A. Des origines au protectorat français

Même s’il est difficile pour les historiens de dater précisément l’époque qui contribua à la naissance du Cambodge, on peut considérer que l’histoire institutionnelle du Cambodge est née au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne lors de la naissance du Funan et du Tchen-la, (les deux royaumes qui sont les véritables ancêtres du Cambodge actuel) 14 . Cette naissance est controversée. Elle repose d’abord sur deux légendes différentes. D’après la première, il y avait au début de l’ère chrétienne, sur le sud du Cambodge, un royaume appelé Funan par les Chinois. Le Funan a été gouverné par une jeune et belle reine, Lieou-Ye, « Feuille de cocotier ». À la même époque vivait en Inde, pays déjà hindouisé, un brahmane, Kaundinya, qui débarqua un jour d’un navire sur la côte du Funan. Voyant arriver des étrangers, Lieou-Ye à la tête de ses gardes, voulut s’emparer du navire. Kaundinya décrocha une flèche contre l’embarcation de la reine ; celle-ci prit peur, se soumit et épousa le brahmane qui devint roi du Funan 15 .

La seconde légende nous indique, qu’en l’an 443 avant l’ère chrétienne, un des fils du roi de l’Inde, Indra Prastha, le prince Préa Thong chassé de Delhi par son père parce qu’il épousa une femme-serpent, Somâ, (l’une des filles du roi de Nagâ fondateur des rois lunaires de l’Inde), émigra avec un grand nombre de ses concitoyens dans le Sud de l’Indo-Chine que les chinois appelaient à cette époque le « Funan ». Cette région se situait sur la grande route maritime entre la Chine et l’Inde. Il y imposa sa langue, sa religion et conquit peu à peu les anciens occupants, les Chams, qui durent fuir devant l’invasion de leur territoire 16 . On peut considérer ce prince comme étant le fondateur de la dynastie des rois du Cambodge dont sont issus les rois actuels.

L’État de Funan ne cessa de s’agrandir pendant des siècles grâce aux conquêtes des Funanais sur les peuples qui se situaient au nord et formaient le vaste empire Khmer qui a dominé la péninsule indochinoise. Cet empire ne dura que pendant 5 siècles 17 , on n’a jamais trouvé de récits ou d’annales des Funanais sur leur histoire. Ce n’est qu’à partir de la fin du 6ème siècle que les historiens disposent de sources fiables et des arguments sur l’évolution de la société cambodgienne. À partir du 9ème siècle on peut véritablement étudier l’histoire et la civilisation de la société cambodgienne. C’est ce siècle que les historiens appellent la période des « rois constructeurs ». À cette époque, l’empire Khmers connaît une autre période de développement. Les constructions des célèbres temples d’Angkor et du Bayon, symbolisent cet essor du Cambodge. Néanmoins cette célébrité s’est arrêtée au cours de la période du 13ème siècle parce que l’empire Khmer a connu une série de guerres successives avec les Siamois (les Thaïlandais), minorités qui s’installaient dans l’empire Khmer. De plus, le Cambodge se retrouvait confronté à un autre ennemi voisin, les Annamites (les Vietnamiens). Ces deux voisins du Cambodge ont cherché par tous les moyens à réduire sa puissance et à l’absorber en entier au 19ème siècle. Face à ce contexte très difficile, sa majesté Norodom, Roi du Cambodge a fait un appel à la France pour sauver son pays et a obtenu sa protection en 1863.

Notes
14.

Michel TAURIAC, Angkor, gloire, chute et résurrection, éd., Perrin, 2002, p. 20 ; Danielle GUÉRET, Le Cambodge, une introduction à la connaissance du pays Khmer, éd., Kailash, coll. civilisations et sociétés, 1998, p. 23 et s.

15.

Danielle GUÉRET, Le Cambodge, une introduction à la connaissance du pays khmer, op.cit., p. 20.

16.

Armand ROUSSEAU, Le protectorat du Cambodge, op.cit., p. 13 ; Michel TAURIAC, Angkor, gloire, chute et résurrection, op.cit., p. 21 et s. ; Danielle GUÉRET, Le Cambodge, une introduction à la connaissance du pays khmers, op.cit., p. 21 et s.

17.

La chute de l’empire Funan a pour origine un mariage entre un fils du roi de Funan et une jeune princesse du roi de Tchen-la (l’un des tributaires de l’empire Funan). Profitant de cette alliance et du désordre naissant des querelles de succession au sein de Funan, le roi de Tchen-la a accédé au trône par la force et a proclamé l’indépendance de Tchen-la. In, Michel TAURIAC, op.cit., p. 28 et s.