4-2-1- De quelques caractéristiques des étudiants en sciences

Le français continue au lycée d’être la langue d’accès aux informations scientifiques, ce qui n’est pas sans effet sur les élèves issus d’un cycle de base où l’enseignement des matières scientifiques se fait en langue arabe : le décalage est vite ressenti. Le passage à l’université, quant à lui, se ferait à priori sans trop d’encombre - du moins à ce niveau puisqu’il n’y a pas de changement de langue. L’enseignement des matières scientifiques est dispensé en français dans la majorité des filières scientifiques mais aussi littéraires (les filières des sciences humaines et sociales).

Nous essayerons dans ce qui suit de déterminer quelques caractéristiques des universités et des universitaires tunisiens et plus particulièrement des étudiants en sciences physiques à l’université de Bizerte, étudiants parmi lesquels nous avons pu réunir des volontaires pour notre études. Nous nous appuyons pour cela sur les résultats d’une enquête lancée par le ministère de l’Enseignement supérieur en 1997 et dont les résultats sont réunies et étudiées par M . Belajouza (1999). L’enquête a été effectuée sur un échantillon de 3 0804 étudiants et étudiantes inscrits dans cinq universités : Tunis I, Tunis II, Tunis III, Centre et Sud. Nous sommes, bien entendu, conscient du décalage qui existe entre la réalité de la date à laquelle a été effectuée l’enquête, c'est-à-dire 1997, et la réalité actuelle de 2006. Toutefois, la référence à cette enquête a le mérite d’éclairer le profil des étudiants qui ont participé à notre étude et qui ont accepté de suivre le protocole mis en place pour notre recherche. Elle correspond à la réalité du moment où nous avons recueillis nos données. À la lecture de cette recherche et à partir de notre connaissance de la réalité universitaire tunisienne, il semble que cette réalité n’a pas beaucoup changé et les données véhiculées par cette enquête sont en grande partie encore d’actualité.

D’après les données de cette recherche, le nombre d’étudiants est en constante augmentation : l’année scolaire 1994-1995 comptait 100 003 étudiants, l’année 1996-1997 en comptait 121 187 9 . Ils sont inscrits dans 89 établissements d’Enseignement supérieur. L’enquête réalisée auprès d’eux a permis de faire la lumière sur quelques caractéristiques des conditions d’études pour ces étudiants et de celles des étudiants en sciences fondamentales en particulier. Voici quelques traits qui permettront de mieux connaître ces étudiants.

Le redoublement : les taux de redoublements sont plus importants en sciences qu’en ingéniorat ou ailleurs. En sciences, 40,7% des étudiants de première année sont des redoublants, et 68,9% des étudiants de troisième année ont cumulé des redoublements pendant ou avant l’année 96/97. Les calculs effectués estiment nécessaire une période de 5,40 années pour parvenir en maîtrise. Elle est moins importante pour les branches de lettres, les écoles d’ingénieurs et de gestion et commerce.

L’orientation : plus de la moitié des étudiants poursuivent des études qu’ils ont choisies en premier lieu dans les demandes d’orientation. 37,5% sont alors satisfaits de leurs choix, 43% moyennement satisfaits et 19,5% insatisfaits. Nous avons là le pourcentage le plus élevé d’insatisfaits, toutes disciplines confondues. Le taux de satisfactions évolue toutefois avec la progression en cycle : le premier compte 41,2% de satisfaits, le deuxième 52,5% et le troisième 63%.

Le niveau socio-culturel : selon les données de l’enquête, malgré la démocratisation de l’enseignement et l’accessibilité ouverte à toutes les classes sociales, le niveau socio-culturel reste déterminant quant à l'accès à certaines universités et certaines formations prestigieuses. Ainsi, 70, 6% des étudiants en sciences médicales et 66% des étudiants en écoles de gestion et commerce ont un père au moins bachelier. En sciences fondamentales, 26,4% ont un père analphabète, 28,7% un père ayant un niveau d’instruction primaire, 10,3% niveau d’instruction de premier cycle secondaire, 16% supérieur. « Les filles sont, en moyenne, issues de milieux culturellement plus favorisés (…) » (Belajouza, 1999 : 23)et sont plus nombreuses à avoir un père bachelier ou ayant poursuivi des études supérieures.

