3.1. Approches processus-produit

Nous présentons deux types de travaux, l’un mené à une échelle internationale en lien avec l’évaluation, TIMSS, et l’autre menée en Allemagne à partir d’un modèle théorique de l’enseignement.

Dans une approche "processus-produit", qui n'est partagée par aucun des chercheurs français des réseaux que nous avons cités ci-dessus, des chercheurs allemands (Fisher et al. 2005) se basent sur un cadre théorique proposant "des modèles de base" de l’apprentissage (autour de 10) tels que la construction de la signification de mots/concepts, le développement de routines ou de stratégies, la résolution de problèmes, etc. (Oser et Baeriswyl 2002 ; Paquay et Dayez 2006). A chacun de ces modèles sont associées des procédures d’enseignement observables. Des procédures très différentes peuvent être associées à un même modèle d’apprentissage. Ce modèle a été adapté par les équipes allemandes pour permettre de caractériser l’enseignement de physique pendant une séance en termes de structures profonde et de surface. Les résultats actuellement disponibles caractérisent le type d’enseignement effectif d’une majorité de professeurs en Allemagne. Ils ne donnent pas de caractéristiques spécifiques des classes "performantes". L'étude est quantitative dans le sens où un grand nombre de données vidéo est pris sur un échantillon important de classes.

Nous classons dans cette catégorie, une étude évaluant les connaissances conceptuelles des élèves pour les relier aux pratiques d’enseignement : TIMSS Video Studies

Associés aux évaluations TIMSS (Third International Mathematics & Science Study), deux projets TIMSS vidéo ont été menés. Ces projets visaient à décrire les pratiques d'enseignements dans différents pays afin d'essayer de les relier aux performances des élèves. Les travaux du premier projet "TIMSS 1995 Video Study", associé à l'évaluation TIMSS 1995, étaient basés sur une comparaison de leçons de mathématiques dans trois pays: l'Allemagne, le Japon et les Etats-Unis, parmi lesquels le Japon avait le score le plus élevé à l'évaluation. L'étude TIMSS vidéo a montré que le Japon avait une façon différente d'enseigner les mathématiques, comparée à celle des deux autres pays de l'étude (Stigler et al. 1999). Ces résultats pouvaient laisser penser que les bonnes performances sont possibles si on adopte des pratiques d'enseignement similaires à celles observées au Japon.

Le deuxième projet "TIMSS 1999 Video Study", associé à l'évaluation TIMSS 1999, était une continuité du projet fait en 1995. Il a été réalisé sur un nombre de séances de classes de mathématiques jamais atteint jusque-là: 638 séances de mathématiques au niveau de la 4ème, une séance par professeur. Ces séances ont été filmées dans sept pays: Australie (87 séances), République Tchèque (100 séances), Hong Kong SAR (100 séances), Japon (50 séances), Pays Bas (78 séances), Suisse (140 séances) et Etats-Unis (83 séances). Dans chaque pays, les séances ont été filmées tout au long de l'année scolaire afin de couvrir différents sujets et activités pouvant avoir lieu durant une année scolaire. Les buts de ce projet sont (Hiebert et al. 2003a, p.1-2) : 

Avec une perspective pragmatique, les auteurs visent à caractériser les pratiques d’enseignement dans différents pays permettant aux étudiants d’obtenir de bonnes performances. Un des résultats principaux porte sur la caractérisation des particularités d’une leçon de mathématiques dans différents pays, ce qui est appelé : la signature d’une leçon. Les leçons sont caractérisées selon trois dimensions : (1) but de ce qui se déroule dans la classe (rappel, introduction d’un nouveau contenu, etc.), (2)  les interactions en classe, (3) le contenu de l’activité (sujets couverts, nature du raisonnement mathématique, relations entre les problèmes, …). Les signatures des leçons sont construites en étudiant ce qui se passe selon les trois dimensions pendant chaque minute de chacune des leçons. Il apparaît qu'il existe des ressemblances ainsi que des différences entre les pays:

‘"While there were some shared general features, there was discernible variation across the countries in teaching eighth-grade mathematics. Distinctions included the introduction of new content, the coherence across mathematical problems and within their presentation, the topics covered and the procedural complexity of the mathematical problems, and classroom practices regarding individual student work and homework in class" (Hiebert et al., 2003b, p.4)’

Comme le précisent les auteurs, les résultats ne permettent pas d'identifier les caractéristiques d’une séance qui seraient importantes pour l’apprentissage et les acquisitions des élèves en mathématiques. Il apparaît que les pays ayant de très bons résultats aux évaluations ont des structures de leçons très différentes, comme par exemple Hong Kong SAR et les Pays-Bas (Hiebert et al., 2003a). Par exemple, à Hong Kong SAR, “a number of lessons are initially focused on content activities such as non-problem-based mathematical work: presenting definitions, pointing out relationships among ideas, or providing an overview or summary of the major points in a lesson. […]. As students and teachers moved through the second half of the lesson, Hong Kong SAR mathematics lessons also began to focus on the practice of new content through a mix of independent problems and sets of problems (concurrent problems) assigned to students as whole-class or seatwork.” (Hiebert & al. 2003, p.132). De plus, la majorité de la leçon se situe avec des “interactions publiques” c’est-à-dire que l’ensemble de la classe travaille ensemble. Inversement, aux Pays-Bas, “the midpoint of the lesson is the time when a majority of Dutch lessons moved into private interaction, wherein students worked individually or in small groups with the help of the teacher and focused on sets of problems completed as seatwork.” (Hiebert & al. 2003, p.138). De plus, la majorité du temps de la leçon est consacrée à de nouveaux contenus (introduction d’un nouveau contenu ou sa pratique) et presque un quart des leçons est consacré entièrement à la révision.

TIMSS vidéo n'a pas conduit à des propositions précises sur les solutions à la question du lien entre pratiques d'enseignement et performances ; les auteurs ont plutôt mis l'accent sur la complexité de ces pratiques:

‘"More than anything, the findings of this study expand the discussion of teaching by underscoring its complexity. One thing is clear however: the countries that show high levels of achievement on TIMSS do not all use teaching methods that combine and emphasize features in the same way. Different methods of mathematics teaching can be associated with high scores on international achievement tests." (Heibert et al. 2003a, p.149)’

Les résultats de ces études nous emmènent à considérer comme nécessaire le fait d'accompagner ces études quantitatives d'études qualitatives qui se pencheraient plus vers l'enseignement effectif en classe et l'apprentissage des élèves afin de mieux comprendre les processus qui les sous-tendent et les relient.