2-3- Quel statut pour le français en Tunisie ?

2-3-1- Les réformes et les statuts officiels

Différentes réformes se sont succédé définissant ainsi différents statuts du français. Il est, en 1958, langue de culture et participe à côté de l’arabe à former des cadres bilingues en attendant la réhabilitation de la langue arabe. En 1963, le français est langue véhiculaire, langue d’enseignement de la majorité des matières, langue d’accès aux informations scientifiques et techniques. La réforme de 1974, visant à donner encore plus de place à l’arabe dans l’enseignement, réduit le français à un statut de français fonctionnel, à une langue d’accès aux informations scientifiques et techniques. Il l’est encore en 1982 mais un nouvel élément, fortement inspiré des méthodes du FLE est ajouté : le français est, en plus, un moyen de communication. Le bilinguisme revendiqué au départ tend à se modérer.

En 1991, le français redevient langue de culture à côté de l’arabe. Il contribue « à la formation intellectuelle, culturelle et scientifique » de l’élève. Il est alors perçu comme une langue étrangère à statut privilégié, et comme le souligne M. Miled, la désignation du français langue seconde n’est à aucun moment mentionnée dans les textes officiels.

A partir des éléments caractéristiques du français langue seconde et en l’appréhendant dans son statut « formel » et « officiel » et donc en partant des différents textes officiels et pratiques institutionnelles qui dessine le relief formel de la langue, R. Chaudenson (cité in Miled, 1998 ; Naffati, 2000) a identifié cinq points caractérisant la langue seconde : « l’officialité », « les usages institutionnels », « l’éducation », « les moyens de communication de masse », « le secteur secondaire et tertiaire privé ». En les appliquant à la situation tunisienne, H. Naffati (2000 ; 2004) arrive à une description que nous reprenons de manière succincte :

  • l’officialité : la langue officielle du pays est l’arabe littéraire, langue de l’unité du monde arabe et de l’appartenance à ce monde, langue adoptée dans toutes les institutions de l’Etat. Le français figure alors comme langue étrangère privilégiée ou première langue étrangère, la deuxième étant l’anglais.
  • l’usage institutionnel : l’arabisation a fini par être généralisée à toutes les administrations et par toucher tous les textes et documents officiels au terme de l’année 2001. Toute correspondance adressée à un citoyen tunisien, et toute correspondance entre établissements étatiques, devra se faire en arabe.
  • l’éducation : le rapport aux langues est différent suivant les différentes étapes de la scolarisation. L’enseignement de base (les neuf premières années de scolarisation) est, par exemple, entièrement en arabe, le français y est enseigné à partir de la troisième année avec un nombre d’heures de cours à peine inférieur à celui de l’arabe. Nous reprendrons le cas de l’enseignement secondaire et universitaire plus loin.
  • les moyens de communication : aux cotés de la langue arabe, la langue française est présente dans tous les moyens de communications même si elle lui reste subordonnée : presse (60% en arabe contre 38 à 39% en français) 2 , édition, littérature, théâtre, cinéma, télévision et radio.
  • les secteurs secondaire et tertiaire privés : la France, grand fournisseur, client et créancier de la Tunisie, occupe une grande place dans ce secteur. Le rôle conféré à la langue française en est alors aussi important dans le commerce, l’industrie et le tourisme.
Notes
2.

Nous reprenons ces chiffres à H. Naffati (op. cit.).