Introduction

«  Mes romans, à partir de la première phrase, du geste d’échangeur qu’elle a comme par hasard, j’ai toujours été devant eux dans l’état d’innocence d’un lecteur. Tout s’est toujours passé comme si j’ouvrais sans en rien savoir le livre d’un autre, le parcourant comme tout lecteur, et n’ayant à ma disposition pour le connaître autre méthode que sa lecture. Comprenez-moi bien, ce n’est pas manière de dire, métaphore ou comparaison, je n’ai jamais écrit mes romans, je les ai lus. » 1

C’est Aragon qui écrit, dans une œuvre-bilan, produite dans le temps de sa vieillesse : les fameux Incipit, en 1969. La formulation renvoie à l’étrangeté de l’acte d’écrire. Elle réactive ce que Blanchot affirmait déjà dans Le livre à venir , dix ans auparavant, une distance entre le texte écrit et son auteur, à tel point que le texte échappe à ce dernier… Elle implique également ce qu’on pourrait prendre pour une autorisation à la pratique de la critique littéraire. En effet elle entremêle la lecture et l’écriture : qui écrit, s’écrit et ce faisant se lit, se découvre (Aragon parle de connaître…) ; qui lit la première phrase déclenche l’écriture du texte en prenant appui sur sa lecture ; donc à l’inverse, qui lit, se plonge plus ou moins consciemment dans la recherche d’une connaissance de l’acte d’écrire qui a eu lieu, nécessairement, du fait même de sa lecture…Il y a là une entente possible, un moment de rencontre entre les écrivains et les critiques, c’est le moment de la lecture, orientée par la question du « comment ? ».

À l’origine du travail doctoral qui est présenté dans les pages suivantes, c’est cette pratique, on pourrait presque dire cette connivence de lecture, qu’on aimerait mettre en lumière. Lorsque Abdelfattah Kilito s’interroge sur la notion ô combien mouvante de « genre », et étudie les « maqamats » ou séances 2 , il explore en fait un code culturel. C’est à dire qu’il suppose un lien étroit entre tous les textes produits et le moment culturel qu’il tente de ce fait de définir : il part de l’hypothèse qu’une question posée à une œuvre s’adresse en même temps aux œuvres qui lui sont contemporaines (p.15). Nous reprenons à notre compte cette hypothèse. C’est à partir d’elle que nous nous efforçons de penser la démarche de littérature comparée. Autre manière de dire que les formes littéraires sont comparables parce qu’elles relèvent d’une historicité qu’elles constituent elles-mêmes en se répondant les unes les autres, à tel moment d’une lecture. Ainsi la connivence évoquée plus haut n’est pas une affabulation hasardeuse provoquée par une lecture au petit bonheur la chance, même si la rencontre a pu être fortuite entre tel texte et tel autre. La pratique de l’analyse littéraire permet de connaître en les constituant les homologies entre les formes-sens que sont les œuvres, et leurs valeurs historique et idéologique.

Trois œuvres littéraires ont été choisies pour cette entreprise : Le Fou d’Elsa, d’Aragon, La prise de Gibraltar de Rachid Boudjedra et L’amour, la fantasia d’Assia Djebar. Il peut sembler surprenant de constituer un ensemble aussi hétérogène. En effet, si les deux auteurs algériens ont publié des « romans », Aragon a inscrit en sous-titre de son œuvre l’appellation de Poème . Cependant il serait quelque peu naïf de s’en tenir à cette dénomination faussement rassurante : la prose de Rachid Boudjedra, celle d’Assia Djebar ne s’arrêtent pas à une distinction schématique entre roman et poésie (et l’on commence à savoir depuis le 19ième siècle que la poésie ne se limite pas à l’écriture en vers…). Elles explorent la prose poétique, elles échappent aux schémas romanesques standard, elles travaillent le rythme de l’écriture. Quant à Aragon, il déjoue les tentatives de classification jusque dans les titres de ses œuvres. On peut même d’ores et déjà signaler que le manuscrit du Fou d’Elsa a sans doute été commencé dès la fin des années cinquante (alors qu’il a été publié en 1963) et qu’il coïncide du même coup avec les ultimes recherches expérimentales du poète, qui vont transformer le roman en une sorte de laboratoire des formes littéraires, ce qu’on observe par exemple déjà avec La Semaine Sainte, publiée en 1958. Il s’agit donc pour nous d’accueillir dans la comparaison cette capacité des œuvres à travailler leur propre discours de l’intérieur ; il s’agit de tenter de déplacer l’observation, de la dégager même des préoccupations génériques, pour s’employer à comprendre le processus de l’écriture. Parmi tous les textes écrits par Aragon pour définir sa propre créativité, il en est un qui justifie notamment cette approche, c’est le chapitre « L’homme fait parenthèse », écrit en mars 1968, et qui est placé à peu près au milieu de la deuxième partie de Henri Matisse, roman 3 . À ce stade d’élaboration de son travail, l’écrivain définit à la fois par son propos, mais aussi par la forme même de son écriture, un mouvement qui s’apparente au bourgeonnement perpétuel :

