3. Des commentaires aux citations : un va-et-vient subjectif

Dans chacune des trois œuvres, l’exercice des citations, au-delà de la pratique épigraphique, provoque des allées et venues entre récit et commentaire d’autant plus que le développement du récit lui-même, par moments dévolu aux citations, est un des enjeux essentiels du discours et de la création. Comment dire l’histoire ? Comment surgit ce qui n’a pas déjà été dit ? Voilà une question centrale, que relaie le commentaire des citations insérées dans le texte, ces dernières témoignant justement de ce qui a déjà été dit… Ce feuilletage des citations suppose le rythme, c’est à dire la mise en jeu du lien, exercice opérant la continuité entre les passages historiographiques, les archives et la parole commentatrice. Cependant un tel travail du texte est beaucoup plus présent dans L’amour, la fantasia et La prise de Gibraltar que dans Le Fou d’Elsa pour des raisons qui tiennent à l’orientation même des documents et au lieu de provenance des faits. Une histoire de la colonisation par les colonisés reste à faire, l’actualisation d’une histoire de leurs anciennes conquêtes par les vaincus de même, dans une prise à bras le corps de la parole des conquérants, telle qu’elle est parvenue aux narrateurs. Le chemin parcouru par Le Fou d’Elsa n’a pas tout à fait la même direction : il s’agit pour lui plutôt de rejoindre la parole des vaincus par un effort de créations et de rêve 354 , ce qu’on peut aussi comprendre comme un acte de désir et d’amour pour l’Autre. Le commentaire s’effectue ici donc de l’intérieur même de la parole poétique, par la mise en jeu entre autres de la voix de Zaïd revenant sur les chants de Medjnoûn.

Notes
354.

On se souvient des propos du narrateur dans le Prologue :  J’appartenais par la tradition, l’enseignement et les préjugés au monde chrétien : c’est pourquoi je ne pouvais avoir accès à celui de l’Islâm par la voie directe, l’étude ou le voyage. Seul, ici, me guiderait le songe, comme ceux qui descendirent aux Enfers, Orphée ou Dante… , p. 14