie X Champ X Niveau est, nous l’avons vu, significative pour leur groupe, et c’est sur ce point que les enfants dyslexiques sans trouble phonologique présentent un profil plus mature que celui des enfants dyslexiques avec trouble phonologique et des enfants normo-lecteurs plus jeunes appariés en niveau de lecture : ils sont les seuls de ces trois groupes chez qui la dominance hémisphérique pour le traitement des niveaux est modulée par la catégorie. Cela reflète, pour cet aspect, la maturité de leur profil. En effet, la cumulation des données des enfants dyslexiques avec trouble phonologique et des enfants normo-lecteurs plus jeunes appariés en âge lexique ne donne pas lieu à une interaction Catégorie X Niveau X Champ significative : la dominance de l’HG pour le seul traitement local des lettres chez les enfants dyslexiques avec trouble phonologique ne suffit pas à compenser la faible dominance hémisphérique selon les catégories chez les enfants plus jeunes. Par contre, la cumulation des données des dyslexiques sans trouble phonologique avec celle des enfants appariés cette fois en âge chronologique fait ressortir une interaction Catégorie X Niveau X Champ tout à fait significative, F(1, 26) = 4.31, p = .048. Cela peut constituer un argument, certes assez indirect, pour dire que les enfants dyslexiques sans trouble phonologique présentent, pour ce qui est de la modulation de la dominance hémisphérique pour le traitement des niveaux par les catégories, des effets qui les rapprochent davantage des enfants normo-lecteurs de leur âge, que des enfants normo-lecteurs plus jeunes. L’examen du graphique montre même que les enfants dyslexiques sans trouble phonologique que nous avons testés présentent des effets plus marqués de modulation des asymétries hémisphériques par les catégories sur le traitement des niveaux, que ceux des enfants normo-lecteurs de même âge réel (la configuration de leurs résultats se rapproche davantage, à cet égard, de celle des adultes), mais cette différence ne suffit pas à faire disparaître l’interaction Catégorie X Niveau X Champ lorsqu’elle est calculée à partir de ces deux groupes. Comme l’illustre la Figure 68, le groupe d’enfants appariés pour l’âge chronologique ne présente pas encore de véritable dominance de l’HG pour le traitement local des lettres, alors que cet effet est vraiment présent chez les dyslexiques sans trouble phonologique ; de plus, chez ces dyslexiques, l’avantage de l’HG pour le traitement local des dessins est déjà plus réduit que pour celui des lettres, ce qui n’est pas encore vrai pour les enfants appariés en âge lexique, et pas vraiment non plus pour enfants appariés en âge réel : cela constitue des indices d’une absence de retard, voire même d’une certaine précocité des enfants dyslexiques sans trouble phonologique quant à la mise en place d’une modulation exercée par les catégories sur les dominances hémisphériques pour traiter les niveaux. En bref, cette analyse apporte quelques données conformes à l’idée selon laquelle, sur ce point, les enfants dyslexiques sans trouble phonologique ne présentent pas de déficit, ni de retard, par rapport à la mise en place du profil normal, contrairement aux enfants dyslexiques avec trouble phonologique, car l’influence du contenu directement linguistique ou non du matériel est prise en compte de manière typique chez les dyslexiques dépourvus de trouble phonologique.

Pour ce qui est des analyses sur les pourcentages d’erreurs, les enfants dyslexiques sans trouble phonologique fournissent des réponses plus exactes que les enfants appariés en âge lexique, mais plus jeunes en âge réel (7.29% d’erreurs contre 12.57%). Il n’y a pas d’interaction Catégorie X Niveau X Champ X Groupe, F(1, 26) < 1, et le profil des résultats sur ce point est assez proche dans les deux groupes, comme le montre Figure 7 (pour le traitement local, un petit avantage de l’HG pour les lettres, et pas pour les dessins, dans les deux groupes) ; bien que concordants, les effets dans chaque groupe sont néanmoins trop faibles pour que leur cumulation produise une interaction Catégorie X Niveau X Champ, F(1, 26) = 1.07, p = .31. Par contre, ce groupe d’enfants dyslexiques a, pour ce qui est de ces effets sur les taux d’erreurs, des résultats plus proches de ceux des enfants de même âge chronologique. Il n’y a pas de différence générale de l’exactitude entre ces deux groupes, F(1, 26) < 1, et l’interaction Catégorie X Niveau X Champ est significative quand leurs données sont cumulées, F(1, 26) = 8.11, p = .009. De plus, il n’y a pas d’interaction Catégorie X Niveau X Champ X Groupe. La cumulation des données de ces deux groupes de même âge réel donne lieu à un simple renforcement de phénomènes déjà observés chez les enfants dyslexiques sans trouble phonologique étudiés seuls : au niveau local, la dominance de l’HG pour le traitement des lettres devient alors significative, F(1, 26) = 8.93, p = .006, la tendance à l’avantage de l’HD pour les petits dessins demeure, de même que la tendance à la dominance de l’HG pour le traitement des dessins au niveau global. En bref, concernant la modulation exercée par les catégories sur les dominances hémisphériques pour les traitements global et local, les enfants dyslexiques présentent un profil conforme à celui des enfants de leur âge chronologique.

