4-2-4- La démystification de l’écriture

Ces dernières années, les recherches en langue ont commencé à s’intéresser à la production écrite et à la traiter non comme un « don » mais comme une compétence qu’on acquiert et donc qu’on enseigne.

La place qu’elle occupe en didactique traditionnelle est quelque peu équivoque : elle ne bénéficiait pas d’un enseignement particulier et spécifique mais elle avait un rôle important dans l’évaluation. C’est le lieu d’expression et d’investissement des différents enseignements d’orthographe, de grammaire, de conjugaison … . C’est par elle que s’effectue la vérification de la réussite ou l’échec de la transmission des autres savoirs. Toutefois « il n’est pas toujours évident que les savoirs sur les fonctionnements de la langue ou même des « savoirs-faire manipulatoires localisés » développés chez l’élève soient facilement et immédiatement investis dans les pratiques scripturales » (M. Miled, 1998 : 17).

Selon M. Miled (op. cit.), deux raisons ont fait qu’un tel enseignement n’a pas été dispensé, la première est en rapport avec l’apprenant chez qui l’acte d’écriture ou de rédaction est fortement, pour ne pas dire exclusivement, lié à la validation et à la certification d’autres compétences. Ceci est d’autant plus vrai qu’en sciences, les étudiants ont une idée préconçue de la souveraineté de la science, de son auto-suffisance, son langage symbolique universel lui permettant de se passer de toute expression en langage naturel. Cet usage spécialisé de la langue naturelle est négligé dans la formation scientifique, et inexistant dans la formation linguistique et les cours de français dispensés dans les filières scientifiques au lycée.

La deuxième raison est liée à « l’inexistence d’un modèle théorique sur lequel peut reposer l’enseignement de la rédaction » (op. cit. : 18). Peut-on parler de l’inexistence de ce modèle en français langue de spécialité ? Nous savons, notamment d’après S. Moirand (1990 b) qu’il existe certaines particularités d’un texte scientifique comme la neutralité de l’énonciation, l’objectivité, le présent atemporel …mais ces caractéristiques constituent-elles un modèle ou la base d’un modèle à construire ?. Existe-t-il, pour le texte scientifique ce que M. Miled appelle « (…) un modèle théorique du texte sur lequel peut reposer l’enseignement de la rédaction », « une théorie textuelle de référence explicitant son fonctionnement effectif ou la variation de ses structures discursives » ? (1998 : 18). Là où en rédaction en langue naturelle, « à cette carence d’un modèle théorique, faisaient écho des pratiques évaluatives limitées le plus souvent aux corrections de l’orthographe et de la grammaire de la phrase », en langue de spécialité, à cette carence, font écho des pratiques évaluatives ne prenant pas en compte l’expression scientifique en langage naturel. Même si l’enseignant juge souvent nécessaire de signaler les lacunes linguistiques, celles-ci ne sont pas (du moins officiellement) prises en compte dans l’évaluation : seule compte l’exactitude scientifique.