‘Au fond, la parenthèse est une invention de l’homme, laquelle est de la sorte même des romans, à y regarder de près. Contrairement à ce que les écrivains du genre appliqué (vous savez, ceux qui aiment le bien fait) en pensent (les écrivains du genre etc., du roman), contrairement donc à ce que pensent etc., du roman les écrivains en (ou hors de) question, le roman, j’y viens, est la terre d’élection où fleurit la parenthèse, et n’importe quel mois de l’année.[…] Cela est conduit tout à fait comme Les Mille et une Nuits qu’on ne tient pas pour un roman à cause de leur titre (ce qui, soit dit entre parenthèses, risque bien d’arriver à Henri Matisse, roman, et là, tout juste, j’avais essayé pourtant de profiter de l’expérience extérieure à cette parenthèse, affaire de mettre le titre de mon côté), Les Mille et une Nuits sont si bien un roman, que c’est même le roman où a été inventé ce ressort romanesque que nous tenons effrontément pour moderne, l’ayant, ce siècle-ci, appelé le suspense. (p.595)’

On voit bien ici comment la parenthèse, qui est pourtant définie dans la rhétorique classique comme une annexe du texte, devient au contraire sous la plume d’Aragon, et dans sa pratique, le moteur de la « fabrique » textuelle. Par parenthèse, on peut comprendre tout ce qui n’est pas le fil linéaire, tout ce qui échappe à la définition générique de l’œuvre. D’où l’intuition première d’une comparaison possible des deux « romans » et du « poème », en faisant le pari qu’ils se rencontrent sur la problématique de l’écriture. Mais de plus, un choix méthodologique s’est imposé : celui de prendre Le Fou d’Elsa comme guide, dans la mesure où sa dimension métatextuelle explicite et ses expérimentations nous offrent un moyen précieux de connaissance d’une telle poétique.

La référence qu’Aragon fait aux Mille et une Nuits ne s’impose pas non plus fortuitement : elle montre chez ce dernier une plongée qui s’est avérée méthodique 4 dans la culture étrangère, la culture arabo-musulmane, déjà largement commencée au moment de l’élaboration du Fou d’Elsa.Comparer cette œuvre à deux « romans » algériens, dont les auteurs ont également connu une immersion dans une culture étrangère, l’occidentale, la française, qui se manifeste dans les citations et les réécritures qu’ils produisent, c’est encore une fois souligner le dialogue initié par les textes. La comparaison se justifie ainsi bien au-delà du seul rapprochement thématique, que suggère le rapport spécifique à l’histoire aussi bien dans La prise de Gibraltar, qui fait converger la conquête arabo-berbère de l’Espagne, les guerres puniques et la guerre de libération algérienne, que dans L’amour, la fantasia, où s’entrecroisent la conquête de 1830 menée par la France en Algérie, et toujours la guerre d’Algérie, ou encore dans Le Fou d’Elsa qui superpose la chute de Grenade en 1492, la guerre civile espagnole de 1936 à 1939, et la défaite française de 1940, avec en filigrane la guerre d’Algérie à nouveau, contemporaine du temps de l’écriture. Dans ces trois œuvres, l’écriture de l’histoire est l’écriture poétique, sans rivalité de préséance. Il nous a donc paru essentiel d’entrer dans les textes par une réflexion approfondie sur l’écriture, et non par la seule approche thématique qui occulte pratiquement le travail créateur du langage. Cette démarche, afin que le postulat d’une rencontre culturelle entre Europe et Afrique du Nord ne soit pas un simple effet d’annonce, a l’ambition d’éclairer quelque peu l’historicité commune des trois poétiques qui se manifestent dans les œuvres choisies, notamment à travers la question du sujet et de la voix qui le fait advenir, par l’élaboration d’un récit historique.

