3. Mètre et syntaxe

a. Versification classique  :

Coïncidence entre les frontières des mètres et les frontières des groupes syntaxiques. Mais en pratique, les fins de vers peuvent être franchies par les enjambements. En revanche la versification classique interdit formellement les enjambements internes au vers.

Exemple :

N’offrez rien au lecteur / que ce qui peut lui plaire

Ayez pour la cadence / une oreille sévère

Que toujours dans vos vers, / le sens, coupant les mots

Suspende l’hémistiche, / en marque de repos.

Boileau, « Art Poétique »

b. Versification à partir des 19 ième et 20 ième siècles :

Le franchissement de l’hémistiche devient possible.

Exemples :

Mon amour, à moi, // n’aime pas qu’on l’aime

Mend i/a nt, il a // peur d’être écouté

Tristan Corbière, « À une camarade »

Allez ! Tout fuit ! // Ma présence est poreuse

La sainte impa // t i/e nce meurt aussi

Valery, « Le cimetière marin »

NB : une lecture prosaïque qui ne respecterait pas l’enjambement détruirait tout l’effet de cette construction métrique. C’est ce que marquait notamment Antoine Vitez dans ses choix de traitement du théâtre classique :

‘Nous nous exercerons au rejet et à l’inversion, sans jamais transgresser les lois de l’architecture prosodique. Pas question de jouer le théâtre de Racine en éludant le problème de l’alexandrin. 441

À partir de ces considérations sur les interactions entre métrique et syntaxe, on voit bien que ce qui se joue dans le rythme, ce n’est pas l’alternance des syllabes accentuées ou inaccentuées, mais l’accumulation des accents, spécifique à un discours particulier.

Exemple d’une phrase tirée d’une pièce de Beckett
Exemple d’une phrase tirée d’une pièce de Beckett

Remarque : la suraccentuation n’est pas un cas exceptionnel du rythme. C’est un phénomène ordinaire de tout discours ; aussi ordinaire que le rythme lui-même, puisque le rythme est cette accentuation même. Seule une approche rhétoricienne du rythme pourrait se méfier de la prolifération des accents, parce qu’elle diluerait la lisibilité de figures rythmiques isolées. 442 Accentuation métrique

Notes
441.

Antoine Vitez, dans le Monde-Dimanche, 12 oct. 1981, cité par N. Canizares, Études théâtrales, 3/1993, p. 76

442.

Dessons, Meschonnic, op. cité, p. 151