Annexes

Annexe 1.1. Les sources d’incertitude pour la politique monétaire

Conscientes des contraintes qu’impose l’incertitude inhérente à l’environnement économique dans la conception et la conduite de la politique monétaire, les Banques Centrales ont pris le soin de l’analyser et d’en distinguer les principales sources. Pour atteindre de la manière la plus optimale un objectif final, la politique monétaire doit d’abord cerner et comprendre les sources d’incertitudes pour ensuite mieux contourner leurs effets au moment de son élaboration. On dénombre trois catégories d’incertitudes : la connaissance imparfaite de l’état de l’économie, la structure et le fonctionnement de l’économie et enfin les interactions stratégiques entre la Banque Centrale et les agents privés 302 .

L’incertitude concernant l’état de l’économie est relative à un biais d’évaluation des conditions économiques sous-jacentes. Lorsque les grandeurs économiques ne sont pas évaluées avec précision, la politique monétaire encoure le risque de sous ou de sur réagir par rapport à la situation qui règne véritablement sur l’état de l’économie. L’incertitude dans ce cas provient du fait que plusieurs variables macroéconomiques ne sont pas tangibles. Cette source d’incertitude relative à l’évaluation de la situation économique du moment, se manifeste à deux niveaux. Premièrement, la disponibilité et la qualité des données économiques ainsi que leur rapidité et leur fiabilité varient d’un type de variables à un autre. Contrairement aux prix des actifs financiers, qui sont des données, disponibles de manière rapide et continue, la plupart des données économiques ne sont disponibles qu’avec un certain décalage et font parfois l’objet d’une révision après avoir été publiées. Ces révisions sont souvent occasionnées par l’avènement d’autres informations, de changement de méthodes d’estimation et de définition des variables. Deuxièmement, un certain nombre de variables qui interviennent dans l’estimation de la situation économique du moment, sont inobservables. C’est le cas notamment des notions de taux d’intérêt réel d’équilibre, de PIB potentiel et d’output gap par exemple. L’incertitude qui entoure les variables inobservables est plus importante que pour les données observables, dans la mesure où ces variables doivent être estimées. Leurs estimations sont influencées non seulement par l’incertitude relative aux données exploitées, mais aussi, par les méthodes statistiques employées et surtout la définition du concept lui-même.

L’incertitude concernant le fonctionnement de l’économie, est relative à la connaissance imparfaite du fonctionnement exacte de l’économie par les autorités monétaires. On entend par mode de fonctionnement de l’économie, l’acheminement des actions initiales entreprises par la Banque Centrale, jusqu’à l’objectif final de stabilité des prix ; La bonne compréhension du mode de propagation des chocs économiques au fil du temps et du mécanisme de transmission de la politique monétaire, est indispensable pour une prise de décision appropriée par la Banque Centrale afin de rétablir et d’atteindre la stabilité des prix en cas de déviation par rapport à l’objectif fixé.

L’incertitude relative à la structure de l’économie provient fondamentalement de deux sources. D’abord, en l’absence de consensus sur un modèle qui fournit une description appropriée des relations structurelles au sein de l’économie, l’adoption d’un modèle de transmission de la politique monétaire parmi tant d’autres est en soi une source d’incertitude pour la Banque Centrale. Ceci tient au fait qu’aucun modèle n’offre une description unifiée et non controversée du mécanisme de transmission et que chaque modèle n’est qu’une reconstitution très simplifiée, font de l’économie ne prenant pas en compte tous les aspects pertinents de la réalité. Face à cette situation les Banques Centrales ne peuvent s’en tenir à un modèle unique, et font souvent appel à d’autres outils de modélisation.

Ensuite, même s’il existait un consensus sur un modèle adapté de l’économie, une incertitude de taille subsisterait quant à la force des liaisons structurelles au sein de ce modèle. L’estimation des liaisons structurelles entre les différents agrégats économiques est largement influencée par l’imperfection des données exploitées d’une part, et par les techniques d’économétrie déployées pour effectuer cette estimation. De surcroît, une modification structurelle de l’économie au fil du temps suite notamment à un mouvement de libéralisation ou encore une modification dans le comportement des agents, altère considérablement la robustesse des liaisons structurelles, même si ces dernières étaient bien identifiées et bien estimées, à la base. Une réaction entreprise par une Banque Centrale dans le but de rétablir une déviation par rapport à l’objectif fixé, en raisonnant par rapport à un modèle de cheminement identifié, pourrait engendrer des résultats autres que ceux escomptés, du fait que, ce même cheminement ne tienne plus.

L’incertitude stratégique ne relève d’aucune modélisation. Elle a trait à l’interaction entre les agents privés et la Banque Centrale. Cette interaction est souvent traduite dans les anticipations des agents privés, qui peuvent considérablement influencer sur le bon acheminement des actions initiales conformément aux canaux de transmission de la politique monétaire. En effet, la Banque Centrale fait face à une incertitude quant à la réaction des agents économiques et des marchés financiers, à ses propres décisions et à ses déclarations. Inversement, les agents économiques peuvent douter des intentions effectives des Banques Centrales. L’incertitude stratégique peut être réduite dans les deux sens du moment où les deux pôles d’interaction, c’est à dire, les agents économiques privés d’une part, et la Banque Centrale d’autre part, font preuve d’un comportement plus stable et plus prévisible. Pour cela, une définition claire de l’objectif ultime de la politique monétaire et l’annonce d’une stratégie en vue de guider et d’expliquer ses décisions, sont indispensables pour réduire cette incertitude. La notion de crédibilité est cruciale à ce niveau. Cette notion se traduit en terme de capacité et d’engagement des Banques Centrales à réaliser l’objectif ultime adopté. Dans ce cas, les agents économiques ne seront plus tentés de tester les intentions des autorités monétaires par des actions de spéculations, au contraire ils seront eux même plus enclins à adopter un comportement plus stable propice à l’atteinte de l’objectif final de la politique monétaire.

Notes
302.

Bulletin mensuel de la BCE (2001) et 70eme Rapport Annuel de la BRI, (2000) ; P. 85-89.