B. Les insuffisances du Code du travail 

Lorsque la législation d’un pays ne parvient pas à maîtriser toutes les situations concrètes, il peut y avoir ce qu’on appelle des failles dans cette législation qui conduisent à la production de règles spécialement adaptées pour garantir la régulation sociale 455 . C’est en terme de lacunes ou de failles de la législation que nous allons voir si le droit du travail cambodgien actuel est suffisant pour gouverner les relations du travail entre l’employeur et les travailleurs qui sont parfois très ambiguës, compte tenu de la situation du marché du travail actuel.

Même si les dispositions du Code du travail actuel ont été jugées protectrices en raison de la pleine reconnaissance et du respect des droits fondamentaux des travailleurs, on s'aperçoit que certaines dispositions de premier plan dans les pays occidentaux ne sont pas abordées. C’est ce qu’on appelle les zones de non droit. Bien que le contexte socio-économique et juridique dans un pays ne puisse pas être le même que celui d’un autre pays, le législateur cambodgien devrait néanmoins prendre en considération des lacunes du droit national car les problèmes peuvent se poser dans les mêmes termes. La loi du travail doit-elle être adaptée, en tout état de cause, à l’évolution des relations du travail ? À titre d’illustration, les dispositions concernant les preuves relatives aux discriminations devraient être réexaminées en raison de la difficulté pour la victime d’établir les faits.

Pour illustrer les avantages et les difficultés rencontrées par les parties comme par les juges en cas d’existence ou de carence de la loi, on peut évoquer « La théorie pure du droit » de Hans KELSEN 456 dans laquelle il écrivait que « il y a différend quand l’une des parties prétend avoir un droit que l’autre conteste, ou plus exactement quand l’une des parties conteste avoir l’obligation correspondant à ce droit. L’organe chargé de résoudre ce différend doit déterminer si le droit en vigueur impose ou n’impose pas l’obligation en question à la partie qui la conteste. Dans l’affirmative, il donne raison au demandeur ; dans la négative, il rejettera sa demande. Dans les deux cas, il applique le droit en vigueur : s’il donne raison au demandeur, il applique la règle générale selon laquelle tout ce qui n’est pas interdit par le droit est permis par lui, aucun homme ne pouvant exiger d’un autre qu’il se conduise d’une manière déterminée s’il n’y est pas juridiquement obligé ».

Par rapport au droit français, on voit que le Code du travail cambodgien actuel manque encore de dispositions protectrices des travailleurs. Il n’y a pas d’exemple de dispositions relatives aux travailleurs domestiques, de dispositions concernant les preuves de la discrimination, les mutations des travailleurs ainsi que celles relatives aux motifs discriminatoires, etc. Ces lacunes ne peuvent que renforcer l’inégalité formelle entre les travailleurs qui est due à l’absence de protection légale adéquate. Pour illustrer cette remarque, on peut citer quelques cas notamment en matière de discrimination indirecte (1) , ainsi que les dispositions renforçant la mise en œuvre des dispositions juridiques déjà proclamées (2) .

Notes
455.

Pierre LASCOUME et Evelyne SERVERIN, Théories et pratiques de l’effectivité du Droit, art.préc., p. 6 et s..

456.

Hans KELSEN, Théorie pure du droit, Cahiers de philosophie, Etre et penser, Boudry-Neuchâtel (Suisse), éd., de la Basolonnière, 1988, p. 156.