Le travail qui va suivre a en effet une orientation particulière, qui est de lier la réflexion littéraire et la réflexion philosophique. Il y a là d’abord une nécessité vérifiée par une expérience personnelle, maintenant assez longue, de la lecture : la contribution éminente des grandes œuvres poétiques à la connaissance de l’homme va de pair avec les recherches scientifiques de tous ordres dans ce domaine. Le corollaire de cette prise de position, c’est qu’il ne faut donc pas hésiter à mettre en cause un clivage institué par la tradition académique entre des disciplines certes sous l’égide des sciences humaines, mais littéralement coupées les unes des autres autant que peuvent l’être dans l’état actuel des institutions du savoir la philosophie et la critique littéraire ; la première ne s’occupant que rarement du langage et encore moins du langage poétique, la seconde maniant certaines notions fondamentales en philosophie, sans chercher à justifier le moins du monde le sens de ces concepts. Un examen des développements importants de la philosophie dans la seconde moitié du 20ième siècle montre pourtant le rôle fondateur de ce qu’on a appelé « le tournant linguistique » dans la prise en compte des rapports entre sujet et discours, qui intéresse (sur un mode très conflictuel) au premier chef aussi bien un pan entier de la philosophie européenne fortement marqué par la phénoménologie, que la critique littéraire qui voit couramment des « sujets » s’exprimant dans les œuvres sur lesquelles elle se penche.

La question nous semble d’importance et les études littéraires devraient s’en emparer. On ne conçoit en effet pas le même monde, la même histoire, les mêmes œuvres ni le même homme suivant qu’on pense un sujet phénoménologique, fondé sur une conscience autonome se prenant elle-même pour objet (le moi ou le soi), ou qu’on envisage un sujet comme être intermittent produit par le langage, en tant que réalisation particulière, individuée, de l’acte de parler. La valeur qu’on accorde au fond aux créations de l’art littéraire est conditionnée par le choix conceptuel qu’on adopte, dans la question du ou d’un sujet. Or lorsque la définition manque – et elle manque souvent dans les travaux de critique littéraire – c’est la plupart du temps parce qu’une conception phénoménologique y est implicitement admise, bien qu’elle soit contradictoire et souvent opaque. On mélange allègrement sujet du verbe (notion grammaticale), sujet de l’action (notion sémantique et psychologique), et sujet parlant ou pensant (notion philosophique) sans précaution, en disant notamment le sujet, comme si cette acception ne renvoyait pas à des réalités multiples et problématiques. Ce flou dans les idées entraîne presque immanquablement une définition latente ou explicite de l’œuvre littéraire comme représentation d’un réel qui lui serait extérieur. Car à défaut de considérer qu’il y a des définitions contradictoires et des conceptions de sujets plutôt qu’un sujet nettement défini et délimité, le postulat du sujet (descendant finalement du cogito cartésien) détourne la plupart du temps l’attention critique vers l’homme qui parle ou écrit en toute intentionnalité, en tant que conscience de soi séparée du monde et du langage. Le résultat de cette séparation, c’est l’abandon du langage lui-même ou plus exactement l’ignorance de sa force de création.

A contrario, choisir des romans-poèmes, qui se revendiquent ou s’exposent ostensiblement comme tels, suppose qu’on trouve des outils de pensée adéquats pour rendre compte de leur spécificité. Ces oeuvres appellent elles-mêmes par leur étrangeté et leur force de suggestion un recours à d’autres conceptions philosophiques dans lesquelles notamment la fonction créatrice du langage soit prise en compte comme fondement de la subjectivité, sans quoi elles risquent soit d’apparaître comme des sortes de « monstres » sortis de l'imagination décousue, contradictoire et hétérogène de leurs auteurs, soit d'être annexées comme symboles du beau style 5 , ce qui les relèguerait soit comme curiosité esthétique sans lendemain, soit comme des oeuvres ne sortant finalement pas de la tradition, c’est à dire sans véritable portée historique. Il y a donc un enjeu théorique notable dans le travail qui s’ensuit ; un effort de recherche vers la philosophie, aidée par la linguistique, pour justifier et fonder l’apport historique essentiel des trois œuvres choisies, à savoir le renouvellement de la conception d’un sujet poétique dans et par le récit d’histoire.

