1-1-4- De quelques relations

W.C. Mann et S. Thompson ont établi un inventaire des relations rencontrées dans la RST qui est, selon eux, bien établi et exhaustif même s’il reste ouvert 17 .

Les relations sont définies en termes de contraintes sur le noyau et le satellite, ensemble ou séparément, et en termes d’intention et d’effet. Elles sont à lire comme suit : « Il est plausible pour l’analyste qu’il était plausible pour l’auteur que ... » (Mann 2005b : 1).

Nous n’allons présenter ici que quelques-unes des relations qui nous semblent les plus importantes pour notre étude 18 . Elles se répartissent en trois groupes : des relations de présentation, des relations de contenu et des relations multi-nucléaires. Les relations sont rassemblées dans des tableaux à quatre colonnes : le nom de la relation, les contraintes sur le satellite (S) et sur le noyau (N) séparément, les contraintes sur le noyau et le satellite ensemble et l’intention de l’auteur (A), l’effet sur le lecteur (L) se traduit dans chacune d’elles.

Tableau a : Définitions des relations de Présentation
Nom de la relation Contraintes sur S et N séparément Contraintes sur N + S  Intention de A
Antithèse (Antithesis) sur N: A porte une appréciation favorable sur N N et S sont en rapport de contraste (voir la relation de Contraste) ; en raison de l'incompatibilité résultant du contraste, on ne peut leur porter à toutes les deux une appréciation favorable: comprendre S et l'incompatibilité entre les situations augmente l'appréciation favorable que L porte à N L'appréciation favorable de L envers N est accrue
Démonstration (Evidence) sur N: L pourrait ne pas croire en N avec suffisamment de force aux yeux de A 
sur S: L croit en S ou le trouvera crédible
Le fait que L comprenne S augmente sa croyance en N La croyance de L en N est accrue
Justification (Justify) Aucune Le fait que L comprenne S le rend plus disposé à accepter le droit de E à présenter N La disposition de L à accepter le droit de E à présenter N est accrue
Préparation (Preparation) Aucune S précède N dans le texte; S permet de placer L dans de meilleures conditions pour la lecture de N L est mieux préparé, plus intéressé ou mieux disposé à la lecture de N
Reformulation (Restatement) Aucune sur N + S: S reformule N, lorsque S et N sont de taille comparable; la position de N en relation avec les intentions de A est plus centrale que celle de S L reconnaît en S une reformulation de N
Tableau b : Définitions des relations de Contenu
Nom de la relation Contraintes sur S et N séparément Contraintes sur N + S Intention de A
But (Purpose) sur N: N est une activité; 
sur S: S est une situation non-réalisée 
S doit être réalisé grâce à l'activité décrite dans N L reconnaît que l'activité décrite dans N est amorcée afin de réaliser S
Cause délibérée (Volitional Cause) sur N: N est une action délibérée, ou bien une situation qui aurait pu résulter d'une action délibérée S peut avoir induit l'exécutant de l'action délibérée décrite dans N à accomplir celle-ci; sans l'introduction de S, L pourrait ne pas considérer l'action comme motivée ou en connaître le fondement; N est plus important pour les intentions présidant à la création de la combinaison N+S que ne l'est S. L reconnaît en S la cause de l' action délibérée décrite dans N
Cause non délibérée (Non-volitional Cause) sur N: N n'est pas une action délibérée S a causé N, autrement qu'en induisant une action délibérée; sans l'introduction de S, L pourrait ne pas connaître la cause spécifique de la situation; l'introduction de N est plus importante que celle de S pour les intentions présidant à la création de la combinaison N+S. L reconnaît en S la cause de N
Circonstance (Circumstance) sur S: S n'est pas non-réalisé S établit un cadre dans "Contenu", à l'intérieur duquel R doit interpréter N  L reconnaît que S fournit le cadre permettant d'interpréter N
Condition (Condition) sur S: S introduit une situation non-réalisée (hypothétique, future ou autre) quant au contexte situationnel de S  La réalisation de N dépend de celle de S L reconnaît en quoi la réalisation de N dépend de celle de S
Élaboration (Elaboration) Aucune S introduit un détail supplémentaire sur la situation ou un élément décrit dans N, ou inférable à partir de celui-ci de l'une ou plusieurs des manières énumérées ci-dessous. Dans la liste, si N introduit le premier membre d'une paire, alors S inclut le second: 
ensemble : composant 
abstraction : concrétisation 
tout : partie 
processus : étape 
objet : attribut 
généralisation : détail 
L reconnaît que S ajoute un détail supplémentaire à N. L identifie l'élément de Contenu pour lequel le détail est apporté.
Interprétation (Interpretation) Aucune sur N + S: S relie N à un cadre conceptuel, absent de N et que ne concerne pas l'appréciation favorable de A  L reconnaît que S relie N à un cadre conceptuel, absent de la connaissance introduite par N
Résultat délibéré (Volitional Result) sur S: S est une action délibérée, ou bien une situation qui aurait pu résulter d'une action délibérée  N pourrait avoir causé S; la présentation de N est plus importante pour les buts de R que celle de S; L reconnaît que N pourrait être la cause de l'action ou la situation décrite dans S
Résultat non-délibéré (Non-volitional Result) sur S: S n'est pas une action délibérée  N a causé S; l'introduction de N est plus importante que celle de S pour les intentions présidant à la création de la combinaison N+S. L reconnaît que N pourrait avoir causé la  situation décrite dans S
Tableau c : Définitions des relations multi-nucléaires
Nom de la relation Contraintes sur chaque paire de N Intention de A
Contraste (Contrast) Pas plus de deux noyaux; les situations décrites dans chacun d'eux sont a) comprises comme identiques sur plusieurs points, b) comprises comme divergeant sur quelques points et c) comparées selon l'une ou plusieurs de ces différences L reconnaît la similarité et la (les) différence(s) données par la comparaison effectuée
Jonction (Joint) Aucune Aucune

