B. Le rôle des acteurs sociaux

Les acteurs sociaux comme les syndicats, les associations, les organisations non gouvernementales peuvent contribuer au renforcement de l’application de la loi de travail. Les syndicats jouent ainsi le premier rôle dans la négociation et dans la réclamation des droits et des bonnes conditions de travail dans ce secteur. La tâche ne sera pas facile d’autant qu’il n’existe pas encore de syndicats implantés en milieu rural dans le pays alors que c'est par le regroupement et la solidarité que les travailleurs peuvent réclamer le respect de leurs droits. Cependant, une question se pose qui est de savoir comment procéder pour que les travailleurs du secteur informel puissent être représentés. Il semble nécessaire que les syndicats étendent leur protection aux travailleurs informels et ne se limitent pas aux travailleurs formels qui sont majoritairement concentrés dans la capitale. Les organisations syndicales peuvent notamment donner le droit aux travailleurs de ces secteurs d’être membres pour qu’ils puissent bénéficier de la protection nécessaire. Par ailleurs, une autre idée est d’encourager et de favoriser la création d'associations ou d'organisations de travailleurs pour pouvoir réclamer, négocier et faire respecter les droits des travailleurs. Ces organisations pourraient être des filiales d'organisations syndicales de travailleurs au niveau national. En ce qui concerne les associations, il est à noter qu’au Cambodge, il existe à l’heure actuelle des associations comme l’Association des Artisans du Cambodge (AAC), l’Association du Cambodge pour le Développement de l’Économie Informelle (ACDEI) dont le fonctionnement est aidé financièrement par l’OIT. Grâce à ces associations, des milliers de travailleurs comme les cyclo-pousse, les motos taxis, les vendeurs de rue ou, d'autres travailleurs des professions artisanales, peuvent avoir une protection contre les abus et les violences faites à leur droit 526 . Cependant, il n’existe pas encore de lois ni d'associations ou d'organisations syndicales protégeant certaines catégories de travailleurs comme les travailleurs domestiques qui ne devront pas être exclus du champ de la protection de la loi du travail.

Le Cambodge pourrait prendre exemple sur les Philippines où deux millions et demi de ménages philippins dépendent d’une aide domestique pour arriver à concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles. Les travailleuses jouent un rôle social de plus en plus nécessaire compte tenu de l’évolution des modes de vie familiale et de l’organisation du travail. Pour autant, ces travailleuses restent encore sous-estimées dans ce pays. Or, pour répondre à ce problème, une organisation unique dans le pays qui s’appelle Samahang Ugnayan ng mga Manggagawan sa Philipinas (SUMAPI) cherche à défendre leurs droits en cas de violation 527 .

Les associations et les organisations syndicales jouent également un rôle d’éducatif et d’entraînement des travailleurs du secteur informel pour leur donner les connaissances juridiques en droit social, minimales pour pouvoir négocier leurs conditions de travail, les modalités de représentation, ou diriger et gérer les entreprises familiales ou artisanales, et leur permettre d’accéder plus tard aux emplois de type formel 528 . Quant aux organisations patronales, elles peuvent également contribuer à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs urbains en admettant, par exemple, les petites entreprises comme membres de leurs organisations pour pouvoir étendre notamment l’application des conventions ou des accords collectifs de travail ou négocier directement avec les syndicats locaux 529 . Si tous les employeurs et tous les travailleurs des zones urbaines devenaient membres des organisations patronales et syndicales, les droits et les libertés des travailleurs de toutes catégories seraient bien protégés.

En outre, les associations civiles sont aussi souvent parties prenantes dans cette affaire parce qu’elles coopèrent avec le Gouvernement, les Organisations Non Gouvernementales, les Organisations patronales et syndicales pour faire avancer les choses en matière de droits des travailleurs en milieu rural. Grâce à cette mobilisation, les débats sous forme de séminaires, ou de conférences sur les travailleurs informels peuvent avoir lieu et faire remonter ainsi les difficultés rencontrées dans ce domaine au Gouvernement et aux autorités publiques ainsi qu’au législateur afin qu’ils prennent des mesures sérieuses et propres aux travailleurs en question.

L’action du Gouvernement et des acteurs sociaux, tant dans la lutte contre la pauvreté, la corruption, les réformes juridiques et judiciaires que dans la prise en compte de l’amélioration des droits et des libertés des travailleurs du secteur informel en particuliers, doit être accompagnée par d’autres mesures dans le but de trouver une égalité réelle entre les travailleurs. Autrement dit, la recherche de l’égalité entre les travailleurs ne peut pas atteindre son but seulement par une bonne réception et une application correcte de la loi si certaines autres actions, par exemple, l’action positive, ne sont pas mises en place.

Notes
526.

Economic Institute of Cambodia (EIC), Decent Work in the Informal Economy of Cambodia: A literature Review, op.cit., p. 13 et s.

527.

Juan SOMAVIA, S’affranchir ensemble de la pauvreté par le travail, art.préc., p. 12.

528.

Economic Institute of Cambodia (EIC), Decent Work in the Informal Economy of Cambodia: A literature Review, op.cit., p. 43.

529.

Id., p. 46.