b. Égalité hommes- femmes d’après les « Codes Cambodgiens »

Avant de rentrer dans les détails, il convient de préciser que les mots « les Codes Cambodgiens » ne correspondent pas au sens juridique actuel du mot code parce qu’il ne s’agit pas d’un exposé méthodique de règles juridiques précises. Il s’agit en réalité de l’ensemble des décisions royales compilées et révisées de temps en temps par des rois entourés de princes, brahmanes, chapelains, chef des bonzes, conseillers, hauts dignitaires, juges et astrologues 37 .

On se souvient qu’avant la fin du 13ème siècle, la femme occupait une place prépondérante dans la société cambodgienne. Pourtant, on ignore l’évolution de la condition féminine à partir du 14ème jusqu’au 17ème siècle. D’ailleurs, la période des Codes Cambodgiens commence seulement à partir du 17ème siècle, date à laquelle on se rend compte que la condition juridique des femmes cambodgiennes s’est fortement dégradée par rapport à la première période, c’est-à-dire avant la fin du 13ème siècle. Sa situation privilégiée dans l’organisation de la famille s’est sensiblement affaiblie. Le système du matriarcat a été remplacé par celui du patriarcat. Le père de famille et le mari exercent des prérogatives sur les enfants et la femme. Par exemple, en matière de mariage, c’est le père de famille seul qui peut donner son accord. La femme a cette prérogative uniquement lorsque son mari est décédé. La femme dont on parle ici est la femme de premier rang 38 . Quant aux autres femmes (deuxième ou troisième rang), elles n’ont pas cette prérogative. Cette dernière sera transmise, selon des Codes Cambodgiens, aux grands parents, frères ou cousins germains du défunt.

La jeune fille se trouve placée sous la puissance paternelle jusqu’à son mariage, puis elle est subordonnée, ensuite, au mari, qui dispose de nombreux droits sur elle notamment le droit de correction, de mise en gage, et même de vente (le consentement de l’intéressée est cependant indispensable), droit de tuer sa femme adultère etc. Il administre les biens de sa femme, et, au partage, prend, en principe, une part double de cette dernière 39 .

Sans rentrer dans les détails de la cause de cette dégradation, on voit que la condition juridique des femmes est nettement inférieure à celle de l’homme dans tous les domaines. Cette infériorité semble, selon Jean THIERRY, s’être développée pendant les quatre siècles inconnus de l’histoire du Cambodge. Malgré le silence des Codes Cambodgiens sur les relations de travail hommes-femmes, nous pouvons conclure qu’il n’existait pas d’égalité entre les deux sexes entre le 14ème siècle et le début du 20ème siècle.

Notes
37.

Etienne AYMONIER, Le Cambodge, éd., Leroux, Tome I, 1900, p. 79.

38.

Il est à remarquer qu’avant la fin du treizième siècle la polygamie n’est pas pratiquée au Cambodge, à cette date les femmes sont nettement supérieures aux hommes. L’existence de cette pratique après une période où l’histoire du Cambodge est mal connue pendant quatre siècles peut avoir nous semble-t-il son origine dans la forte domination des hommes sur les femmes comme on peut le constater notamment au 17ème siècle.

39.

Jean THIERRY, L’évolution de la condition de la femme en droit privé cambodgien, op.cit., p. 191.