1.1 Synthèse des différentes conceptions empiriques utilisées

Les travaux empiriques nous livrent plusieurs définitions de la contagion qui s’efforcent de cerner quantitativement ce processus. La définition la plus utilisée est celle de Eichengreen et al. (1996) : « La contagion est une augmentation significative dans la probabilité d’une crise dans un pays, conditionnellement à la réalisation d’une crise dans un autre pays ». En effet, cette définition est souvent adoptée dans les travaux empiriques notamment dans ceux qui modélisent la réalisation d’une crise par l’effondrement du taux de change. Cependant, dans la pratique, cette définition exige un échantillon de pays dont la plupart ayant l’expérience de la crise.

Une autre définition est également souvent utilisée : « La contagion se réalise quand la volatilité se propage du marché financier du pays en crise, vers les autres marchés financiers d’autres pays ». En fait, l’analyse des faits stylisés des marchés financiers montre que la volatilité des prix des actifs financiers augmente toujours durant la période d’agitation financière. Ainsi, cette définition exploite le fait de l’augmentation de la volatilité afin d’identifier la crise. Sur cette base, la contagion peut être mesurée comme la propagation de cette volatilité d’un marché à un autre, ce qui est considéré comme une propagation de l’incertitude des marchés financiers internationaux.

Ces deux définitions discutées ci-dessus, traitent le processus de la contagion dans un sens très général et très vaste ne permettant pas de la délimiter temporellement de manière précise. En effet, dans ces deux définitions, la contagion peut prendre place dans les deux périodes à savoir la période de tranquillité et la période des crises.

Dès lors, d’autres types de définitions ont été utilisés dans un cadre plus restrictif. Une troisième définition est la suivante : « La contagion est une augmentation significative dans les co-mouvements des prix et des quantités des actifs financiers entre les marchés, conditionnellement à une réalisation d’une crise dans un marché ou un groupe de marchés ».Cette définition est très pratique vu sa dimension quantitative représentée par le terme « augmentation significative ». En effet, elle permet de standardiser la notion de la contagion aux co-mouvements excessifs. Toutefois, elle ne permet pas une distinction, dans un sens pratique, entre les co-mouvements excessifs et normaux dans les prix ou les quantités. Pour contourner ce problème, il faudrait expliciter le type des co-mouvements, c’est pourquoi les travaux empiriques cherchent à se référer de plus en plus à un phénomène réel, d’où la définition suivante : « La contagion (shift contagion) 68 se réalise quand les canaux de transmission sont différents après un choc sur un marché ». A travers cette définition, la contagion est mesurée aussi en identifiant des co-mouvements excessifs dans les prix et les quantités. Toutefois, cette technique détecte plutôt l’intensification des mécanismes de transmission comme une réponse à une crise dans le reste du monde.

Une cinquième définition complémentaire aux deux dernières, a été récemment utilisée afin de mieux caractériser la contagion : « La contagion se réalise quand les co-mouvements ne sont pas expliqués par les fondamentaux ». Cette définition est souvent utilisée dans les modèles qui évoquent la possibilité des équilibres multiples dans la présence d’un problème de coordination. En effet, dans cette définition, les fondamentaux ne peuvent pas expliquer ni le « timing », ni les modalités du saut du bon équilibre vers le mauvais. Cependant, cette définition est considérée comme un support pour les travaux empiriques par le fait qu’il existe des crises qui ne sont pas expliquées par les liens réels entre les économies.

En s’inspirant des trois dernières définitions, Forbes et Rigobon (2001) élaborent leur propre définition qui est devenue standard dans les tests de l’existence de la contagion : « La contagion est définie comme une augmentation significative dans les liens entre les marchés, après la réalisation d’un choc sur un pays ou un groupe de pays ». En fait, Forbes et Rigobon supposent que les périodes de tranquillités et de crises sont intrinsèquement différentes. Donc, l’augmentation significative des liens entre les marchés financiers implique la génération de nouveaux canaux de transmission durant la période de crise indépendamment des fondamentaux, ce qui implique la présence de la contagion.

Notes
68.

C’est la terminologie utilisée par Forbes et Rigobon (2000) pour se référer à tous types de contagion qui appartient aux théories contingentes aux crises.