A. Les rapports du gouvernement

Selon Monsieur Nicolas VALTICOS, « en plus de l’obligation d’appliquer la convention ratifiée, la ratification entraîne pour l’État intéressé l’obligation de fournir des rapports sur son application. Il s’agit là, en effet, d’une condition indispensable pour le contrôle de l’application des conventions. Cette obligation découle de l’article 22 de la Constitution de l’OIT qui dispose que « chaque État membre qui a ratifié une Convention de l’OIT devrait présenter annuellement les rapports sur les mesures prises par lui pour mettre à exécution les conventions auxquelles il a adhéré » 304 .

Les rapports sur les conventions ratifiées doivent être établis à partir d'un formulaire de rapport que le Conseil d'administration a adopté. Le dispositif de la convention y est reproduit, et un certain nombre de questions y sont posées sur la manière dont elle est appliquée, en droit et dans la pratique. Le premier point que les rapports gouvernementaux doivent établir est la conformité de la législation avec les dispositions de la convention. Dans le cas d'une convention appelant l'institution de mécanismes administratifs ou autres, les dispositions pratiques prises doivent être décrites et des précisions doivent être données sur leur fonctionnement. Dans le cas d'une convention promotionnelle, le rapport doit indiquer les mesures prises pour réaliser les objectifs de la convention et éliminer les obstacles qui en empêcheraient la pleine application. Dans les cas où des décisions de principe ayant trait à l'application de la convention auraient été rendues par des tribunaux ou d'autres instances, des précisions doivent être fournies à ce sujet. Une description générale de la manière dont la convention est appliquée dans la pratique doit être donnée, avec notamment des extraits des rapports d'inspection et des informations sur le nombre d'infractions constatées. Enfin, les gouvernements doivent indiquer quelles sont les organisations d'employeurs et de travailleurs auxquelles des exemplaires du rapport ont été communiqués et si des observations ont été reçues de ces organisations. Ils sont également obligés de communiquer une copie de leurs rapports sur l'application des normes internationales du travail aux organisations représentatives reconnues comme telles 305 . Tous ces rapports sont examinés en première instance par la Commission d’experts pour l’application des Conventions et recommandations. Cette Commission est constituée de vingt personnes qui ont des connaissances approfondies dans le domaine du droit du travail tant en théorie qu’en pratique. Les membres de cette Commission, qui viennent de toutes les régions du monde, sont nommés par le Conseil d'administration du BIT, sur proposition du Directeur général, pour une période renouvelable de trois ans. Ils se réunissent chaque année en novembre ou en décembre à Genève. Ces personnalités doivent être indépendantes vis-à-vis de tous les États membres.

Le Cambodge a présenté en 1997 ses premiers rapports aux organes de surveillance sur la discrimination raciale 306 .Le rapport donne un bref aperçu des dispositions constitutionnelles et juridiques, notamment celles concernant l'égalité et la non-discrimination, les sanctions contre des actes de discrimination raciale et l'incitation à de tels actes, l'interdiction de toute organisation qui provoque la discrimination et l'interdiction aux autorités publiques d'inciter à la discrimination. Le rapport traite en détail les dispositions constitutionnelles et légales en matière de droits civils et politiques, par exemple, la liberté de religion, d'association, de réunion, le droit de participer à la vie publique, l'égalité devant la loi, le droit à la sécurité personnelle et l'application régulière de la loi ainsi qu'en matière de droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans le domaine de la santé, (…) et de l'emploi.

Un autre rapport sur la situation des femmes au Cambodge a été également présenté en janvier 2006 au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes 307 . Il convient de dire que le Ministère des Affaires Féminines a été créé après les élections de 1993 et présidé par une femme. Après examen par les experts, la Commission a demandé au gouvernement d’œuvrer davantage pour mieux garantir les droits des femmes contre toutes violations dans tous les domaines, non seulement dans les zones urbaines mais aussi dans les zones rurales.