Enfin et surtout, nous allons voir qu’il n’en est pas de même pour les enfants dyslexiques présentant un trouble phonologique majeur. Tout d’abord, contrairement aux dyslexiques sans trouble phonologique, les enfants relevant de ce type de dyslexie ne sont pas significativement plus exacts dans leurs réponses que les enfants appariés en âge lexique et donc nettement plus jeunes, F(1, 26) = 1.58, p = .22 (9.08% d’erreurs chez les dyslexiques avec trouble phonologique et 12.57% chez les enfants appariés en âge lexique). Les deux groupes ne présentent pas d’effets suffisamment forts ni homogènes pour que la cumulation de leurs données produise une interaction Catégorie X Niveau X Champ, F(1, 26) < 1, ni d’ailleurs une interaction Catégorie X Niveau X Champ X Groupe, F(1, 26) < 1. L’observation de la Figure 7 montre tout de même un petit indice de disparité : au niveau local, ces dyslexiques traitent mieux l’information plus directement adressée à l’HG pour les deux catégories, alors que les enfants appariés en âge lexique, malgré leur jeune âge, traitent déjà mieux le niveau local avec l’HG seulement dans le cas des lettres.

Il ne s’agit là que de remarques issues de la seule observation des Figures, mais il se trouve que ce petit indice de déficit (ou retard) de mise en place de mécanismes de modulations de l’asymétrie hémisphérique des traitements global/local par les catégories se vérifie plus clairement dans la comparaison avec le groupe contrôle de même âge réel. Les enfants dyslexiques phonologiques ne présentent pas avec ce groupe de différence générale quant à la précision des réponses, F(1, 26) < 1, mais nous relevons une interaction Catégorie X Niveau X Champ X Groupe, F(1, 26) = 4.77, p = .038. Comme l’illustre laFigure 70, pour le traitement du niveau local, ces deux groupes présentent des profils de performances bien différents. Les enfants du groupe contrôle pour l’âge chronologique présentent une claire inversion de la dominance hémisphérique pour le traitement de ce niveau selon la catégorie, avec une dominance de l’HG pour le traitement des petites lettres, F(1, 26) = 11.00, p = .006, mais une dominance de l’HD pour le traitement des petits dessins d’objets, F(1, 26) = 4.89, p = .046. Par contre, les enfants dyslexiques phonologiques tendent à traiter l’information locale avec plus de précision en CVD-HG pour l’une comme pour l’autre catégorie. En bref, cette interaction Catégorie X Niveau X Champ X Groupe, significative sur les taux d’erreurs, et les phénomènes sur lesquels elle s’appuie, mettent en évidence une particularité des enfants présentant une dyslexie de type phonologique : ils ne présentent pas de signe de prise en compte de la catégorie du contenu de l’information dans les stimuli hiérarchisés, pour l’engagement de mécanismes latéralisés. Il se peut que cela soit lié à une caractéristique plus générale, qui consisterait en une anomalie concernant la dominance hémisphérique pour le traitement des catégories lettres et dessins d’objets ; c’est l’une des hypothèses qui motive la réalisation de la dernière épreuve (Expérience 8).

Figure 69. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le champ, la catégorie et le niveau pour les deux groupes d’enfants dyslexiques et les enfants contrôles en âge lexique.
Figure 70. Pourcentages d’erreurs et erreurs standard selon le champ, la catégorie et le niveau pour les deux groupes d’enfants dyslexiques et les enfants contrôles en âge chronologique