Chapitre I- La situation sociolinguistique et didactique du français en Tunisie

1- La Tunisie et les langues en présence

Les langues en Tunisie sont un fait historique qui trouve déjà ses origines dans les contacts et les échanges surtout commerciaux entre les différentes populations du bassin méditerranéen. De la multitude des langues qui se sont succédé ou qui ont co-existé sur le territoire tunisien pendant de longues périodes, comme le phénicien, le latin, le grec, l’arabe, le turc, l’italien, le français … etc, il n’est resté à la veille du protectorat que deux d’entre elles, l’italien et le français, qui se disputaient le terrain avec l’arabe. Le protectorat a achevé la lutte en évinçant progressivement l’italien. Le bilinguisme est né, mais plus que le protectorat, c’est la politique linguistique du gouvernement post-colonial et la réforme de 1958 qui le renforceront 1 .

L’arabisation, qui se voulait alors progressive, ne le sera que très peu. Langue officielle, l’arabe se voit accorder, pour sa promotion, une grande attention. Mais l’arabisation restera limitée pendant une bonne période. Elle ne touchera pas toutes les administrations et, dans l’enseignement, elle ne couvrira pas toutes les matières. Au lycée, les matières scientifiques restent dispensées en français. A l’université, la majorité de l’enseignement se fait en français. Le discours du gouvernement est alors clairement en faveur du bilinguisme, étape indispensable au progrès et à l’essor économique et social du pays, ainsi qu’à son entrée dans le monde moderne.

La reprise du processus d’arabisation avec la réforme de 1991 changera quelque peu la donne. L’arabe devient sans équivoque la seule langue des discours officiels et institutionnels. L’arabisation touche même la vie publique : les enseignes municipales, les noms des rues sont désormais en arabe. Mais le recours, en plus de la langue arabe, à la langue français, et à tout autre langue étrangère d’ailleurs, reste possible à certaines conditions relatives à la taille des caractères qui doivent par exemple être plus grand pour l’indication en arabe du nom de la rue ou de l’administration que pour l’indication en toutes autres langues.

Dans l’enseignement, la réforme de 1991 qui crée l’enseignement de base, révise aussi l’utilisation des langues et du français dans l’enseignement des matières scientifiques. Celles-ci sont alors dispensées en arabe pour les neufs années du l’enseignement de base et en français pour les quatre années du lycée.

Notes
1.

Pour une description plus détaillée de l’histoire du plurilinguisme et du bilinguisme en Tunisie, voir la thèse de H. Naffati (2000) : le français en Tunisie . Etude sociolinguistique et lexicale , Université Aix-Marseille et H. Naffati & A. Queffelec (2004) : Le français en Tunisie, Nice, Institut de linguistique française.