§3. À la recherche de l’égalité des chances

Bien que les conditions de travail de tous les travailleurs et particulièrement celles concernant les femmes s’améliorent et que celles-ci soient de plus en plus l’égale des hommes d’un point de vue juridique, on constate toujours qu’elles ne parviennent pas dans la réalité à avoir une égalité concrète si certaines mesures ne sont pas prises en leur faveur. C’est dans ce contexte qu’il convient d’aborder la question de l’égalité des chances qui est un concept utilisé dans de nombreux pays afin de corriger des inégalités existantes et dont le Cambodge peut se servir pour arriver à l’objectif souhaité.

Si l’on en juge par l’expérience des pays étrangers comme les États-Unis, la France ainsi que les autres pays de l’Union Européenne, la proclamation de l’égalité des citoyens devant la loi ne permet toujours pas d’avoir une égalité concrète effective. Ces pays ont adopté, pour parvenir à cette fin, le concept d’égalité des chances. C’est dans cette perspective que nous allons porter notre réflexion sur ce problème en essayant d’adapter ces inspirations au Cambodge.

Si l’on examine l’arsenal législatif cambodgien, on voit dans la Constitution, le Code du travail, ainsi que dans d’autres normes relatives au travail, que les droits de tous les travailleurs ont été formellement proclamés. Pourtant, le principe d’égalité devant la loi ne permet pas, même s’il est bien appliqué, d’obtenir une égalité concrète parce que le Cambodge comme d’autres pays dans le monde a été affecté par des inégalités très profondes entre les pauvres et les riches, entre les populations de la capitale et celles de la campagne. Cette insuffisance de l'approche formelle peut amener le législateur à réfléchir sur la politique législative à mener pour concrétiser dans la pratique une égalité de fait tant entre les hommes et les femmes qu’entre les travailleurs en général. On peut remarquer que les dispositions de la Convention numéro 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, ratifiée par le Cambodge, permet à l’État de mettre en place la politique d’égalité des chances entre les travailleurs des deux sexes. Néanmoins, les juges et les juristes cambodgiens ignorent encore la légitimité de cette égalité au regard du droit interne. Autrement dit, on ne sait pas si la Constitution cambodgienne qui consacre pleinement une égalité formelle aux citoyens, autorise le législateur à adopter des lois traitant différemment les travailleurs. Il n'existe, à l’heure actuelle, aucune décision du Conseil Constitutionnel cambodgien sur ce sujet.

Avant toute mise en œuvre de cette égalité (B) , il faut d’abord s’interroger sur les faits et les fondements juridiques qui permettent tant au pouvoir politique que judiciaire de reconnaître ce nouveau concept comme ayant un effet de correction des inégalités de fait entre les travailleurs surtout celles concernant les hommes et les femmes (A) .