2. Choix critiques pour une écoute de la parole de l’œuvre

Le détour par la peinture que nous avons proposé précédemment, ainsi que la réflexion sur l’ouverture de l’œuvre peuvent nous faire remettre en question les a priori faussement rassurants d’une métaphore : celle de la mosaïque comme figuration du texte marqué par l’intertextualité. Nous l’avons pourtant employée dans notre résumé de projet de thèse – au reste une métaphore courante, couramment employée par ceux qui s’occupent d’intertextualité 173 , et qui voient dans le texte une mosaïque de citations – à défaut d’avoir en début de travail complètement mesuré les implications d’une telle métaphore. Cette dernière en effet a la particularité de laisser voir les contours, et le caractère composite de l’œuvre, puisqu’elle rappelle les joints de ciment qui scellent les tesselles tout en les contournant. Nez collé au trait ou au signe, on ne voit plus que des formes délimitées, circonscrites, juxtaposées : on croit voir ce qui constitue le matériau de l’œuvre, mais on perd de vue la valeur d’ensemble, c’est à dire la relation que les tesselles nouent entre elles. La mosaïque ne vaut pourtant que par les relations d’ensemble des éléments entre eux ; les azulejos du poète, on l’a vu, créent des mondes en abyme dans les jacinthes…L’enjeu sera donc d’observer non les hypotextes (selon la terminologie de Genette) comme sources des trois œuvres qui nous intéressent, ni en soi les citations et épigraphes ou exergues (ou « seuils ») qui les peuplent, mais les relations de signification qu’ils rendent possibles par leur soudure dans l’œuvre et leur confrontation avec l’ensemble qu’elle constitue. Le cheminement de ce travail est balisé par l’idée que la poétique de l’œuvre se joue dans le débordement de la forme ( pour reprendre l’analyse des toiles de Nicolas de Staël présentée plus haut) par le rythme qui non seulement met en relation petites et grandes unités du texte, mais maintien l’ouverture de ce dernier. Une série de mises au point par rapport aux outils critiques qui ont été forgés autour de la notion d’intertextualité, d’autant qu’ils occupent une place d’importance dans la pratique de la littérature comparée qui est celle dans laquelle s’inscrit cette étude, s’impose donc.

Notes
173.

On sait que c’est Julia Kristéva qui , la première, l’a développée à partir de sa traduction/adaptation des travaux de Mikhaïl Bakhtine sur le dialogisme.