4.3.3. Interprétations et préconisation de politiques économiques

Bien que notre méthodologie ne permette pas de préciser le pays originaire de la crise, il ne fait guère de doute que la Thaïlande ait effectivement joué le rôle de « ground zero country ». En effet, la crise financière asiatique s’est déclenchée en premier lieu en Thaïlande (le bath thaïlandais était la première monnaie à être dévaluée le 2 juillet 1997). La crise s’est ensuite propagée presque instantanément à l’Indonésie. McAleer et Nam (2005) montrent que l’Indonésie a été une source de contagion de la crise, après avoir été contaminée par la Thaïlande. Ces conclusions peuvent expliquer nos résultats obtenus pour la Thaïlande et l’Indonésie. Il est vraisemblable que nous n’avons pas pu identifier un phénomène de contagion pour ces deux pays parce qu’ils ont été les premiers pays en crise et qu’ils ont joué quasi-concomitamment le rôle de déclencheur de la crise. En outre, la transmission très rapide de la crise de la Thaïlande vers l’Indonésie semble bien résulter d’une logique d’interdépendance, la transmission entre les deux pays s’opérant à travers des mécanismes permanents même avant l’occurrence de la crise en Thaïlande. En fait, la grande faiblesse des fondamentaux de l’Indonésie 82 , même durant la période de stabilité, laisse penser que ce pays a subi d’une façon permanente des chocs transmis de la Thaïlande vu l’intensité des relations financières qui lient ces deux pays (Park et Song, 2001).

Nos résultats montrent, par ailleurs, la contamination des marchés des dettes souveraines de la Malaisie et des Philippines. Cette conclusion confirme les travaux de McAleer et Nam (2005). En effectuant des tests sur les corrélations, ajustées de l’effet de l’hétéroscédasticité, d’un ensemble de taux de change asiatiques, ces auteurs montrent que plusieurs taux de change, notamment ceux des Philippines et de la Malaisie, ont été affectés par les crises thaïlandaise et indonésienne. Contrairement à la Malaisie qui a réagi par un effet feed-back avec les autres pays, McAleer et Nam ont montré que les Philippines ont été un récepteur majeur de l’effet de contagion. Marais et Bates (2005) aboutissent à une conclusion analogue en effectuant des tests de causalité sur les spreads des dettes souveraines observées durant la même période que celle à laquelle nous nous sommes référés.

La démarche originale que nous avons utilisée débouche donc sur des résultats cohérents avec la chronologie de la crise asiatique sur la période allant de juillet à septembre 1997 (contagion à partir de la Thaïlande et l’Indonésie vers les Philippines et la Malaisie). En revanche, elle conduit à une conclusion a priori étonnante puisqu’elle n’identifie pas un processus de contagion en direction de la Corée. Ce diagnostic va à l’encontre du consensus des experts, qui, de manière unanime, considèrent la Corée comme le « meilleur pays candidat » susceptible d’avoir été victime d’une contagion, étant donné la qualité de ses fondamentaux. Nous proposons dans ce qui suit deux explications plausibles :

Chapitre 3 - Tableau 15 : Différents aspects des crises des années 1990
Chapitre 3 - Tableau 15 : Différents aspects des crises des années 1990

Source : Olivier Jeanne (2003)

Contrairement aux politiques économiques traditionnellement mises en place qui s’efforcent de prévenir les risques de transmission des crises en agissant sur les liens de long terme entre les économies, les résultats de ce chapitre tendent à montrer la nécessité de politiques qui se basent sur des stratégies d’isolement/cantonnement à court terme :

Notes
82.

Cf. Cerra et Saxena (2000) pour plus de détail sur les problèmes macroéconomiques de ce pays.

83.

Cf. chapitre précédent pour une discussion des mécanismes de la contagion.