B. Du protectorat à l’époque actuelle

Le Cambodge a été placé sous le protectorat français le 11 août 1863. À partir de cette date, les institutions cambodgiennes ne sont plus autonomes. Elles n’étaient conservées que dans la mesure où leur suppression apparaissait inopportune ou irréalisable 18 . Il s’agit, selon l’expression du droit public, de « proche de l’administration directe » 19 . De ce fait, la France a exercé une grande influence sur le Cambodge.

Il convient de préciser que le Cambodge a retrouvé le chemin de l’indépendance officielle le 9 novembre 1953 après qu’il se soit écoulé près d’un siècle. Cette indépendance a été obtenue par des étapes successives. À noter que le 7 janvier 1946, un modus vivendi a été signé entre le prince Monireth, représentant du Roi Norodom Sihanouk et le Gouvernement français. Ce texte qui a mis fin à l’épisode ouvert par l’occupation japonaise, n’a pas rétabli le protectorat. Il a ouvert la voie à une autonomie interne que doit consacrer une Constitution. Une commission franco-cambodgienne a rédigé un premier projet qui a été ensuite soumis au Roi. Ce texte contenait deux caractères principaux, d’une part, le caractère électif de la monarchie, et d’autre part, l’élection de l’Assemblée nationale au suffrage universel. Le 1er septembre 1946, la première élection démocratique dans l’histoire du Cambodge a été organisée. La première Constitution a été élaborée et proclamée par le Roi Sihanouk le 6 mai 1947.

Après le régime de Sangkum Reastr Niyum instauré par le Roi Norodom Sihanouk en 1955, le pays a connu une période de changements de régimes politiques parmi lesquels le régime de la République de 1970 à 1975 et celui des Khmers rouges, d’avril 1975 à début janvier 1979, qui a détruit la vie de millions de gens et toutes les infrastructures du pays. Suite à ce régime, le Cambodge s’est placé, près de 10 ans, sous la protection des Vietnamiens qui ont aidé le Cambodge par la force militaire à chasser les Khmers rouges du pouvoir 20 .

Il faut attendre 1993 pour que le Cambodge, après les accords de Paris 21 , s’engage résolument sur la voie de la démocratie et du respect des droits sociaux fondamentaux 22 en adoptant une nouvelle Constitution jugée protectrice des droits des citoyens en date du 24 septembre 1993, toujours en vigueur.

Notes
18.

Sur la question de la protection ou de la colonisation, voir Jean THIERRY, L’évolution de la condition de la femme en droit privé cambodgien, thèse, université de Paris, 1954, p. 195 ; Soizick CROCHET, Le Cambodge, op.cit., p. 67 et s.

19.

En fait, l’expression « proche de l’administration directe » existe dans le langage administratif surtout dans le domaine du droit international public, en particulier le protectorat de droit international par lequel le protecteur s’occupe non seulement des relations internationales, mais également des grands services publics de l’Etat protégé, comme le service public des infrastructures où la France en tant que protecteur disposait de ses propres ingénieurs et ses administrateurs voire dans d’autres domaines de service public jusqu’à ce que le protégé n’ait plus d’autonomie administrative. Sur ce point, voir : Flory MAURICE, La notion du protectorat et son évolution en Afrique du Nord, éd. L.G.D.J, 1955.

20.

Étant les pires ennemis du Cambodge depuis des siècles, les Vietnamiens ne veulent pas laisser entendre à la communauté internationale que la présence des forces militaires au Cambodge était une occupation illégale, mais plutôt une libération du peuple cambodgien du régime de Pol Pot, in Philippe RICHER, Le Cambodge : une tragédie de notre temps, éd., Presses de Science Po, coll. académique, 2001, p. 84 ; Soizick CROCHET, Le Cambodge, éd., Karthala, 1997, p. 131 et s.

21.

Le conflit cambodgien a pris fin avec la signature des Accords de Paris du 23 octobre 1991. Ces accords sont le fruit d’une longue et difficile négociation entre les différents protagonistes. Grâce à ces Accords, le suffrage universel a pu être organisé librement sous la présence des autorités des Nations- Unis. Voir: CHHORN Sopheap, Les élections législatives au Cambodge depuis 1993, thèse, Lyon 2, 2004, p. 27 et s. ; Philippe RICHER, Le Cambodge : une tragédie de notre temps, op.cit., p. 109 et s.

22.

L’article 31, alinéa 1er de la Constitution de 1993 énonce que « le Royaume du Cambodge reconnaît et respecte les Droits de l’Homme tels qu’ils sont définis dans la Charte des Nations Unies, dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et dans tous traités et conventions ayant rapport avec les droits de l’Homme, de la Femme et de l’Enfant ».