b. L’intertexte

Il peut être, comme le figure R. Bouchard, dans « l’air du temps ». Il s’agit d’un ensemble de matériaux relatifs au savoir, au savoir-faire, aux formes linguistiques pleines, structures iconiques, linguistiques, textuelles vides etc.  Il est :

• « virtuel » dans le sens où, s’il n’est pas inscrit, il peut demeurer sous formes de propos oraux non retenus.
• « stocké dans la mémoire à long terme » du scripteur et ne lui est pas propre dans le sens qu’il est partagé par d’autre sujets ayant suivi la même formation ou « subi une exposition textuelle comparable » (op. cit. : 97).
• « essentiellement stable », du fait qu’il préexiste à la situation de production et qu’il n’en dépende pas. « son apparition en mémoire de travail est stimulée par le contexte du déjà écrit et par l’horizon d’attente créé par le document à produire. » (op. cit. : 97)

R. Bouchard souligne toutefois l’existence d’un autre type de préconstruit, celui constitué de ce que U. Kraft (2005) appelle « objets intermédiaires », créé ou construit par l’écrivant lui-même à partir d’autres préconstruits lors d’étapes préalables à « l’élocutio » ou rédaction finale. Ce sont des ressources « ad hoc », provisoires, qui vont être, après reformulation, intégrées dans les écrits finaux. Il s’agit de plan, de prise de notes etc.

L’intérêt que présente le protocole de coopération est souligné dans trois points essentiels (Bouchard, 2005) :

• Le corpus fourni par la rédaction conversationnelle permet ainsi de mettre la lumière sur ces différents préconstruits tout au long de la conversation, dans les différents produits, et aux différentes phases et moments de la production. Ils peuvent ainsi être identifiés et suivis au fil des transformations qu’ils subissent (reformulations, ratures).
• Les protocoles verbaux permettent de distinguer entre les recours conscients aux préconstruits et ceux non conscients selon que ces préconstruits ou importations sont négociés ou au contraire introduits d’un accord mutuel, selon une sorte de « consensus « culturel » entre des partenaires à la recherche d’une « bonne forme », d’un « lieu commun formel » ». (op. cit. : 97)
• Le protocole en question, reflet du processus rédactionnel, permet « de voir à l’œuvre de manière implicite ou explicite différents « scripts » de ce processus (…). » (op. cit. : 99), scripts hérités d’une tradition scolaire, culturelle, et intériorisés par chacun selon ces pratiques scripturales. Ils constituent ainsi l’élément de base, le fond, « le bureau de travail » sur lequel le rédacteur prendra appui pour visionner et planifier sa production. R. Bouchard conclut en ces termes « de même qu’il existe pour eux (sujets adultes) un modèle du produit (…), il existe un modèle du processus qui s’il n’est pas verbalisé globalement se manifeste implicitement par le large consensus qui existe entre eux dans la gestion, étape par étape, de la tâche commune ». (op. cit. : 99)