Un tel renouvellement va de pair justement avec les efforts opérés par tout un courant de pensée durant toute la seconde moitié du vingtième siècle, qui s'est joué en philosophie avec la remise en question du concept de sujet phénoménologique, et en littérature avec la critique structuraliste puis post-structuraliste du sujet. Même si par retour d'ascenseur de nombreuses tentatives contemporaines de réhabilitation du sujet (au sens d'une conscience de soi) se publient, l'objet de cette étude, est de montrer comment la créativité des trois oeuvres présentées se reconnaît à la condition spécifique que l'on travaille sur leur poétique, et, précisément, sur l'invention poétique d'un sujet dans l'histoire. Ce sujet n'est donc pas envisagé comme le moi de l'écrivain mis en scène par le roman, mais comme une parole dont la force de suggestion dépend des interactions qu'elle crée avec le lecteur. Comme il fallait donner toute son importance à la matière même du langage qui agit dans cette parole, ce n'est pas vers le dialogisme emprunté à Bakhtine et adapté par les recherches de Julia Kristéva, ni vers les développements de la théorie de l'intertextualité que s'est orientée l'étude, quoiqu'elle leur emprunte en partie, mais plutôt vers la poétique du rythme telle que l'a fondée Henri Meschonnic en reprenant à son compte les travaux de Benvéniste et partiellement ceux de Saussure, puis telle qu'elle continue à se développer grâce aux recherches de Gérard Dessons entre autres.

L'enjeu en est certes littéraire. Mais il débouche également sur une dimension politique qui ne peut de toutes façons être ignorée, dans la mesure où il s'agit de confronter une œuvre française et deux œuvres algériennes dans un contexte fortement marqué par l'héritage problématique de la colonisation française en Algérie. Les études dites post-coloniales venues largement du monde anglo-saxon font un large écho, par définition, à la revendication d’émancipation culturelle et politique des écrivains issus des anciennes colonies, et tentent souvent de valoriser leur création à partir d’une position idéologique de sympathie à l’égard des ex-colonisés. Or cette position n’est éventuellement pas dénuée de paternalisme, quand bien même elle s’en défendrait 6 . C’est que, justement, un mode de lecture des œuvres, fondé sur la conception occidentale d’un sujet phénoménologique, en instrumentalisant le langage ne peut pas vraiment parvenir à repérer une spécificité de l’écriture francophone. Ce sujet phénoménologique correspond à l’image que les Occidentaux se font de l’homme rationnel, organisé de manière autonome, indépendamment de ses conditions historiques d’existence et de création. Son langage n’est alors conçu que comme outil de représentation d’un réel donné d’avance : au mieux sa poésie est vue comme un ornement précieux, mais seulement un ornement… au pire elle est perçue comme exotique, ce qui la réduit à un particularisme communautaire ou local. Outre que cette conception occulte la dimension créatrice, pour tous les hommes, des oeuvres francophones ainsi définies et « classées », elle échoue également à saisir ce dont parlent pourtant souvent les écrivains francophones eux-mêmes : la dimension collective de leurs discours et de leurs cultures, l’appartenance charnelle de leur verbe à la vie du groupe et à son histoire. Pour rendre justice à cette postulation littéraire, la rigueur de la recherche nous paraît imposer qu’on élabore des modes de lecture qui permettent d’en rendre compte. Et par juste retour « sur investissement » il ne semble pas non plus incongru qu’on fasse profiter également la littérature française de cette approche. C’est d’ailleurs pourquoi, si le Prologue du Fou d’Elsa sert de point de départ à l’étude qui est proposée ici, l’œuvre entière par la suite est néanmoins soumise au même mode d’analyse que les deux romans algériens. Pour mener à bien ce travail il est donc fait appel à un ensemble de réflexions critiques qui vont de la poétique de la « Relation » d’Édouard Glissant au dépassement de la linguistique par la philosophie chez Benvéniste :

‘Ainsi 7 tombent les vieilles antinomies du « moi » et de l’ « autre », de l’individu et de la société. Dualité qu’il est illégitime et erroné de réduire à un seul terme originel, que ce terme unique soit le moi, qui devrait être installé dans sa propre conscience pour s’ouvrir à celle du « prochain », qu’il soit au contraire la société, qui préexisterait comme totalité à l’individu et d’où celui-ci ne serait dégagé qu’à mesure qu’il acquérait la conscience de soi. C’est dans une réalité dialectique englobant les deux termes et les définissant par relation mutuelle qu’on découvre le fondement linguistique de la subjectivité. 8

