b. Négociation

Le deuxième point que nous redéfinissons dans cette théorie est la notion de négociation sur laquelle se base le discours et qui consiste en une sorte de quête d’un accord. E. Roulet reconnaît à la situation son rôle sur la détermination de la conversation, et reconnaît aux différents discours leur spécificité et c’est en partant justement de la nature même de la situation, la notre, qu’il nous paraît incohérent de parler de négociation, du moins seulement de négociation pour définir les différents échanges.

En effet, la situation mise en place est une situation de « collaboration », les deux participants doivent donc coopérer et aboutir à un accord dans chaque étape de leur travail afin d’achever la tâche assignée. Nous nous rapprochons en cela de la définition que donne T. Jeanneret du discours : « Tout mouvement discursif entraînant la participation de l’interlocuteur est par définition coopératif » (Jeanneret, 1991 : 90). Elle introduit la notion de co-énonciation, « mouvement discursif produit par deux locuteurs dans une structure monologique » (op. cit. : 90). Selon elle, la co-énonciation se réalise de deux manières :

T. Jeanneret souligne aussi l’existence d’un « contrat de co-énonciation » entre les interlocuteurs au terme duquel chacun a le droit de compléter ou reformuler les propos de l’autre sans que cela soit perçu comme une menace ou une remise en cause des compétences.

Elle définit trois rôles pour la co-énonciation :

Pour revenir à notre situation, nous constatons donc que le terme de négociation ne traduit pas la réalité de certains épisodes qui relèvent plus de la collaboration et de la co-énonciation. Mais d’un autre côté, la définition de co-énonciation ne correspond pas à la nature de certains échanges où chacun négocie et met en jeu ses propos, son rôle et sa crédibilité, et où les propos et les suggestions sont sérieusement reconsidérés. Nous allons donc, et en accord avec la nature de nos données, adopter les deux termes « négociation » et de « co-énonciation », dans leur sens le plus général pour désigner deux situations, à notre sens, différentes. Le sème différenciateur sera la manifestation du désaccord.

Ainsi, nous désignerons par échange « négociatif » tout échange où le désaccord ou l’incomplétude sont explicités et marqués par un refus explicite (« non ») ou presque (exemple : « oui mais », « il est préférable », « c’est mieux de »…)  ou par des demandes de clarifications et de justifications. Par ailleurs, nous désignerons par échange « co-énonciatif », tout échange où il y a accord manifesté ou même un désaccord non souligné, l’absence même de cette manifestation étant pour nous une preuve d’une volonté de collaboration qui prime sur la situation. Les reformulations entrent de ce fait dans cette catégorie, même si elles sous-entendent une insatisfaction vis-à-vis des propos de l’autre, du moment, bien sûr, qu’elles ne sont pas introduites par des marques de réfutation.

Nous avons déjà présenté le protocole mis en place pour recueillir les données orale (entre autres), à savoir le protocole de la rédaction conversationnelle. L’étude des différents éléments du discours oral se fera, donc, à travers les différentes étapes de cette construction finalisée de l’interaction.