L’appréciation de la formation : les attentes des étudiants, toutes disciplines confondues et à tous les niveaux, sont centrées sur la formation professionnelle. L’apport de l’université au niveau de la préparation à une profession n’est pas jugé atteint, les étudiants en sciences étant satisfaits à moins de 2/3 c'est-à-dire à 63,8% d’eux. De même, seuls 41,7% sont satisfaits de l’apport à l’initiation à la recherche, 46,1% de l’apport en compétence de communication et 47,4% de l’apport en maîtrise des méthodes de travail. Mais cette satisfaction diffère selon les cycles, ainsi les étudiants de troisième cycle sont moins satisfaits que ceux du premier cycle de l’apport de l’université en matière de préparation professionnelle, tout en étant plus satisfaits de l’initiation à la recherche et de la compétence en communication et des savoirs théoriques.

L’appréciation du contenu : seuls 48% des étudiants en sciences trouvent les contenus suffisants, 44% les trouvent utiles et 12% seulement trouvent les objectifs clairs. Concernant la compréhension, peu nombreux sont ceux qui estiment avoir des difficultés : en sciences, 25,3% (ce qui est quand même le pourcentage le plus élevé). Les difficultés liées à la langue française, non plus, ne sont pas importantes : seulement 5,3% des étudiants estiment en avoir.

L’appréciation des supports pédagogiques : près de la moitié des étudiants estiment ces supports, polycopiés et manuels, non satisfaisants. Les étudiants en sciences les estiment difficilement trouvables et accessibles à 48,4%.

L’appréciation de la réussite : la réussite est perçue comme difficile par 54,9% des étudiants en sciences, qui ne se distinguent pas trop en cela de la majorité des étudiants des autres disciplines. 59% d’entre eux trouvent que les examens ne sont pas valides et qu’ils ne reflètent pas leur niveau réel. Ces doutes concernant la validité des systèmes d’évaluations sont plus prononcés dans le deuxième que dans le premier cycle. Ces étudiants estiment aussi, à 48,6% d’entre eux, injustes les épreuves écrites et, à 62,6% d’entre eux, injustes les épreuves orales.

Les activités difficiles : les difficultés les plus signalées sont l’organisation pour la révision, les exposés. Le taux des étudiants en sciences signalant l’une et l’autre difficultés est de respectivement 52,6% et 38%. De plus, ils sont 38,3% à signaler des difficultés de traitement d’exercices. L’exposé semble moins problématique au deuxième cycle qu’au premier, mais le traitement d’exercice l’est plus au deuxième cycle.

Les suggestions et les attentes : les propositions qui ont suscité le plus d’intérêts chez tous les étudiants sont liées à la modernisation des techniques - retenue par 42,2% des étudiants-, suivie de la réduction d’effectif - retenue par 36,3% des étudiants -. La formation renforcée en langue arrive à la onzième place (sur 12), et est retenue par 12,7%. Les étudiants en sciences fondamentales, eux, retiennent à 46% la diffusion de documents pédagogiques, à 44% la réduction des effectifs, à 40% l’amélioration des techniques d’enseignement par la modernisation des techniques.

Ces résultats rejoignent ceux relatifs aux difficultés liées à la langue française reconnues par seulement 5,3% des étudiants. Le renforcement de la langue française par l’introduction d’un enseignement ciblé de cette langue n’apparaît pas comme une priorité contrairement à l’introduction d’une formation en informatique (idée appréciée par 88,4% des étudiants en sciences fondamentales) ou à l’introduction des langues étrangères ( idée appréciée par 59,6% des étudiants). Cette dernière idée est d’ailleurs plus appréciées par les étudiants des écoles de gestion et commerce qui sont plus intéressés que les étudiants en sciences fondamentales – ce qui est certainement à rattacher aux rôles importants que jouent les langues dans le commerce etc.

Les projets professionnels : La majorité des étudiants se projettent dans la fonction publique surtout ceux dont la formation les prédestine à l’enseignement. C’est le cas pour 35% des étudiants en « math-physique ».

Notes
9.

Selon des chiffres un peu plus récents, nous comptions 260 000 étudiants en 2004 et le chiffre est estimé à 312 000 pour 2006.