Nous aimerions par cette démarche et grâce à la comparaison des trois œuvres faire valoir à quel point les créations littéraires nous impliquent, nous les lecteurs, dans cette réalité dialectique qui crée les conditions de notre subjectivité, et ce, à l’opposé du thème du métissage, pourtant à la mode. Le métissage, en effet, n’est jamais qu’une notion biologique, simple réalité de croisement génétique certes humaine, mais peu intéressante en soi du point de vue de la culture. D’une toute autre portée est la notion de relation, terreau sur lequel se développent les créations de la subjectivité, c’est à dire l’amour, les sciences, la politique et l’art 9 . À l’heure d’un retour en force du communautarisme en tant qu’idéologie séparatiste, la lecture comparée d’Aragon, Rachid Boudjedra et Assia Djebar se voudrait ainsi une contribution à une autre vision du monde, où la culture commune s’enrichit de chaque échange, ne se cantonne pas aux particularismes, et se projette dans l’invention perpétuelle d’un avenir.

Il reste à préciser que la méthode utilisée pour mener à bien la comparaison proposée n’est peut-être pas tout à fait orthodoxe. Il nous a semblé que la pratique même de l’écriture devait guider l’organisation du travail, puisque c’est à partir d’elle que nous envisageons les trois œuvres. Si nous avons pris soin de souligner l’interaction entre lecture et écriture que théorise Aragon, c’est justement parce qu’elle nous semble guider l’exercice critique lui-même, et pas seulement l’activité de l’écrivain. Aussi avons-nous choisi de puiser dans une lecture attentive du prologue du Fou d’Elsa les questions à traiter, plutôt que de les importer d’une grille de lecture préalable. Ce prologue ouvre les perspectives de l’écriture à venir, dans une justification ouverte du laboratoire d’expériences que sera le texte. C’est la première partie du présent travail.

Une fois soulevées par l’étude du Prologue, les questions seront examinées, après une incursion dans le domaine pictural, sous un angle théorique, dans une deuxième partie du travail. On retrouvera détaillées à cette occasions les notions de sujet et d’auteur, vues de manière critique. À partir de là seront argumentés les choix opérés dans les théories de l’intertextualité et du rythme, ainsi que dans les pratiques de la littérature comparée pour justifier le type de lecture qui suivra en troisième partie.

Ce n’est qu’après cet effort d’analyse poétique que les trois œuvres seront comparées et commentées à partir des découvertes permises par les deux premières étapes du développement. De la sorte chaque partie de la thèse répond aux autres en assumant pour son propre compte les questions communes, mais en même temps d’une partie à l’autre on tente d’élargir la connaissance des enjeux de l’écriture, et de dépasser si possible les postulats de départ, pour aller vers de nouvelles propositions

Notes
1.

Aragon, Je n’ai jamais appris à écrire ou les incipit, Skira, 1969, p.47

2.

Abdelfattah Kilito, Les Séances, Récits et codes culturels chez Hamadhanî et Harîrî, La bibliothèque arabe, Paris, Sindbad, 1983

3.

Aragon, Henri Matisse, roman ( 1971), Quarto, Gallimard, 1998

4.

Charles Haroche, dans L’idée de l’amour dans Le fou d’Elsa et l’œuvre d’Aragon, Gallimard, Paris, 1966, a montré quelle bibliothèque Aragon a lue avant d’écrire… Les travaux du groupe de Recherches Croisées sur Aragon et Elsa Triolet ont complété cette information.

5.

L'élection en 2006 d'Assia Djebar à l'Académie Française pourrait très bien illustrer cette seconde option.

6.

« Aux yeux de la critique post-coloniale, l’œuvre vise à se situer dans le monde en se branchant sur un ensemble socio-culturel enraciné en un territoire, ce branchement étant fréquemment rendu difficile en raison d’une (tenace) hiérarchisation européenne - que ce soit la dévalorisation pure et simple ou son envers mythique, la valorisation du « primitif » - des traditions concernées. » : Jean-Marc Moura, Littératures francophones et théorie postcoloniale, « Écritures francophones », PUF, Paris, 1999, p. 111. À quoi il faut ajouter que cette hiérarchisation européenne existe potentiellement autant chez le critique postcolonial que dans la société autrefois colonisée…

7.

Après avoir défini la personne humaine comme « l’émergence dans l’être d’une propriété fondamentale du langage. Est « ego » qui dit « ego ». […] fondement de la « subjectivité », qui se détermine par le statut linguistique de la personne »

8.

Benvéniste, Problèmes de linguistique générale, I, « V. L’homme dans la langue », p. 260

9.

Il y a un profit certain à lire là-dessus par exemple la réflexion d’Alain Badiou, dans L’éthique, Essai sur la conscience du mal, NOUS, Caen, 2003