2- La prise de notes et l’exposé : les étapes de la reformulation

2-1- Le changement de situation

Au passage de la première production, à savoir la prise de notes, à la deuxième, l’oralisation, les étudiants sont face à de nouvelles contraintes situationnelles dues au changement du type de production à réaliser. La prise de notes commune, et la tâche en général, exigent d’eux de travailler en commun sur leurs notes de cours, de discuter et de confronter leurs idées que ce soit par rapport à la compréhension des notions traitées dans les notes de départ ; par rapport à la méthodologie à suivre pour réaliser la tâche globale ; par rapport à ce qui est pertinent ou non pour la bonne réalisation de la première sous-tâche et des sous-tâches suivantes - oralisation et rédaction – qui en dépendent ; par rapport à comment dire et comment noter ce qui est communément discuté, compris et admis. Etablir un champ de travail qui puisse garantir une bonne co-production, planifier, organiser, mettre sa compréhension et ses connaissances à la disposition de l’autre, se remettre en question, accepter l’intervention de l’autre sur soi et sur ces acquis notionnels et scientifiques, procéduraux et linguistiques, sont autant de contraintes auxquelles ont fait face nos participants pour cette première étape de la co-production et auxquelles ils feront face pour la suite. Mais aussi, il existe des contraintes matérielles propres à chaque étape, contraintes auxquelles ils sont soumis et auxquelles ils se sont plus ou moins pliés - comme nous venons de le présenter ci-dessus - et qui font que nous avons affaire à des productions variées. Le passage d’une étape à une autre s’accompagne alors de l’entrée en jeu de nouveaux paramètres et de nouveaux objectifs. Nous notons les trois points suivants :

Premièrement : la prise de notes exigeait un travail à la fois sur le texte oral en cours de construction dont l’importance sera abordée dans le chapitre suivant, mais aussi un travail sur des textes écrits et des textes à écrire, à savoir les notes recueillies pendant le cours et celles en construction. Ce travail sur l’écrit obéit à des règles et des codes qui garantissent le passage des premiers textes vers les deuxièmes : il s’agit de la compression de l’information - contenus et formes -, sa recodification selon les critères et les normes auxquels obéit le genre de prise de notes. Le respect de ces contraintes, lors de leur application dans cette phase du travail, permet et garantit, dans une phase ultérieure, le passage vers d’autres textes par l’empreinte de schémas inverses, à savoir l’extension et le développement.

Deuxièmement : la situation mi-orale/ mi-scripturale laisse alors la place à une situation entièrement orale, pour revenir à la mixité dans la dernière phase, rédactionnelle, du travail. L’oral a différentes fonctions et différents statuts selon qu’il est considéré comme objectif premier, comme dans l’exposé, ou qu’il est considéré comme objectif second, comme lors de la prise des notes et de la rédaction - les objectifs premiers étant alors les notes et le texte définitif. L’existence d’une trace « audio » enregistrée et le fait que les participants soient conscients que cet oral sera analysé et traité au même titre que tout le reste, nous amène à parler de l’oral comme d’un objectif second et non seulement d’un moyen de réalisation des objectifs premiers. Selon l’un ou l’autre cas, selon l’une ou l’autre fonction, il a différentes manières de se réaliser. Ce sont ces outils propres à chaque oral que les participants sont censés utiliser de manière appropriée selon les besoins et c’est ce passage d’un oral non formel à celui normé qui est supposé s’opérer lors de l’oralisation des prises de notes. Une oralisation qui sera tantôt à rattacher à un oral « exposé » scolaire, et tantôt à un exposé didactique ou « enseignant ». En effet, la consigne laisse les portes de la réalisation orale ouvertes à ces deux types d’exposé.

Troisièmement : la PDN, généralement réalisée par soi et pour soi, est, ici, produite en collaboration avec l’autre. Cet autre est à la fois collaborateur, donc situé du côté de la production, mais aussi premier destinataire auquel est adressé le produit réalisé et donc première instance dont il faut tenir compte. A priori, nous aurions eu là le seul paramètre humain, au niveau de la réception, à entrer en jeu s’il n’y avait pas le chercheur. Mais le fait est que la prise de notes soit une étape imposée par le chercheur et en tant que telle il est difficile de ne pas tenir compte de lui et de ne pas le considérer comme exerçant une contrainte d’ « efficacité » sur les participants. Ces derniers cherchent quelque part à satisfaire ses exigences et d’y répondre en se conformant à la production d’un produit intermédiaire convenable, la PDN. Mais tous les groupes ne répondent pas à cette attente (nous avons vu l’exemple de G3 qui survole presque cette étape), et quand même c’est le cas, ils ne le font pas de la même manière (la PDN de G1 ou de G2 diffère de celle de G4 et encore plus de celle de G7). A contrario, l’exposé et le texte rédigé sont de manière générale destinés dès le départ à une instance autre que soi. L’idée d’un récepteur potentiel dont il faut tenir compte est présente d’emblée. Un repositionnement du discours par rapport à cette instance est alors nécessaire lors du passage des PDN vers l’exposé et le texte rédigé. Certaines formes, notamment orales, vont apparaître dans le discours tenu par les participants tels que, par exemple, les termes d’adresse, etc.

Chacune des situations de production ainsi présentes obéit à des paramètres variables qui font sa particularité et qui déterminent, selon la finalité, l’ancrage énonciatif, les moyens linguistiques disponibles … etc. La PDN obéissait à des contraintes particulières. Maintenant, les étudiants doivent faire face à de nouvelles contraintes liées cette fois-ci à l’oralisation.