Nous devons souligner que nous sommes conscients de la différence qui existe entre la prise de notes à partir de l’oral et la prise de notes à partir de l’écrit. Nous devons rester conscients de la nature très particulière de la situation à laquelle doivent faire face nos participants. Pour les besoins de notre recherche 41 , nous avons amené les participants à prendre des positions frontalières entre des situations plus ou moins - parfois même plutôt moins - connues. Ils s’adonnent d’abord à une activité peu commune surtout dans leur formation, celle de prendre des notes à partir d’un texte écrit. Lors des cours suivis à l’université, et même avant, au lycée, cette activité se fait à partir du discours du professeur, discours oral qui peut être ponctué d’inscriptions sur le tableau. Les recherches sur la prise de notes insistent sur la différence fondamentale qui existe entre les deux situations :
F. Boch (2000) en fait l’objet d’une étude qui compare les productions de textes rédigés dans chacun des deux cas. Le comportement des étudiants face à leurs notes, et par la suite face à leur rédaction, est alors fortement dépendant d’éléments tels que le débit de la parole du professeur - lent ou rapide - , de l’intonation, « des indices facilitateurs » ou, au contraire, « des indices inhibiteurs » de la prise de notes. En effet, les apprenants s’appuient sur les indices donnés par l’enseignant pour identifier les moments où ils doivent prendre notes et ceux où ils doivent, au contraire, laisser le stylo de côté et « suivre ». Ainsi, dans le cas de figure d’une source orale, le professeur est au centre des stratégies déployées, contraignant ainsi la prise de notes. Par contre, dans le cas de figure d’une source écrite, l’étudiant est certes plus libre mais aussi il est livré à lui-même face au texte.
Ce déséquilibre créé par cette prise de notes inhabituelle est réajusté, dans notre situation, par l’objectif placé en amont de la tâche, celui de faire un exposé oral - ce qui rappelle certains exercices scolaires comme la préparation de dossiers lors de certains cours de sciences naturelles. Mais là encore, un nouvel élément est introduit dans la tâche : celui de tenir un discours didactique dans le sens où les participants doivent se mettre à la place d’un enseignant et expliquer, notes à l’appui, le cours.
Pris entre leurs statuts actuels d’étudiants et la projection dans ce que sera leurs statuts futurs d’enseignants, les apprentis enseignants puisent dans leurs multiples ressources les éléments de leurs discours. Hétérogénéité, confusion mais aussi innovation et créativité sont alors à l’ordre du jour, pour les uns plus que pour les autres. Les productions oscillent entre lecture de fragments pré-rédigés, paraphrase de notes et construction d’un discours didactique. Le penchant vers l’une plutôt que vers les autres oralisations dépend, certes, du vécu et de l’expérience de chacun, c'est-à-dire de la participation antérieure à des exposés et du degré de prise de conscience des particularités du discours didactique ; il dépend de la configuration de la tâche de l’exposé et de la manière de la réaliser ; mais il est aussi fortement dépendant de l’étape précédente et des productions écrites qui en ont résulté.
Les prises de notes ont orienté et conditionné les réalisations selon qu’elles soient prises sur le modèle des notes de départ, qu’elles s’en écartent plus ou moins, ou qu’elles soient considérées comme insuffisantes et donc complétées. Ce qui s’est traduit, selon le cas, par l’un des trois modes d’oralisation mentionnés ci-haut.
Dans ce qui suit, nous allons entamer l’analyse d’une autre étape de la production à savoir l’interaction qui a accompagné la réalisation des textes finaux et intermédiaires et qui a fortement contribué à donner aux ces différents produits la forme qu’ils ont au final.
Besoins sur lesquels nous nous sommes penchés au début de notre recherche et qui, pour résumer, consistent à faire « parler » les étudiants à l’oral et à l’écrit -