1-2- Les didactiques convergentes

Quoique opérant aux premières années de l’enseignement d’une langue étrangère, la méthodologie convergente nous paraît importante à souligner dans le cadre de nos propositions même si elle ne répond pas directement aux besoins de notre public. En effet, « Des didactiques convergentes » de la langue maternelle et de la langue seconde semblent se présenter d’elles-mêmes pour répondre à des besoins pédagogiques aussi particuliers que ceux d’un public comme le public tunisien. Elle souligne des principes qu’il nous semble bon de rappeler parce que valables quel que soit le niveau des apprenants. Cette didactique part du fait que face aux langues, l’apprenant ne fait pas joindre deux systèmes linguistiques seulement mais aussi deux codes culturels. Deux attitudes peuvent se manifester : faire correspondre aux deux codes le modèle pédagogique de l’une des deux langues ; ou alors inversement opter pour deux stratégies d’appropriations différentes ce qui met l’apprenant souvent dans une situation où il y a une incompatibilité importante entre les deux approches d’apprentissages des deux langues par lesquelles il accède aux différentes informations et formations, ce qui affecte son rendement. M. Miled ajoute que « Ces divergences dans la façon de développer les connaissances ou les compétences chez l’apprenant se manifestent aussi lorsque les deux langues sont utilisées dans le même système scolaire comme véhiculaire d’enseignement » (1998 : 50). Il cite alors l’exemple d’un enseignement qui s’opère sur la base d’un passage d’une langue maternelle à une langue étrangère pour dispenser certains enseignements, ce qui est le cas de l’enseignement des sciences en Tunisie. Dans ce cas,  il faut souligner les différences inhérentes aux particularités conceptuelles et métalinguistiques de chacune des langues.

M. Miled souligne qu’il n’est pas question dans une perspective de didactiques convergentes d’assujettir une méthodologie à l’autre ou de les uniformiser, mais l’objectif, tel qu’il le définit, « est d’harmoniser des approches pédagogiques portant sur le même objet (la langue), ayant des finalités identiques (l’appropriation de cette langue) et se situant dans un contexte bilingue ou multilingue » (1998 : 50). « La langue maternelle est non seulement développée pour elle-même mais aussi développée en propédeutique à la langue seconde » (Cuq & Gruca, 2002 : 312). Cette méthodologie valorise la langue maternelle - et à travers elle la culture maternelle - et la ré- exploite dans l’acquisition d’une langue seconde par le réinvestissement de procédés et d’activités ayant servi pour l’apprentissage de la première langue. Cette méthodologie s’appuie ainsi sur le « développement de capacités cognitives transférables plutôt que d’hypothétiques correspondances linguistiques » (Cuq & Gruca, 2002 : 313) capacités qui représentent pour nous un point d’appui et un atout majeur dans l’enseignement que nous préconisons. Toutefois, selon J-P. Cuq et I. Gruca, la réussite de cette méthodologie ne va pas sans quelques exigences notamment des maîtres bilingues formés à cette méthodologie, un matériel pédagogique adéquat, des classes peu chargées afin d’assurer la bonne communication et d’optimiser la participation etc.

Le développement d’une compétence métalinguistique acquiert de l’intérêt dans cette perspective des didactiques convergentes. La convergence didactique peut permettre aux apprenants de mieux connaître les systèmes linguistiques en question, à travers l’observation des langues et la comparaison entre elles. Elle peut les amener aussi à identifier par eux -mêmes des points de convergences ou de divergences susceptibles de favoriser leur apprentissage.

Par ailleurs, le principe de la « convergence » rejoint aussi les propos de A-C. Berthoud et B. Py (1993) qui prônent un enseignement de L2 s’appuyant sur la réactivation des « différentes stratégies - pragmatiques, sémantiques et syntaxiques - que nous avons progressivement mises en œuvre dans le développement de notre L1 » (Berthoud & Py, 1993 : 105). Ce sont donc les « opérations généralisables » qui sont ciblées et non les opérations spécifiques, opérations, qu’ ils faudrait, comme ils le disent, identifier et mettre en avant par des études comparatives entre les deux langues, et ce, à différents niveaux.

Pour aller plus loin dans cette approche convergente et coller à l’esprit général que met en place l’adoption d’une telle didactique, il serait bénéfique à l’intérieur des institutions d’avoir des contacts inter-départements pour que les étudiants aient une plus grande habitude du bilinguisme, voire du plurilinguisme, et des contactes entre les langues arabe, française, et anglaise. Casser l’image du cloisonnement de chaque langue dans son propre et unique département en favorisant les échanges et la création d’espaces communs ne peut qu’aider à mieux servir l’esprit de cette didactique et veiller à ce qu’elle soit non seulement l’affaire d’une classe de langues mais des différents départements et institutions.