Afin d’utiliser au mieux ces relations dans notre analyse, nous avons été amenés à y introduire quelques modifications qui répondent mieux - à notre avis - à la nature de nos textes. Par exemple, les distinctions délibérée et non délibérée nous paraissent mal correspondre aux rapports qui peuvent exister entre des notions ou des phénomènes physiques. A la place de la relation de « cause délibérée » et « cause non délibérée », nous préférons alors parler de relation d’ « explication » où le lecteur reconnaît dans le satellite l’ensemble des causes de ce qui est présenté dans le noyau 19 .

Les relations de résultats posent un autre problème. Telles qu’elles sont définies, elles présentent le noyau comme la cause du satellite. Cette définition ne nous paraît pas donner leur juste valeur à certaines informations telles que les conclusions, les expressions des théorèmes ou des principes qui sont des résultats ou plus généralement des conséquences, et qui, si nous tenons compte du sens de cette relation, seraient des satellites. De plus, le nom de la relation, résultat, rappelle fortement les termes « résultats d’une démonstration », « résultats d’une expérience » etc, et donc des résultats qui sont souvent mathématiques. Nous préférons donc désigner par :

La nature des données auxquelles nous avons affaire et leurs implications nous poussent aussi à procéder à des sous-classements à l’intérieur de certaines relations. C’est le cas de la relation d’élaboration dans laquelle nous distinguons, selon les besoins, la relation d’exemple 20 et d’étude de cas ; ou encore de la relation de contraste que nous préférons préciser en utilisant dans notre corpus plutôt la désignation opposition, ou encore la relation de circonstance dans laquelle nous distinguons la relation données.

Il ne s’agit pas là de véritables ajouts de relations mais de sous-classements effetués dans certaines d’entre elles.

Notes
17.

Pour différents chercheurs, le texte de W. Mann et S. Thompson 1988 reste « le » texte de référence, avec l’inventaire des relations de la RST qu’il présente.

18.

Le tableau complet des relations figure sur le site www.sil.org/linguistics/RST

19.

La SDRT (Théorie des Représentations Discursives Segmentés), comme elle ne tient pas compte des intentions et des croyances de l’auteur et du lecteur, remplace les deux relations de cause ainsi que la démonstration par l’explication

20.

M-P. Péry-Woodley parle de relation d’ « explicitation – illustration ».