Il faut aussi noter que la Commission d’expert peut s’appuyer non seulement sur les rapports gouvernementaux pour vérifier l’application des conventions ratifiées. Mais encore, elle peut avoir des renseignements sur les conventions collectives, les décisions judiciaires, les observations présentées par les organisations d’employeurs et de travailleurs, ou sur les rapports des agences du BIT situés dans le pays concerné. Les observations faites par des organisations de travailleurs sur l’application des conventions ratifiées et sur d’autres questions relatives aux respects des normes internationales du travail sont utiles. Les représentants des travailleurs peuvent ainsi participer activement au mécanisme de contrôle de l’OIT, de façon presque continue et à tout moment, afin que ces normes soient bien assurées et que la vie des travailleurs s’améliore.

Si cette Commission estime, après examen des rapports du gouvernement, que ce dernier n’a pas tout mis en œuvre pour assurer le respect des normes internationales qu’il a ratifiées, la Commission peut adresser au gouvernement en cause deux types de commentaires, à savoir l’observation ou la demande directe. De manière générale, les recours à la demande directe concernent des cas mineurs ou l’absence d’informations suffisantes pour lui permettre de savoir si une convention ratifiée est bien appliquée.

En plus des rapports au Bureau International du Travail, les États qui ont ratifié la convention sont également tenus de transmettre ces rapports aux partenaires sociaux de leurs pays à savoir les organisations d’employeurs et celles des travailleurs. Cette obligation a pour but de permettre à ces organisations d’être informées par le gouvernement et de faire des commentaires sur ces rapports 308 . La communication de ces documents aux organisations représentatives des employeurs et des travailleurs constitue une garantie supplémentaire de l’efficacité du contrôle 309 . Les partenaires sociaux semblent ainsi, dans le cadre de ce contrôle, avoir un rôle très important à jouer parce que ce sont eux qui peuvent voir réellement des choses sur le terrain, c’est-à-dire si la loi du travail ainsi que les conventions ratifiées par les États membres sont bien appliquées.

Il est à noter que le contrôle au sens large ne s’étend pas uniquement à des conventions ratifiées, mais il peut s’étendre également aux conventions non ratifiées par les États membres. Ainsi, les États qui n’ont pas ratifié les conventions, doivent-ils, à la demande du Conseil d’administration du BIT, présenter des rapports écrits indiquant l’état de leur législation et de leur pratique dans le domaine considéré, précisant dans quelle mesure ils ont pu donner suite à ces instruments ou se proposent de le faire en exposant les difficultés qui empêchent ou retardent la ratification ou l’application. Les gouvernements doivent aussi communiquer copie de ces rapports aux organisations représentatives des employeurs et des travailleurs de leur pays 310 .

Le contrôle sur la présentation annuelle des rapports gouvernementaux permet à l’OIT d’avoir une vision assez globale de la situation juridique des travailleurs du pays dans lequel les rapports ont été examinés comme le cas du Royaume du Cambodge. Pour renforcer l’application des normes des pays engagés, l’OIT travaille également en lien avec les organisations de travailleurs et d’employeurs constituant les appuis essentiels de l’OIT pour mieux saisir l’application des normes du travail.

Notes
304.

Nicolas VALTICOS, Droit international du travail, op.cit., p. 570.

305.

Article 23 § 2 de la Constitution de l’OIT.

306.

Pour les détails des rapports, Voir le site Internet : http://www.hri.ca/fortherecord1998/bilan1998/vol3/cambodiatb.htm

307.

Ce rapport complet est disponible sur le site : http://www.un.org/News/fr-press/docs/2006/FEM1530.doc.htm

308.

Article 23 § 2 de la Constitution de l’OIT ; Nicolas VALTICOS, op.cit., p. 572.

309.

Jean-Michel SERVAIS, op.cit., p. 258.

310.

Nicolas VALTICOS, op.cit., p. 577.