2-2-4-2- La reformulation : une quête

Nous avons vu avec les analyses des données offertes par les groupes 2, 4 et 7 que le travail reformulatif accompagne le passage du texte source vers le texte cible et l’exposé oral. Lors des phases de prise de notes, par exemple, même si une grande part de l’attention est accordée aux différents actes subordonnés, la reformulation et l’inscription des éléments ainsi sélectionnés et traités n’est jamais complètement écartée. Nous n’allons pas ici reprendre les différentes reformulations et les procédés paraphrastiques, mais nous allons insister sur les passages et les échanges qui traduisent ce que nous considérons comme une quête de la formulation adéquates et de l’explicitation des propositions relationnelles et de la structure textuelle.

Cette quête transparaît, à un premier niveau, dans les différents échanges consacrés à la sélection des données et à leurs explications scientifiques. Ce travail sur la matière scientifique s’accompagne d’un travail sur la matière linguistique, le tout traduisant la volonté de s’approprier les données du cours. Reformulations explicatives, commentaires récapitulatifs et appréciations accompagnent les différentes phases rédactionnelles comme pour l’introduction du texte de G4, de G7 et de manière plus explicite et complète celle du texte de G2 :

3 N (…) [behi] dans cette partie l’intéressant c’est en canique classique . on a des particules sont discernables . en mécanique quantique les particules sont indiscernables . c’es :t chose importante . (…)
14 Z on peut mettre en évidence la différence entre la mécanique classique et la mécanique quantique \
15 N \ (pour les \..?)
16 Z \ pour le::s \ particules identiques

L’accent est mis sur l’opposition entre les deux mécaniques et sur ce qui fait la différence entre elle : une première ébauche de l’introduction est donnée dans la prise de notes. Lors de sa formulation, l’idée ou le commentaire qui a permis la restructuration des éléments (au tour 14) prend forme et donne naissance au segment introducteur (seg 2) :

155 N (…) l’introduction plutôt dans l’introduction . on va voir. la différence . o:n dit on va voir la différence wal:a on va voir euh (quelle est?) la différence entre [l:] définition d’une particule identique en mécanique classique \ et mécanique quantique (voir?) .
156 Z \ (.. ?)
155 N la différence \ pour l’(. ?)
157 Z \ pour l’(.. ?) . pour la notion de particules identiques
158 N identiques . en mécanique classique . et en mécanique quantique . behi . an:a euh . en mécanique classique deux particules identiques sont discernables .. deux particules . identiques . sont discernables

Un travail de remodelage, de sélection - linguistique cette fois - permet de transformer un commentaire de l’ordre du métadiscursif en un segment qui fera partie du texte et qui jouera un rôle dans sa structure. C’est aussi le cas pour le segment 11 et le segment 13 qui voient des commentaires comme « (alors) on peut écrire » - utilisé dans les tours 35 et 170, et « donc on va introduire » - utilisé dans le tour 170 pour expliquer des relations logiques entre les informations, se greffer à ses informations et contribuent ainsi à en expliciter la structure et les liens à la surface du texte rédigé.

Ce travail sur l’explication de la matière scientifique se traduit chez les groupes et dans leurs travaux par des degrés différents d’appropriation de la matière et de sa reformulation et par conséquent de son altération. Les membres de G4 et de G7 font preuve de plus d’aisance dans le traitement de la matière scientifique et aussi de sa forme linguistique. Ceci donne des productions intermédiaires, prises de notes et exposé, pour le moins différentes de celles de G2 - qui restent plutôt conventionnelles dans sa manière de procédé et dans ces productions. Ces groupes prennent alors plus de liberté dans le maniement de la matière de base, ce qui se manifeste à l’écrit par des choix plus conséquents sur cette matière, et à l’oral par des échanges explicatifs importants qui font appel parfois à des informations non présentes dans le texte. Ces explications leur permettent d’identifier, d’extraire et de mettre en relief et remodeler les informations qu’ils jugent importantes.

Ainsi, G4 met l’accent sur la relation d’opposition entre la fonction des bosons et celle des fermions en 127

127 H pour les fermions on: procède pas par la même euh \
128 K \ (pas la même façons ?)
129 H par la par la même méthode . ici on: on calcule la \ fonction d’onde à l’aide de
130 K \ (déterm) . déterminant de Slater
129 H Slater .

en soulignant que la différence de la nature ou du type du système entraîne des choix procéduraux ou mathématiques différent et aussi des conséquences opposées :

197 H [behi]
198 K principe de Pauli
199 H euh:: . c’est le contraire du cas des des bosons \
200 K \ bosons \
201 H \ on a vu pour les bosons \ que:: un
202 K \ on peut::
201 H nombre quelconque de bosons identiques peuvent occuper un même état individuel .. et: pour ce cas . un même état quantique individuel ne peut . ne peut pas être occupé simultanément par deux fermions identiques

