Section II. Le rôle de la « prévision d’inflation » dans la formulation du ciblage d’inflation

Pour atteindre de la manière la plus efficace possible l’objectif final, une focalisation directe sur ce même objectif sans passer par une cible intermédiaire s’avère être la meilleure stratégie. Le ciblage d’inflation comme régime monétaire incarne parfaitement cette quête directe de l’objectif final. En effet, en définissant une cible numérique d’inflation et en stipulant que les instruments seront ajustés de manière à réduire tout écart entre l’inflation future et celle ciblée, le ciblage d’inflation fournit aux agents une base explicite pour former leurs anticipations et pour évaluer la politique monétaire. Il est, en effet, relativement simple dans ce cadre de se faire une idée en temps réel de la détermination des autorités monétaires à respecter leurs engagements. Une Banque Centrale qui tenterait de tricher verrait ses chances de succès affaiblies puisque les anticipations seraient immédiatement révisées à la hausse, et s’exposerait à des critiques que l’on peut considérer comme des coûts. Son incitation à se lancer dans des politiques discrétionnaires est dès lors réduite et le pouvoir contraignant de la règle est renforcé. La crédibilité de l’engagement des autorités devrait s’en trouver renforcée et les anticipations des acteurs stabilisées.

En dépit de tous ces avantages, la mise en œuvre de la stratégie de ciblage d’inflation se heurte à un problème majeur celui du contrôle de l’inflation future. Ce contrôle est loin d’être parfait et directe. La Banque Centrale, en abandonnant la décomposition causale du spectre de la politique monétaire (en abandonnant les cibles intermédiaires traditionnelles de monnaie ou encore de taux de change), perd tout repère dans la gestion de son objectif final de stabilité des prix. La solution longuement développée par Svensson (1996) consiste à faire de la prévision d’inflation une cible intermédiaire pour mieux observer et contrôler l’inflation future. Ainsi la formulation du ciblage d’inflation dans sa version explicite devient un ciblage intermédiaire de la prévision d’inflation. L’apport principal de cette nouvelle formulation et l’appui incontestable de la Banque Centrale sur un plus large éventail d’informations que ce celui qu’elle exploitait dans la formulation du ciblage de monnaie par exemple. En outre, le ciblage d’inflation permet une prise en compte de la stabilisation du produit et non pas une focalisation obsessionnelle sur l’objectif premier de la stabilité des prix. C’est la version flexible du ciblage d’inflation. C’est ce que nous développerons dans la première sous section (A)

Toutefois, pour que la prévision d’inflation soit la base d’une règle de conduite parfaitement claire, transparente et non discrétionnaire de la politique monétaire, certaines conditions indispensables sont à réunir. Or, la prévision d’inflation est soumise aux mêmes restrictions exigées d’une cible intermédiaire de monnaie ou de taux de change, en terme de contrôlabilité et de stabilité. Des contraintes qui sont plus palpables dans la mise en pratique d’une telle cible que dans sa formulation qui peut paraître très simpliste. C’est ce que nous développerons dans la deuxième sous section (B)