2-2-2-3- Le traitement scientifique : conséquences

La difficulté du traitement de la matière scientifique et les négociations plus ou moins réussies qui peuvent s’y rattacher peuvent avoir des retombées sur d’autres moments et actions de la collaboration comme la sélection. Ainsi, des éléments, dont la maîtrise peut être vécue ou perçue comme fragile peuvent être écartés, consciemment ou non, de la prise de notes et de la rédaction. C’est le cas par exemple pour G1, qui ne reprend pas dans « sa prise de note rédigée » des éléments comme la convention de lecture du déterminant de Slater (lignes i et colonnes j) et les conséquences de l’échange de 2 particules sur le déterminant, éléments négociés, respectivement, entre les tours 177 et 181 et entre 196 et 203. Le deuxième, nous le rappelons, a même été partiellement inscrit puis barré (entre 437 et 442). C’est le cas aussi, dans la rédaction de G3, de l’étude de « l’exemple des trois bosons » dans la fonction d’onde de ces particules. Le traitement plutôt conflictuel de cet élément, entre 77 et 94 amène le binôme a en faire l’économie lors de la rédaction et à passer directement de l’expression de la fonction (seg 14-15) à la conclusion sur la coexistence des bosons sur un même état (seg 16). Aussi, des éléments perçus comme évidents et « faciles » - comme l’expression de la fonction des bosons dans le texte final de G4 - peuvent-ils aussi être écartés des productions finales. Les retombées se ressentent alors sur la composition notionnelle du texte et comme nous l’avons vu sur sa structure. En effet, écarter ces éléments du texte fragilise les propositions relationnelles qui le sous-tendent. Le vide notionnel et logique qui en résulte est difficile à combler. Ce phénomène est aggravé, comme nous allons le voir, par un travail sur (re-)formulation qui ne tient pas compte de ces faits.

Mais il peut arriver qu’un échange construit sur un accord total entre les participants cache une difficulté dont eux-mêmes ne semblent pas se rendre compte ou qu’ils veulent éluder. C’est le pas pour les échanges des membres de G2 sur le « changement de signe de psi sauf si psi=0 » dans le déterminant de Slater et les conséquences sur la co-existence des particules dans un même état. Arrivé à ce point, G2 se contente presque de lire les notes du cours. La mauvaise compréhension amène la focalisation sur une partie de l’information au détriment d’une autre partie essentielle à la suite du cours :

Seule la vérification du changement de signe est perçue, mais le lien entre cet élément et le principe de Pauli est passé sous silence :

Cette focalisation sur le changement de signe est reconduite dans l’exposé (du tour 150 au tour 152) et prend sa forme finale dans le texte définitif (seg 34, 35 et 36 formulés au tour 211).

Nous retrouvons cette focalisation sur le changement de signe et de colonnes dans les productions de G4 qui, lui aussi, n’établit pas explicitement le lien entre « changement de signe de  sauf si =0 » et le principe de Pauli. D’ailleurs, G4 ne note pas cette exception contraignante pour la suite du raisonnement malgré un traitement oral où H insiste sur le fait en question en ralentissant la lecture, en marquant des pauses et en appuyant sur les mots :

et aussi malgré une réflexion et une notation du cas où cette antisymétrie n’est pas vérifiée - c'est-à-dire quand le déterminant est nul.

D’une manière générale, qu’ils soient négociatifs ou co-énonciatifs, les échanges portant sur l’information scientifique ne sont pas une fin en soi mais constituent une étape dans la mise en accord sur un élément scientifique à mettre dans le texte écrit. Les groupes 1 et 3 comptent le plus de négociations sur les informations scientifiques, mais d’un binôme à un autre, certains points reviennent et sont plus négociés que d’autres : c’est le cas par exemple des expressions des fonctions, de la logique intrinsèque à leur mise en place et de leurs implications. La matière scientifique n’étant pas toujours facilement abordable pour les participants, la négociation offre l’occasion pour les deux intervenants d’éprouver leurs connaissances et de prouver qu’ils ont compris. Les différents groupes arrivent à gérer les données scientifiques du cours avec plus d’aisance pour les uns (G7) que pour les autres (G3). Les échanges, en négocation ou en co-énonciation, sont des étapes intermédiaires nécessaires pour pouvoir passer à la tâche principale : la formulation et l’inscription.