Les propriétés physiques des particules sont alors mises en rapport direct par une reformulation récapitulative des comportements physiques face à un même phénomène. L’opposition prend sa forme en 299 avec le recours à « alors que » pour expliciter ce lien  :

299 H possibles . toutes les permutations .. possibles . alors que . pour . les fermions . c’est le cas contraire . on utilise le le déterminant de Slater . car la fonction d’onde est un peu . euh:: . difficile à traiter . \ euh::: . de la même façon que les

Ou encore, G4 met l’accent sur la possibilité de permuter des états à travers l’étude des exemples :

111 K on va traiter un exemple . exemple trois bosons pouvant occuper trois états individuels alpha bêta oméga . on suppose que alpha différent de bêta différent de oméga . l’état du système . est égal . racine de psi . c’est égal 1 sur racine de 6 . 1 dans l’état alpha 2 dans l’état bêta 3 dans l’état oméga (+) 1 dans alpha 2 dans l’état oméga on a fait: ici la permutation . 3 dans l’état bêta (+) etcetera égale six termes
112 H hum . on: regarde toutes les permutations possibles (.. ?)
113 K hum . si alpha égale bêta différent de oméga .
114 H donc on prend . toutes les . permutations .. toutes les permutations . possibles

Il résume ainsi le passage entre la combinaison linéaire et la possibilité pour plusieurs bosons d’occuper un même état en une seule formule au tour 114 et il insiste sur ce lien en 118. Il remplace l’étude mathématique et les calculs présents dans le texte source par l’identification du principe qui sous-tend la logique des exemples mathématiques, à savoir la possibilité de permutation. Il reprend cette formulation lors de l’exposé oral (en 258) et aussi lors de la rédaction (que nous traiterons dans l’étude des conséquences).

De même, G7 choisit de faire remonter à la surface du texte des relations non explicitées dans TS, et ce, après avoir « décortiqué » les données scientifiques lors de sa première transaction - transaction qui n’aboutit pas (comme nous l’avons souligné dans l’études des PDN) à des notes classiques mais à des notes explicatives, des annotations qui accompagnent et schématisent les explications et les ré-explications des notions du cours. Des relations identifiées oralement sont alors explicitées lors de la rédaction comme dans l’introduction (les rapports d’opposition entre MC et MQ et les rapports de conséquences entre la trajectoire et la discernabilité). Mais aussi des rapports qui surgissent comme par effet de maturation de la réflexion et d’une conscience situationnelle. Ainsi, la symétrie de la fonction d’onde (II-1 de TS) est introduite par simple lecture du sous-titre en -15- :

15 K (…) grand deux . postulat de . symétrisation .. petit un . symétrie de la définition d’onde d’un système de particules identiques . par rapport . à l’échange des états des deux particules . soit un système . de N particules …

et est traitée sans que sa pertinence soit justifiée. Sont, ensuite, traités dans l’ordre de leurs apparitions dans le cours et avec minutie, les coordonnées de la particule, l’expression de la fonction, le principe de permutation, le rôle de l’opérateur Pij et ses valeurs propres (que K se charge de re-démontrer). Une première reformulation à la fin du tour 23 permet de récapituler le lien entre les différents éléments :

23 K (…) donc lambda est égale à plus ou moins 1 . ce sont les valeurs propres de . Pij . [behi] . donc . on aura … qu’au cours d’une permutation . de deux états quantiques . on a . un changement de la fonction d’onde . soit qu’elle est positive ou négative vu que lambda est égale à plus ou moins 1 .
24 M hum .
25 K et ceci dû à l’indiscernabilité des particules +

Au passage à l’énoncé du postulat, une nouvelle reformulation récapitulative et une nouvelle mise en rapport sont opérées cette fois pour déterminer les liens entre la valeur de lambda et l’état du système (en 25) et qui sera reformulée encore à l’exposé oral (en 200) :

