A.2. Quelle valeur attribuer à la cible d’inflation ?

Le choix de la cible optimale d’inflation nécessite un arbitrage entre les coûts de l’inflation et les raisons pouvant conduire à tolérer de faibles taux d’inflation. Comme nous l’avons analysé au tout début de ce travail dans le premier chapitre, une inflation élevée occasionne des coûts considérables quand elle s’installe au niveau d’une économie. Combattre l’inflation et assurer la stabilité des prix suppose logiquement que l’on vise et maintienne un niveau zéro d’inflation. Cependant, viser le niveau zéro pour l’inflation, c’est sans compter sur les différents biais de mesure et les disfonctionnements structurels au sein d’une économie qui peuvent rendre ce taux, censé être optimal, contre productif ; C’est pourquoi les Banques Centrales préfèrent viser un taux d’inflation légèrement bas. Ainsi, bien que l’inflation zéro paraisse comme étant le point naturel de focalisation, toutes les Banques Centrales ont des taux d’inflation positifs avoisinant en moyenne le taux de 2% correspondant à la mesure de la stabilité des prix de long terme au sein des économies à l’étude (tableau 3) 194 . Globalement, l’analyse des coûts et des bénéfices de taux d’inflation modérés ne permet pas d’établir précisément le taux optimal. Toutefois, un large consensus existe autour de la nécessité :  de maintenir le taux d’inflation à un niveau suffisamment bas pour minimiser les coûts de l’inflation et d’inclure une marge de sécurité suffisante pour contrer la déflation.

L’inclusion d’une marge de sécurité lors de la fixation de la valeur d’inflation à cibler reflète le risque d’émergence de la déflation suite à la présence de biais de mesure de l’indice des prix à la consommation, de rigidité nominale des prix et des salaires à la baisse ainsi que du plancher zéro des taux d’intérêt nominaux. Plus particulièrement pour les zones monétaires, la marge de sécurité prend en compte la présence d’écarts d’inflation durables au sein des pays ou états membres. Dans ce contexte, les études menées sur ces différents éléments auxquelles nous ferons référence dans cette analyse, indiquent qu’une inflation supérieure à 1% est suffisante pour prémunir le risque de déflation 195 .

Afin de cerner le mieux possible le fondement du choix unanime fait par les Banques Centrales portant sur le ciblage d’un niveau d’inflation modéré, nous allons examiner d’une part, les inconvénients qu’occasionnerait le ciblage d’un taux zéro d’inflation et d’autre part, les avantages que procure le ciblage d’un niveau d’inflation positif 196 . Nous nous efforcerons autant que possible de mettre le point sur le poids de chacun des critères dans l’estimation de la marge de sécurité pour les différentes Banques Centrales à l’étude.

Notes
194.

Se reporter infra à la page 161.

195.

Dans ce qui suit, par « taux d’inflation très faible » nous entendons un taux inférieur à 1% et proche de zéro. De plus, par « taux d’inflation positif ou modéré » nous entendons un taux supérieur à 1%. Bien entendu, l’inflation est par définition positive, mais on retrouve le terme « inflation positive » qui est souvent employé dans les études portant sur la valeur optimale de la cible pour mieux refléter l’écart par rapport au point zéro.

196.

L’étude faite par Palenzuela et al (2003) reprend en détail le fondement théorique des avantages que procurent un taux d’inflation modéré et offre une revue exhaustive des différentes études menées sur le risque réel de déflation que peut entraîner le ciblage d’une inflation très faible, voire nulle. Pour une analyse du fondement théorique approfondie de la relation inflation et rigidité nominale à la baisse, on peut se référer à cette étude complète.