2.2.5. Interprétations et politiques économiques

Les attaques spéculatives sur les pays contaminés lors des crises de change récentes (mexicaine, asiatique et russe), sont bien expliquées par une significativité statistique des variables macroéconomiques. Ce résultat corrobore a priori les explications des modèles de première et de deuxième génération. En effet, c’est la détérioration des fondamentaux, comme les variables (M2/RES) et (CRED), qui a probablement incité les investisseurs à procéder par des attaques spéculatives précoces en provoquant la crise. La variable (TCR), d’un autre coté, peut émettre des signaux aux investisseurs, ce qui les aident à coordonner et à polariser vers l’équilibre des attaques spéculatives. Cependant, ce résultat peut aussi être cohérent avec des explications par la contagion pure. Vu la nature de nos estimations (en coupe transversale) qui permettent une comparaison instantanée d’un ensemble de pays, nous pouvons interpréter ainsi le résultat de la significativité statistique des variables macroéconomiques comme étant la similarité entre le pays originaire et les pays contaminé en terme de fondamentaux.

La significativité statistique de la variable (Tcomp) montre la forte interdépendance commerciale qui a caractérisé les pays contaminés par les crises de change de la dernière décennie. Une telle interdépendance nous autorise à conclure à la nature régionale de ces récente crises, ce qui a été déjà avancé par Glick et Rose (1999). Cette nature régionale est également argumentée par la forte interdépendance financière engendrée par les stratégies de diversification de la part des investisseurs internationaux. Dans ce chapitre, nous montrons, à l’instar des travaux de Van Rijickeghem et Weder (2001) et Camarazza et alii(2004), la forte interdépendance financière à travers la significativité statistique du créditeur commun la veille des crises financières récentes. Cependant, nous ne montrons pas le mécanisme explicite par lequel la crise se transmet d’un pays à un autre à travers le créditeur commun. L’imbrication entre les fondamentaux et la forte présence de ce type d’investisseur à la veille des récentes crises, peut nous mener à tirer des conclusions concernant un autre type de contagion à savoir la contagion pure.

Masson (1999a) a montré qu’une crise dans un pays peut coordonner et polariser les anticipations des investisseurs en les changeant d’un bon à un mauvais équilibre dans une autre économie. Goldstein et Pauzner (2004) montrent que ce scénario reste valable lorsqu’il s’agit des investisseurs qui diversifient leurs portefeuilles. L’occurrence d’une crise dans un pays réduit le bien être de ces investisseurs et les incite alors à rééquilibrer leurs portefeuilles dans un souci de gestion du risque ou de liquidité (fuite vers la qualité). Par analogie à ce raisonnement, un créancier commun peut induire également un effet de contagion pure. En effet, une crise de change dans un pays réduit la capacité des emprunteurs domestiquesà rembourser les prêts qui leurs ont été accordés par les banques étrangères. Face à une large part des créances devenues non performantes, les banques étrangères reconstruisent ainsi leurs capitaux en réduisant des prêts dans d’autres pays (Pesenti et Tille 2000). De manière similaire, Kumar et Persaud (2001) considèrent que l’augmentation du risque peut mener à la pure contagion et que le mécanisme de la transmission de cette contagion se fera via les portefeuilles des investisseurs internationaux notamment par le lien financier du créancier commun. Van Rijickeghem et Weder (2003) considèrent également que le comportement des banquesqui restreignent indistinctement les crédits accordés aux pays émergents s’apparente à de la contagion et non à une transmission par interdépendance. Dès lors, l’imbrication entre la pertinence des fondamentaux et la forte présence des créanciers communs, peut montrer que ces derniers, suite à l’occurrence d’une crise dans le pays originaire, ont discriminé entre les pays en se basant soit sur la similarité des économies ou soit sur les signaux émis par la vulnérabilité des fondamentaux.

Enfin, nos résultats suggèrent des implications en terme de politiques économiques :