A. Le contrôle de l’égalité de rémunération

Dans sa mission, l’inspecteur du travail devrait au moins une fois par mois, effectuer le contrôle de l’application des normes 323 . Le reste de son temps est consacré notamment au contrôle de la licéité du règlement intérieur 324 , à la conciliation des litiges individuels nés entre les employeurs et les travailleurs, portant sur l’interprétation ou l’application des clauses du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage ou des dispositions d’une convention collective de travail, d’un règlement ou d’une loi en vigueur 325 . Dans l’exercice du contrôle de l’égalité de rémunération, l’inspecteur du travail peut exiger la communication de tous livres, registres et documents dont la tenue est prescrite par la législation relative aux conditions de travail, en vue d’en vérifier la conformité avec les dispositions légales, et de les copier ou d’en établir des extraits. Ainsi, différents éléments de la fixation et du calcul de la rémunération dans l’entreprise et toutes autres informations ne sont-ils pas difficiles à trouver parce que l’inspecteur peut exiger des informations contenues dans le livre de paye 326 , entre autres.

Les inspecteurs du travail ont aussi la faculté de se faire communiquer des documents que l’employeur doit légalement tenir 327 . Il peut notamment exiger la communication des différents éléments qui concourent à la détermination des rémunérations dans l’entreprise et notamment, les normes, les catégories, critères de classification et de promotion professionnelle, les modes d’évaluation des emplois ainsi que toutes les autres bases de calcul de la rémunération. Mais on peut aussi s’interroger sur l’étendue du droit de communication des inspecteurs du travail, en particulier sur les modalités de communication des documents qui peuvent ou non être communiqués. La réponse paraît simple lorsqu’il s’agit des documents dont la tenue est obligatoire pour l’employeur comme le registre des salaires, les registres relatifs à l’hygiène et à la sécurité dans l’entreprise par exemple. Dans ce cas, l’employeur, sur la demande de l’inspecteur du travail, doit mettre ceux-ci à la disposition  de ce dernier.

Pourtant, à part les documents énumérés par la loi, on ne sait pas si l’inspecteur du travail a également le droit de se faire communiquer d’autres documents lors de son enquête. Le Code du travail cambodgien est silencieux sur ce point. En revanche, en droit français, une décision de la Cour d’appel de Lyon du 1er juillet 1977 a jugé que l’employeur ou son préposé qui refusait à l’inspecteur la communication de documents « qu’il est sans aucun droit d’exiger » ne se rendait pas coupable du délit d’obstacle à l’accomplissement des devoirs de l’inspecteur du travail 328 . Cette restriction est fondée sur la liberté d’entreprendre et le droit de propriété de l’employeur. Afin d’éviter des risques éventuels lors du contrôle de l’inspecteur du travail, la Cour de cassation française se réfère à la notion de sincérité comme condition de l’effectivité du contrôle, c’est-à-dire que l’employeur, pour éviter des infractions pénales, ne doit en aucun cas mentir ou fournir de faux documents lors des investigations de l’inspecteur 329 .

D’ailleurs, l’inspecteur du travail vérifiera si les normes conventionnelles comme les conventions collectives ou les accords collectifs ne contiennent pas des dispositions discriminatoires, notamment entre les hommes et les femmes. La tâche de l’inspecteur du travail ne sera pas plus facile dès lors que la convention ou l’accord collectif ne contient pas de critères précis quant à la classification professionnelle, ou l’individualisation du salaire. Il doit s’assurer que les critères d’évaluation de salaire par exemple sont faits de manière objective. Cette tâche est très difficile non seulement parce que les normes juridiques tant légales que conventionnelles manquent de clarté, mais la question est également de fait, elle tient par exemple à l’insuffisance des effectifs ou de moyens matériels, à l’inadaptation des compétences techniques, de la formation entre des inspecteurs entres autres 330 . Autrement dit, l’inspecteur du travail, outre les moyens matériels, n’a pas assez de connaissances en matière de droit du travail.

L’inspecteur du travail peut, d’après l’article 346 du Code du travail cambodgien, procéder à tout examen, contrôle ou enquête jugés nécessaires pour s’assurer que les dispositions légales sont effectivement respectées. Il dispose d’un large pouvoir en matière d’enquête notamment pour interroger, soit seul, soit en présence de témoins, l’employeur ou le personnel de l’entreprise sur toutes les matières relatives à l’application des dispositions légales. Ainsi, a-t-il le droit par exemple d’auditionner les salariés à tout moment lorsqu’il a des raisons de penser que l’employeur viole les dispositions légales ou conventionnelles 331 .

