A. Difficultés liées à l’application et au contrôle des normes internationales

L’OIT n’a pas de moyens suffisants pour contraindre les États adhérents à respecter les normes qu’ils ont ratifiées. Comme on l’a indiqué, les normes de l’OIT ne contiennent pas en elles-mêmes de sanction et les conclusions des organes de contrôle n’ont pas un caractère exécutoire, cela signifie par conséquent que l’OIT ne peut pas envoyer de gendarmes pour contraindre un pays à respecter une convention qu’il a ratifiée 491 . Ainsi, l’absence de moyens de contrôle et de contrainte internationaux pose-t-elle beaucoup de problèmes dans la mise en œuvre des législations tant nationales qu’internationales.

L’exigence de la mise en œuvre des normes internationales pose des difficultés surtout dans des pays très pauvres. Cette question a été souvent soulevée devant la conférence de l’OIT. Les principales difficultés sont liées d’abord aux conditions économiques et sociales de l’État concerné. Ces conditions ne permettent pas facilement à cet État d’appliquer des conventions qu’il a ratifiées. Le gouvernement s’engage souvent à ratifier des conventions internationales en échange d’aides ou d’avantages économiques plus favorables, autrement dit, pour donner une image positive sur le plan international et pour attirer des investisseurs étrangers. Au fond, il ne s’agit que d’une ratification que Nicolas VALTICOS qualifiait de « platonique », « de façade », ou « vide » 492 .

Le Cambodge se trouvait dans cette situation lors de la ratification des conventions fondamentales de l’OIT en 1999 parce qu’à cette époque la question du développement économique semblait plus préoccupante que la question sociale, à savoir, le respect des droits des travailleurs. À l’heure actuelle, même s’il y a une amélioration dans la mise en œuvre de ces normes, la question de l'ineffectivité demeure toujours dans ce pays. De manière générale, la recherche de l’effectivité est délicate car on touche dans ce cas au problème de l’équilibre entre le développement économique et le renforcement de la liberté et de la dignité de l’homme. L’application des normes de l’OIT rencontre donc de nombreux problèmes d’ordre juridique, politique, économique et social. Autrement dit, le Gouvernement cambodgien n’a pas satisfait à son obligation imposée par les Conventions ou par la Constitution de l’OIT ou de l’ONU.

Afin de sortir de cette situation, c’est-à-dire les difficultés d’application de la loi dans une situation économique désastreuse, l’OIT a pensé à la recherche de l’équilibre entre l’économie et le droit, et a mis en place le programme de promotion du travail décent dans des pays pauvres, en particulier ceux qui sont touchés par la guerre civile. Comme une affirmation de la volonté du Directeur général de l’OIT de réunir tous les éléments d’un développement économique et social harmonieux dont les règles protectrices du travail constituent une composante essentielle. Monsieur Juan SOMAVIA a affirmé que « il ne s’agit pas seulement de créer des emplois, mais de créer des emplois d’une qualité acceptable. Il ne saurait y avoir de divorce entre le volume de l’emploi et sa qualité (…) ce qu’il faut aujourd’hui, c’est concevoir des systèmes sociaux et économiques qui garantissent le minimum indispensable en matière de sécurité et d’emploi, sans que cela empêche de s’adapter à l’évolution rapide d’un marché mondial très concurrentiel » 493 . D’un point de vue normatif, la démarche vise à protéger les travailleurs en s’assurant que la loi du travail est effectivement appliquée.

Les difficultés rencontrées dans le contrôle et dans l’application des normes internationales sont considérables dans les pays en développement. Pour des raisons en grande partie identiques, il n'est pas plus facile de le mettre en place pour les normes nationales qui rencontrent de nombreux obstacles.

Notes
491.

Id., p. 277.

492.

Nicolas VALTICOS, op.cit., p. 599 et s.

493.

J. SOMAVIA, Un travail décent, Rapport du Directeur général à la 87ème session de la Conférence internationale du Travail (juin 1999), Genève, BIT, 1999, p. 4 ; voir aussi : S’affranchir de la pauvreté par le travail, rapport du directeur général à la 91ème session de la Conférence internationale du Travail (juin 2003), Genève, BIT, 2003, p. 77-78, 91-92 et 117-119. Citées par Jean-Michel SERVAIS, op.cit., p. 294 et s.