25 K et ceci dû à l’indiscernabilité des particules + petit deux . énoncé du postulat de symétrisation .
les états physiques d’un système de particules identiques ne peuvent être que . symétrique c'est-à-dire plus .. où lambda est égale à 1 . ou . antisymétrique . c'est-à-dire moins . où lambda est égale 1 …
et on parle de symétrisation c’est toujours par rapport . à l’échange des deux états des particules . lors d’une permutation des deux particules ..
les fonctions d’onde ont une propriété bien déterminée lors d’une permutation . (…)
200 K euhum .. bon . on sait bien que:: . chaque particule est définie par . euh quatre coordonnées dont trois . sont . des coordonnées . spatiaux . et . euh le quatrième coordonnée c’est . il indique . l’état de spin . du particule .
bon euh . on va voir . que . est ce que l’état du système se perturbe . euh au cour d’une . vis-à-vis d’une (per) euh permutation des deux états ou pas .
on définit ainsi un postulat de symétrisation .
c'est-à-dire euh:: . le calcul nous amène euh
le calcul euh qui est . que nous commençons par l’équation valeur propre .
nous amène euh à définir deux . deux types de:: fonction d’onde . euh . dont le la première est symétrique . et . la deuxième est antisymétrique vis-à-vis bien sûr d’un . euh d’une permutation de deux états .
on définie (ains) ainsi l’opérateur euh permutation . Pij . qui donne deux valeurs propres différentes . euh lambda plus ou moins 1 .
si lambda est égale à 1 c’est que . lors d’une permutation . euh . la fonction d’onde est symétrique .
et si lambda est égale à moins 1 . lors d’une permutation . euh l::’état ou la fonction d’onde . euh du système est antisymétrique . voilà …

Au moment de la rédaction et en enchaînant sur « grand deux grand un c’était introduction » (au tour 242, de K), un bref moment d’hésitation marque le retraitement de ces données : la reformulation et le restructuration des éléments de l’introduction et le travail cohésif qui ont été opérés entre les segments, semblent créer une sorte d’élan de reformulation qui lui-même crée une sorte de malaise face à l’inscription des sous-titres, perçus comme insuffisante pour assurer « (l’)enchaînement entre grand I et grand II » (en 242). Il en résulte alors la création (au tour 244) du segment 11 qui permet d’enchaîner, à la suite de la notion d’indiscernabilité des particules (seg 10), la notion de permutation des états en la présentant comme la raison qui justifie le recours au postulat :

244 K bon . on est arrêté . par conséquence en mécanique quantique deux particules identiques sont deux particules \ indiscernables . ok . [behi] .. pour ces
245 M \ indiscernables
244 K particules . pour . ces particules ... on définit .. ce qu’on appelle . postulat de symétrisation + qui . permet . de donner . des renseignements .. sur . l’état . d’un système .. vis-à-vis . d’une permutation .. des états de deux particules … dont chacun . particules dont chacun
246 M d o n t ( ?)
247 K voilà . dont chacun . est défini par . quatre variables .. défini par . quatre variables . variables . telles que . x . x . y . z . et sigma et sigma . où sigma . nous indique nous indique l’état de spin . où sigma . nous indique … bon . soit la fonction d’onde . fonction d’onde . psi . 1 alpha 1 . i alpha i . jusqu’à N alpha N
248 M i alpha i . jusqu’à ( ?)
    N . alpha N . voilà … (…)

Ce segment mis en place (et relié par la même occasion à la définition des variables des particules), et surtout, la notion de permutation installée, l’opérateur d’échange Pij est introduit. Ses deux valeurs assurent, à leur tour, l’introduction des états du système qu’elles déterminent. Les membres de G7 ne manquent pas de souligner ce lien relationnel entre état, permutation et valeur de lambda :

249 K (…) on introduit ainsi . l’opérateur . Pij .
250 M on . introduit . ainsi
251 K ainsi . l’opérateur P ij . c’est l’opérateur Pij c’est l’opérateur permutation … permutation . qui assure . qui . assure . l’opération . de l’échange . l’opération . de l’échange . des états . de i et j . i et j + cet opérateur . cet opérateur .. cet opérateur . admet . deux valeurs propres … plus ou moins . deux valeurs propres . qui sont plus ou moins . qui sont . \ deux valeurs propres
252 M \ (.. ?) lambda on peut le nommer
253 K hum deux valeurs propres .
254 M qui sont ..
255 K lambda plus . est égale à 1 . et lambda moins . est égale à moins 1 . lambda moins . est égale à moins 1 … ce qui fait . que . ce qui fait que . un état symétrique … lors . d’une permutation .. permutation il (admit) . elle (admit) (.. ?) valeur propre . plus 1 … et un état antisymétrique … elle admet le valeur propre . moins 1 + (…)

Au final, le travail de (re-) formulation effectué dans les différentes interactions étant en partie assumé par les actes subordonnés, l’acte principal de (re)-formulation/ inscription se fait avec des coûts moins élevés dans les transactions consacrées à la rédaction des textes finaux qui correspondent souvent à l’acte même d’inscription (appuyé par la dictée).

Aussi, distinguons-nous dans cette reformulation trois phénomènes importants qui lui sont liés : le transcodage, les (pré)-construits et le code switching (que nous reprenons dans les compétences interactionnelles).