L’inspecteur du travail, d’après l’article 4 § 3 du Prakas du Ministère Tu travail du 27 août 2001 relatif à la création de poste d’inspecteur du travail dans les quartiers de Phnom Penh, doit coopérer avec les représentants des salariés afin de renforcer l’application de la loi du travail. Par conséquent, il est informé par ces représentants des irrégularités dans l’application des textes juridiques relatifs à l’égalité de rémunération par exemple.

En France, au niveau de l’entreprise, l’un des éléments de l’information de l’inspecteur du travail est constitué par le rapport écrit que le chef d’entreprise remet, chaque année, au Comité d’entreprise. Ce rapport dresse une situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise. Une analyse chiffrée permet donc d’apprécier pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière de rémunération.

Lorsque l’inspecteur du travail constate qu’il y a discrimination dans l’application des dispositions légales, il peut dresser un procès-verbal. Ce dernier fait foi jusqu’à la preuve contraire 332 . En général, l’inspecteur du travail peut, selon le Code du travail cambodgien, mettre l’employeur ou son représentant en demeure de veiller à l’observation des dispositions légales dans un délai fixé 333 . Cette mise en demeure est souvent effectuée par l’inspecteur du travail avant la constatation du procès-verbal. Parfois, l’inspecteur joue un rôle de conciliateur entre l’employeur et le salarié. Mais la question qui se pose est de savoir s’il n’y a pas d’incompatibilité entre la fonction de conciliation et celle de répression. La réponse à cette question peut être trouvée dans le cadre du droit international parce que l’article 17 § 2 de la Convention 81 de l’OIT, non ratifiée par le Cambodge, relative à l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce dispose que « il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu d’intenter ou de recommander des poursuites ». Ainsi, l’inspecteur du travail dispose-t-il, selon cette Convention, de la liberté de choix entre la poursuite pénale et la recommandation que l’employeur doit exécuter pour échapper à l’infraction pénale.

Nous venons de voir que les tâches de l’inspecteur du travail sont très importantes dans l’exercice du contrôle de l’application des règles d’égalité en matière de rémunération parce qu’il doit collecter, enquêter et analyser des informations recueillies afin de déterminer s’il existe ou non une différence de rémunération rentrant dans le cadre de la discrimination prohibée par la loi du travail. D’ailleurs, ces tâches confiées par la loi ne s’arrêtent pas simplement à faire le constat, mais également à donner le conseil, à mettre en demeure, ainsi que de faire le procès verbal, etc. En dehors de ce contrôle, la loi lui donne aussi une autre mission concernant le contrôle du pouvoir de l’employeur lors de l’exercice par le salarié du contrat de travail proprement dit.

Notes
323.

Article 4 a) du Prakas du Ministère du Travail relatif à la création du poste de l’inspecteur du travail du 27 août 2001.

324.

Article 24, alinéa 2 du Code du travail cambodgien.

325.

Article 300 du Code du travail cambodgien.

326.

L’article 39, alinéas 4 du Code du travail cambodgien dispose que « tout employeur d’une entreprise ou d’un établissement (...) doit tenir constamment à jour un livre de paye dont le modèle sera fixé par Prakas du Ministère chargé du Travail. Avant d’être utilisé, le livre de paye doit être coté et paraphé par l’inspecteur du travail. Le livre de paye devra être déposé dans les bureaux de la caisse ou de la direction de chacun des sièges d’exploitation de l’entreprise de telle sorte qu’il puisse être présenté immédiatement au moment du contrôle, il sera conservé par l’employeur pendant trois ans à la date de sa clôture. L’inspecteur du travail peut à tout moment exiger la communication du livre de paye  ».

327.

L’article 346-1c) du Code du travail cambodgien énonce que « les inspecteurs du travail et les contrôleurs du travail munis des pièces justificatives de leurs fonctions sont autorisés (…) à demander communication de tous livres, registres et documents dont la tenue est prescrite par la législation (…), en vue d’en vérifier la conformité avec les dispositions légales, et de les copier ou d’en établir des extraits ».

328.

Yves GAUDEMET, Les limites des pouvoirs des inspecteurs du travail, Dr. soc. 1984, p. 454.

329.

Cass. crim. 26 nov. 1980, Bull. n° 322, I-823.  

330.

Yves GAUDEMET, Les limites des pouvoirs des inspecteurs du travail, art.préc., p. 446 et s.

331.

Article 7 du Prakas du Ministère du Travail en date du 05 novembre 2001 relatif aux procédures d’enregistrement, de publicité et de contrôle de l’application des conventions collectives.

332.

Article 347 § 3 du Code du travail cambodgien.

333.

Article 347 § 2 du Code du travail cambodgien.