3.2.1. Les modèles « wake-up-call »

La contagion discutée par Masson (1998,1999a) semble être compatible avec l’hypothèse de « wake-up-call » de Goldestein (1998). Dans ce cas, le mécanisme de la polarisation des anticipations sur le mauvais équilibre avec attaque spéculatives, peut être expliqué par les nouvelles informations apportées par une crise dans le reste du monde. En effet, cette crise provoque une prise de conscience soudaine et unanime de la mauvaise santé des fondamentaux des autres pays. Par la suite, les pays dont les fondamentaux sont médiocres risquent de subir des effets de contagion dus à un changement d’opinion du marché.

La crise asiatique fournit une illustration très plausible de cette hypothèse de Goldestein. A la veille de la crise, les investisseurs ne pensaient qu’au miracle asiatique. Toutefois, la crise en Thaïlande a été un signal d’alarme qui les a conduit à prendre conscience des faiblesses des systèmes financiers et bancaires du reste des pays de la région comme l’Indonésie, la Corée et la Malaise.

Chang et Majnoni (2002) ont étudié la contagion à partir d’un modèle théorique de bifurcation. Leur modèle envisage que la réalisation de la contagion peut être due à des anticipations auto-réalisatrices accouplées à une faiblesse dans les fondamentaux. En effet, la probabilité d’une crise dépend des croyances des investisseurs qui sont désormais véhiculées à la fois par les fondamentaux et par une variable « Tache solaire ». Et puisque cette dernière est exogène pour tous les pays, alors des crises liées aux anticipations peuvent être contagieuses. En effet, les investisseurs dans ce cas, rationalisent leurs nouvelles croyances sur les fondamentaux des autres pays, ce qui facilite leur contamination. Même dans le cas où les investisseurs ne sont pas en mesure de déterminer les causes de la première crise (crise par les fondamentaux ou crise par le mimétisme), Chang et Majnoni (2002) supposent que leur coordination se fait mimétiquement, ce qui entraîne la contagion à « la Masson ».

Dans le prolongement de l’hypothèse de Goldestein (1998), certains auteurs ont abordé la question de la similarité des fondamentaux et son rôle dans la vulnérabilité pour la contagion. Cette question est connue dans la littérature, sous le nom de « la faiblesse commune » ou « common weaknesses ». Ahlualia (2000) a utilisé ce concept pour discuter l’hypothèse de « wake-up-call ». Il a démontré que la similarité, en terme de fondamentaux, avec le pays originaire de la crise (ground-zero country) rend le pays beaucoup plus vulnérable aux changements dans les anticipations. En d’autres termes, une crise dans un pays peut servir de signal d’alarme pour les investisseurs qui se concentrent sur les faiblesses macroéconomiques communes et similaires entre ce pays originaire et les autres pays. Ce comportement permet désormais de discriminer les pays qui sont les plus vulnérables. Nous relevons ainsi un mécanisme qui pourrait expliquer la coordination des investisseurs dans le cas d’une crise dans le reste du monde. Toutefois, ce mécanisme n’a pas été fréquemment exploité dans la littérature bien qu’il soit très probable surtout dans les marchés émergents. En effet, ces marchés sont caractérisés par de faibles niveaux de confiances ainsi que par un comportement très volatil des investisseurs.

Cependant, pour Masson (1999b) la similarité des fondamentaux ne constitue pas une explication convaincante de la contagion pure, dans le sens où certains pays contaminés présentent des fondamentaux sains. En particulier, lors de la crise mexicaine, la similarité des fondamentaux entre les principaux pays de la région (Mexique, l’Argentine et le Brésil) n’était pas vérifiée.