3.2. L'action conjointe

Comme nous l'avons déjà précisé, notre approche des pratiques est basée sur le travail des chercheurs français en didactique comparée (Sensevy & al., 2000 ; Mercier & al., 2002 ; Sensevy & Mercier, 2007 ; Schubauer-Leoni & al., 2007) dont le choix commun est d'étudier l' action didactique. Par action, Sensevy entend "le fait que les gens agissent" et par didactique "ce qui se passe quand quelqu'un enseigne quelque chose à quelqu'un d'autre". L'action didactique serait donc "ce que les individus font dans des lieux (institutions) où l'on enseigne et où l'on apprend" (Sensevy, 2007, p.14).

Considérant en fait la classe comme un système didactique formé par la triade du professeur, des élèves et du savoir (Sensevy et al., 2000), nous utilisons le terme de "pratiques de classe" pour parler de l'action didactique. Les instances du système didactique sont supposées comme indissociables: "l'action du professeur ne pouvant être traitée indépendamment de celle des élèves et de l'enjeu du savoir" (Schubauer-Leoni & al., 2007, p.56). L'action didactique serait donc une action conjointe du professeur et des élèves dont les buts sont interdépendants: "chacun ne peut atteindre son but que si l'autre atteint le sien" (Bange, 1994), ou autrement dit, "le professeur gagne à son jeu (d'enseignement) dans la mesure où l'élève gagne au sien (le jeu d'apprentissage)" (Schubauer-Leoni & al., 2007). Sensevy traduit cet aspect de l'action de la façon suivante:

‘"Le terme enseigner, d’une certaine manière, demande le terme apprendre ; le terme apprendre demande le terme enseigner. (…) Ces lignes banales sont relativement importantes. Elles signifient que la description et la compréhension de l’action didactique supposent de considérer celle-ci comme une action conjointe, fondée sur une communication dans la durée entre le professeur et les élèves, donc sur une relation qui actualise l’action, et qui est actualisée en retour par celle-ci." (Sensevy, 2007, p.14)’

L'action conjointe ne signifie nullement "une symétrie des positions tenues par les acteurs (professeur et élèves)" ; le professeur enseigne, transmet le savoir et les élèves sont à l'école pour apprendre, acquérir le savoir. Le savoir se trouve donc au centre de leurs actions et en constitue la fin, ce qui nous mène à considérer les pratiques de classe sous le point de vue du savoir:

‘" Nous persuadant en effet que les savoirs donnent leurs formes aux pratiques d’enseignement et d’apprentissage, nous voulons plus généralement considérer que ce sont les contenus des pratiques qui déterminent leur structure. (…) comprendre l’action, c’est d’abord comprendre comment le contenu propre à cette action la spécifie." (Sensevy & Mercier, 2007, p.9)’

Le savoir enseigné en classe, en jeu dans les actions didactiques, serait donc le fruit d'une co-élaboration, d'une co-production entre le professeur et les élèves. Ce savoir n'est pas une donnée, il est seulement en jeu dans les productions verbales (orales et écrites) et gestuelles des acteurs en contexte (Tiberghien & al., 2007 a et b). Pour l'analyser, le chercheur est donc amené à le reconstruire.