e. La monosémie, la reformulation et la vulgarisation

Les termes dans le discours scientifique de chaque domaine sont monosémiques ou monoréférentiels. C'est-à-dire qu’à chaque terme, dans un domaine de connaissance donné, correspond une seule réalité, ce qui évite l’ambiguïté et la confusion. J. Peytard voit en cette monosémisation « l’objectif du discours scientifique ». Toute altération des concepts dont elle est le fondement est alors inconcevable et la préservation des « concepts nodaux qui vont permettre à la monosémisation de se construire » (1984 : 22) est une condition sine qua non.

A. J. Pétroff voit en elle un élément déterminant les discours de reformulation. Cette monoréférentialité, comme le souligne P. Lerat (1995), pose un problème lorsqu’il s’agit de vulgariser le discours savant et de le rendre accessible à un public de non-savants. Pour ce dernier, quand il s’agit de reformulation du discours scientifique, la quasi-synonymie « est à exclure par principe, du fait de la tendance des termes à la monosémie mais une transformation lexicale reste souvent possible » (op. cit. : 142). Ceci rejoint les propos de J. Peytard qui estime que la reformulation de ce discours se fait au « niveau des notions et de l’enchaînement discursif syntagmatique. Le noyau conceptuel est irrépressible et non reformulable » (Peytard, 1984 : 27). Le premier niveau est « le niveau des éléments variants », niveau où s’opère l’altération, et le deuxième est « le niveau des éléments invariants » dont il faut préserver « la monosémie fondatrice » (Peytard, 1984 : 73).

La vulgarisation est perçue comme un moyen de rendre accessible, à un certain type de lecteur - représentant d’ailleurs un public plus vaste - un certain nombre de données et de notions scientifiques qui ne l’étaient pas sous leurs formes premières. La reformulation est perçue comme un moyen, pour le lecteur, de s’approprier le discours scientifique. Pour C. Brey, cité par S. Grossmann, C. Frier & J-P. Simon, « (…) seule la " toile d’araignée des reformulations tissées par l’individu autour du concept d’origine" lui permettra d’accéder à ce que ce concept peut avoir d’utile pour lui » (1994: 152-153) et de se repérer dans le chantier conceptuel en cours d’élaboration et donc non achevé grâce aux balisages que met en place la reformulation. A-M. Loffler-Laurian note, pour finir, que « la perte d’informations ou leur déformation » lors de la reformulation est un « mal nécessaire » (1984 : 124).