Section 1. L’exigence d’égalité confrontée à la réception et à l’accessibilité au droit par les acteurs

Dans son ouvrage d’anthropologie juridique, Monsieur Norbert ROULAND livre sa vision de la place du droit dans les différentes sociétés humaines, affirmant que « toutes les sociétés connaissent des modes de contrôle social que nous qualifions de juridiques. Mais elles ne leur accordent pas la même importance. Certaines demandent d’emblée au Droit de garantir les valeurs qui leur paraissent essentielles. D’autres n’y recourent qu’avec plus de prudence, ou en dernière extrémité » 386 . Ce même auteur s’ajoute encore que « toutes sociétés ne partagent par la même vision du monde. Les valeurs qu’elles privilégient diffèrent souvent. Il en va de même du contenu de leurs droits (la virginité de l’épouse sera une des conditions de la validité du mariage dans certaines cultures et non dans d’autres) » 387 . Si l'on suit ce constat, le mode de régulation sociale ainsi que le contenu du droit ne peuvent pas être les mêmes d’un pays à l'autre. Ainsi, les modalités de recours à la loi et de traitement des conflits dans les pays asiatiques peuvent différer par rapport aux pays Occidentaux.

Le droit cambodgien a subi bien des influences de droit étranger, surtout celui de la France du protectorat. Ainsi, le droit cambodgien est-il essentiellement un droit importé et mélangé avec le droit traditionnel. À titre d’illustration, la notion même de syndicat n’existait pas au Cambodge avant l’instauration du protectorat français. Contrairement au Cambodge, les traditions de luttes collectives se sont implantées en France 388 depuis le début du 19ème siècle. La reconnaissance juridique des institutions représentatives a été libérée par la loi Waldeck Rousseau de 1884. Ce sont donc les problèmes de l’importation du droit au Cambodge qui causent parfois des difficultés dans son application. Ces causes sont liées non seulement aux Cambodgiens eux-mêmes qui ont du mal à appréhender le droit comme moyen de régulation des conflits ( §1), mais aussi aux institutions étatiques qui appliquent ou interprètent mal le droit (§2).

Notes
386.

Norbert ROULAND, L’anthropologie juridique, op.cit., p. 7.

387.

Id.

388.

Antoine MAZEAUD, Droit du travail, 4ème éd., Montchrestien, Coll. Domat droit privé, 2004, p. 22 et s. ; Jean PELISSIER, Alain SUPIOT, Antoine JEAMMAUD, Droit du travail, op.cit., p. 13 et s.