3. Le savoir enseigné en classe

Notre choix de caractériser les pratiques de classes du point de vue du savoir suppose un intérêt particulier au savoir effectivement enseigné en classe, le savoir qui vit en classe. Nous développons dans cette partie nos positions vis-à-vis de ce savoir et nous nous donnons des moyens de le caractériser.

3.1. L'importance de la situation de classe

Nous considérons qu'un aspect déterminant de l'enseignement pour étudier l'apprentissage est le savoir enseigné: son contenu et la façon dont il est élaboré en classe. Cette position est basée sur l'hypothèse suivante: ce qui n'est pas enseigné n’a pas trop de chances d’être appris, radicalement différente de ce qui est enseigné est appris. Ceci nous mène à considérer que "la situation de classe joue un rôle essentiel dans l'apprentissage de l'élève et ses acquisitions" (Tiberghien & al., 2007a, p.95): "la classe n'est pas seulement un lieu où l'élève prend de l'information pour ensuite apprendre à la maison (…) l'élève va y travailler et apprendre". Ces hypothèses sont reliées à notre position théorique sur les savoirs, basée sur le travail de Chevallard (1991) qui a traité la question des savoirs en utilisant la métaphore de la vie et l'écologie. La savoir "vit" dans des institutions formées de groupes de personnes (la classe dans notre cas). Le terme "savoir" dans cette perspective a une signification très large: il n'est pas limité au contenu mais inclut les savoir-faire, compétences, etc. ainsi que le fonctionnement du savoir ou encore l'épistémologie véhiculée (Tiberghien & al., 2007a).

Le rôle de la classe est essentiel pour l'apprentissage mais non exclusif, puisque les acquisitions des élèves dépendent de l'apprentissage en classe et hors classe, notamment du travail des élèves à la maison (Johsua & Felix, 2002 ; Mercier & al., 2005). Mercier & al. évoquent l'action d'étudier de l'élève comme une action associée au "temps d'apprentissage":

‘"In the current state of knowledge about teaching and learning, it is felt that progress by students requires personal reorganization of knowledge that is already understood (this is completely different from automatic repetition of the text of the mathematical knowledge) in order to integrate new knowledge that could help the learner with new issues. The student is responsible for this work which produces learning time, and which is based on the specific learning behaviour of study." (Mercier & al., 2005, p.148)’

Nos données recueillies étant uniquement des données prises en classe, il nous est difficile d'étudier directement le rôle du travail à la maison. Nous pouvons juste supposer que le travail des élèves à la maison s'intègre d'une certaine façon dans les séances de classe filmées.

L'importance d'étudier le savoir en classe vient aussi du fait que la classe soit l'endroit "idéal" de la rencontre entre les élèves et le savoir scientifique (différent du savoir de la vie quotidienne) ; les élèves ont peu de chance de rencontrer ce savoir ailleurs. Certes, l'élève peut rencontrer ce savoir dans un musée scientifique ou pendant une activité culturelle orientée vers les sciences ainsi que dans livres et revues scientifiques mais nous supposons que "ces situations sont insuffisantes à l'apprentissage conceptuel d'une grande partie des élèves" (Tiberghien & Buty, 2007).