A. Notion de travail informel

Le travail informel est la conséquence directe de l’économie informelle. La définition de l’économie informelle se réfère à la petite unité de production. Cette unité est composée notamment par des travailleurs indépendants, les travailleurs familiaux. Il convient de souligner que ce concept est nouveau au Cambodge, comme dans de nombreux pays en développement. Il a été mis en avant par les différentes Conférences de l’OIT. Le travail dans le secteur informel a ainsi été l’objet d’études de l’OIT depuis plus de trente ans. Les débats ont commencé dans les années 70, à partir du rapport sur le Kenya, écrit par Hart en 1972 à la demande du Bureau International du Travail (Hart, 1972). Ces débats ont pris une place centrale dans les réunions des organismes internationaux, notamment dans la 15 ème Conférence Internationale des Statisticiens du Travail en 1993, et la Conférence internationale du Travail de 2002. Après une longue discussion, on peut résumer le travail informel dans quatre situations à savoir le travail familial non rémunéré, le travail indépendant (excepté les techniciens et les professionnels), le travail en entreprises comptant jusqu’à cinq employés et le travail domestique 480 . Selon le Bureau International du Travail, les caractéristiques des activités informelles sont la facilité d’entrée sur le marché, la prédominance de ressources locales dans les fabrications, la propriété familiale des entreprises, la petite échelle de production, l’intensité en travail des technologies utilisées, des savoir-faire acquis hors du système scolaire, et des marchés non règlementés et concurrentiels 481 .

Le travail dans le secteur informel se développe considérablement dans les pays en voie de développement. Au Cambodge, ce travail représente une importante proportion de travailleurs. Sa généralité permet certes de réduire la pauvreté car on peut créer beaucoup de travails 482 . Les travailleurs dans ce secteur représentent en 2003 près de 85% de la force globale du travail qui en compte plus de 6 millions dans le pays, selon les statistiques de l’Institut de l’Économie du Cambodge 483 .

En se référant à la définition donnée, on peut dire que la plupart des relations du travail au Cambodge, à l’exception du travail dans le secteur de textile, le tourisme, l’hôtellerie, sont souvent considérés comme travail informel non régi par les normes du travail. Les travailleurs sont majoritairement employés dans des petites entreprises, des fermes, etc. D’ailleurs, on peut considérer également certains travailleurs du secteur formel comme faisant partie du secteur informel du fait que l’employeur n’a pas fait l’enregistrement de son entreprise au Ministère du Commerce conformément à la loi. Précisément, on peut diviser les travailleurs informels en deux catégories selon les zones géographiques, à savoir ceux qui travaillent à la capitale et ceux travaillant dans des zones rurales, c’est-à-dire à la campagne. À Phnom Penh, sont considérés comme travailleurs informels : les mototaxis, les cyclo-pousse, les vendeurs de rues comme les marchands des journaux, les vendeurs d’essences dans la rue, les maçons, les tailleurs, les artisans, les coiffeurs, les employés de maison, la plupart des travailleurs dans la construction des bâtiments, les réparateurs des véhicules, etc. Bien que certains d’entre eux (les employés du bâtiment, les réparateurs de véhicules employés dans un garage), soient normalement soumis à la relation de travail contractuel encadré par le Code du travail, faute de déclaration et de contrôle efficaces de l’État, ils deviennent des travailleurs informels. Concernant les travailleurs des zones rurales, on peut citer notamment les travailleurs indépendants, les vendeurs au détail, les pêcheurs, les travailleurs dans le secteur agricole, dans les plantations, etc. En somme, on utilise le concept de « secteur informel » pour définir le travail qui est exercé dans de mauvaises conditions dans lesquelles les travailleurs ne sont pas protégés par la loi du travail en vigueur 484 .

Ainsi, l’application de la loi du travail pose des problèmes parce que l’on rencontre très souvent des relations de travail qui sont ambiguës, voire déguisées dans le secteur informel. Nous allons voir comment ce secteur d’activité échappe à l’application de la loi du travail.

Notes
480.

Mariana BUSSO, Le travail informel : entre théorie et expérience, Séminaire de Thèse à l’Université de Provence (U1) et l’Université de la Méditerranée (U2), 2005, p. 2, www.univ-aix.fr/lest/lesdocuments/lesnotesdetravail/2005/bussosem.pdf

481.

Elsa ASIDON, Les théories économiques du développement, Édition de la découverte, 1992, p. 89.

482.

De nombreuses organisations internationales comme le Bureau International du Travail, la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International, la Banque Asiatique de Développement ainsi que d’autres institutions de recherche, s’intéressent au secteur informel en raison de son expansion et du rôle effectif qu’il joue notamment celui d’amortisseur des chocs en périodes de crise économique. On peut citer quelques travaux de l’Institut Économique du Cambodge en coopération avec le Bureau International du Travail: Decent work in the Informal Economic in Cambodia : A literature Review, Bangkok, International Labour Office, 2006 ; Handbook on Decent Work in the Informal Economy in Cambodia, Bangkok, International Labour Office, 2006.

483.

Economic Institute of Cambodia (EIC), Handbook on Decent Work in the Informal Economy in Cambodia, op.cit., p. 8.

484.

Economic Institute of Cambodia (EIC), Decent Work in the Informal Economy in Cambodia: A literature Review, op.cit., p. 11 et s.