B. La charge de la preuve

Comme l’a écrit le Doyen Jean CARBONNIER, « l’exigence de preuve rejette hors du droit tout ce qui ne peut être prouvé » 366 . Quant à Monsieur Michel MINÉ, selon lui, «  l’efficacité d’une législation anti-discriminatoire dépend étroitement de la performance du système probatoire mis en place » 367 . L’attribution de la charge de la preuve est, selon Monsieur Donat GUILLON, « une politique juridique du législateur et du juge qui peut conférer le risque de la preuve pour infléchir l’application effective du droit dans le sens qu’ils souhaitent » 368 . Ainsi, la preuve de la discrimination doit-elle pouvoir être rapportée, à défaut, la règle de non-discrimination est niée. Le système probatoire doit assurer l’application de la règle. Avant d’entrer dans les détails, il nous paraît utile de pencher sur la notion de preuve. En l’absence de définition en droit cambodgien 369 , nous recourons à la définition en droit français. La preuve est définie, au sens large du terme, comme étant l’établissement de la réalité d’un fait, ou de l’existence d’un acte juridique, alors qu’au sens strict du terme, la preuve désigne l’ensemble des procédés utilisés à cette fin 370 .

Dans le cadre de l’égalité de rémunération ou de traitement dans les conditions de travail ou autres, il s’agit de prouver que les écarts de salaires ou le traitement inégal entre les salariés se trouvant dans une situation identique ou similaire, émanent du fait, ou de l’acte discriminatoire pris sans motif légitime étranger à toute discrimination interdite. Mais le problème qui se pose est de savoir à qui incombe la preuve, et par quel moyen cette personne doit l’établir. Cette question est importante, car elle engendre des conséquences différentes, selon qu’elle incombe seulement au demandeur, ou qu’elle est partagée entre les parties. Le Code du travail cambodgien de 1997 est silencieux sur la question de la preuve. Depuis, aucune nouvelle loi n’a été adoptée afin d’éclairer cette zone d’ombre. Selon l’article 65 du Code du travail cambodgien, ce sont les règles du droit commun des contrats qui s’appliquent au contrat de travail. Par conséquent, la preuve d’une violation des obligations contractuelles sera soumise aux règles du droit commun. Nous allons examiner tout d’abord les moyens de preuve selon le droit commun du contrat (1) , avant de voir le régime de la preuve en droit comparé (2) .

Notes
366.

J. CARBONNIER, Flexible droit, textes pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ 1976, p. 25.

367.

Michel MINÉ, Le nouveau regard des juges français sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Dr. ouv. 1998, p. 3.

368.

Donnat GUILLON, L’égalité entre les hommes et les femmes en droit français et communautaire, thèse, op.cit, p. 347.

369.

En effet, il existe actuellement au Cambodge un lexique français-khmer de termes juridiques, mais il ne fait que traduire la définition de la preuve contenue dans le lexique des termes juridiques français. Voir : lexique français-khmer de termes juridiques, éd., Founan, coll. État de Droit, 2005, p. 226.

370.

Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15ème éd., 2005, p. 487.